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-   Peut-on connaître le sujet de cette réflexion pertinente ? demande-t-il, feignant d'être intéressé.

-   Vous en êtes le sujet, évidemment, répond la princesse avec ironie.

Darkos se redresse. Sans même qu'il s'en rende compte, ses poumons se sont doucement gonflés d'orgueil.

-   Maintenant que je connais le sujet, puis-je avoir le verbe ? dit-il, dans un élan poétique.

-   « Intriguer ». Voilà le verbe qui colle à votre sujet. Arthur se demandait comment votre père, déjà si laid, avait pu mettre au monde un fils encore plus répugnant que lui- même. Arthur a donc formulé sa phrase de la façon suivante : « La laideur de ce Darkos m'intrigue ! » Sujet, verbe, complément, lui indique la princesse, comme si elle était une éminente grammairienne.

Darkos se fige, gelé sur place. Son glaçon lui en tombe de la bouche.

Son troupeau de séides, qui ne fait pas dans la dentelle, se met à ricaner, comme à son habitude.

Darkos fait volte-face et dévisage ses hommes. Son regard est plus tranchant qu'une lame de rasoir et les moqueries s'estompent rapidement.

Darkos contient comme il peut la fureur qui est en lui et qui ne demande qu'à exploser, comme un Perrier qui attend qu'on le décapsule.

Le fils maudit souffle doucement et laisse ainsi la pression s'échapper.

Il se retourne vers Sélénia et lui sourit, très fier de ne pas avoir réagi à cet affront.

-   La douleur qui t'attend sera à la hauteur du plaisir qui m'attend, lui promet Darkos. Maintenant, si Son Altesse veut bien se donner la peine de me suivre, ajoute-t-il, au milieu de sa révérence.

Pas de bagarre en perspective...

-   Bien essayé, chuchote Arthur à l'adresse de Sélénia, un peu déçue d'avoir échoué une nouvelle fois.

La petite troupe se regroupe et sort de la prison.

-   Cette cérémonie impromptue ne me dit rien de bon ! commente Archibald, que le nombre de gardes inquiète et impressionne.

-   On est déjà sortis de prison, c'est déjà pas mal ? ! répond Arthur, toujours aussi positif.

-   Il faut rester vigilant et à l'affût de la moindre faute, la moindre faille, c'est notre seule chance ! ajoute le jeune prince.

-  C'est pas tellement le genre de la maison de faire les choses à moitié et de laisser place à l'erreur ! se permet de rappeler Bétamèche, aussi inquiet qu'Archibald.

-  Tout le monde fait des erreurs et même Achille avait des talons ! répond Arthur, sûr de lui.

Arthur, Alfred, Archibald et maintenant Achille. Bétamèche se demande bien qui est ce nouveau membre de la famille qu'il n'a pas l'honneur de connaître.

-  C'est un cousin ? demande Bétamèche, un peu perdu dans les branches de l'arbre généalogique.

Archibald se sent obligé de rectifier la vérité historique.

-   Achille était un valeureux héros de l'Antiquité, explique gentiment Archibald, il était connu pour sa force et son courage. Il était invulnérable, ou presque. Une seule partie de son corps était plus faible que les autres et pouvait causer sa perte : son talon. Chaque homme a sa faiblesse, même Achille, même Maltazard, chuchote le grand-père à l'oreille de Bétamèche qui ne peut s'empêcher de frissonner en entendant ce nom, même à voix basse.

Chapitre 10

Il ne faut pas moins de dix séides pour pousser chacune des deux portes qui ouvrent sur la grande salle royale.

La petite troupe de visiteurs reste groupée et regarde avec intérêt ces deux immenses plaques de métal qui grincent méchamment et libèrent la voie.

La salle est gigantesque, impressionnante. À l'image d'une cathédrale.

Deux énormes citernes sont accrochées au plafond, comme deux gros nuages coincés entre des montagnes. Il s'agit en fait de deux réservoirs d'eau souterrains qui alimentent probablement la maison qui paraît, à cette échelle, démesurée. Les réservoirs sont percés de dizaines de trous dans lesquels ont été emboîtées les pailles volées à Arthur. Les tuyaux bariolés ont été reliés les uns aux autres et se rejoignent au centre, comme une énorme canalisation.

Le dessein de Maltazard semble maintenant plus évident : il va se servir des pailles pour guider l'eau dans la canalisation qui mène directement au village des Minimoys et ainsi les inonder.

L'inondation tournera vite à l'extermination car, comme tout le monde s'en souvient, les Minimoys ne savent pas nager.

-  Quand je pense que c'est moi qui leur ai appris à transporter l'eau et qu'ils vont maintenant s'en servir contre nous, constate Archibald en passant devant l'ouvrage.

-   Quand je pense que je leur ai fourni les pailles ! ajoute Arthur, qui se sent tout aussi responsable.

Le petit groupe traverse cette esplanade monumentale qui semble sans fin.

De chaque côté s'étale une puissante armée de séides, figés dans leur garde-à-vous.

Au bout de l'esplanade, il y a une pyramide, presque transparente, teintée de rouge.

À la voir de plus près, on s'aperçoit que c'est, en fait, une multitude de morceaux de pierre translucide, emboîtés les uns dans les autres.

Au pied de ce monument de verre est placé un trône lugubre, beaucoup trop prétentieux pour appartenir à un bon roi. Maltazard a posé ses mains sur les accoudoirs, sculptés en leurs extrémités d'immenses têtes de mort. Il se tient droit au fond de son trône, non pas pour accentuer son arrogance, mais simplement parce que c'est la seule position que son pauvre corps malade lui autorise.

-  Tu cherchais ton trésor ! Le voici ! glisse Archibald à l'oreille de son petit-fils.

Arthur ne comprend pas bien. Il regarde autour de lui, puis s'attarde sur cette pyramide étrange. Il constate alors qu'il s'agit d'un amas de pierres précieuses, une centaine de rubis, plus parfaits les uns que les autres, empilés scientifiquement afin de former une parfaite pyramide.

Arthur a la bouche grande ouverte. Il est en admiration devant ce monument d'une valeur inestimable, devant ce trésor que jamais il ne pensait être capable de découvrir.

-  Je l'ai trouvé ! laisse-t-il échapper dans un élan de fierté.

-  Le trouver, c'est bien. Le transporter, ça va être une autre histoire ! constate Bétamèche qui semble avoir retrouvé son bon sens.

Effectivement, le trésor est posé sur une coupole, et chaque pierre doit peser plusieurs tonnes.

Arthur réfléchit. Si seulement il avait sa taille normale. Porter cette soucoupe pleine de rubis, serait un jeu d'enfant. L'idéal serait de se souvenir de l'emplacement du trésor afin de le récupérer une fois revenu à sa taille normale. Malheureusement tout est démesuré dans le monde des Minimoys et les signes deviennent méconnaissables. Rien de ce qu'il voit ne lui rappelle quelque chose.

Darkos le sort de ses réflexions en le poussant violemment dans le dos.

-   Avance ! Ne fais pas attendre le maître ! aboie Darkos, en bon chien de garde.

-    Tout doux ! Mon bon et fidèle Darkos, intervient Maltazard, comme un maître compréhensif.

-   Excusez-le. Il est un peu nerveux en ce moment. Il avait pour mission d'exterminer votre peuple et il a malheureusement, et régulièrement, échoué. Voilà ce qui le rend un peu... exécrable. Mais tout va maintenant rentrer dans l'ordre. Papa est là. Maltazard est conscient de son écrasante supériorité et il se délecte de cette situation, comme on prend son temps pour manger la chantilly sur un gâteau.

- Et maintenant... que la fête commence ! s'exclame-t-il, excité comme une puce qui aurait gagné au loto.

Il claque des doigts et la musique démarre. Tonitruante. Royale. Inaudible. Archibald se met les doigts dans les oreilles.

-   Si jamais ils me remettent en prison, je promets de leur apprendre le solfège ! dit le vieil homme, obligé de hurler pour se faire entendre.