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Les pneus trouvent enfin un peu d'adhérence et la Corvette redouble de vitesse.

La voiture échappe aux griffes du torrent et fonce comme une fusée à travers le tuyau.

Arthur se cramponne des deux mains au volant. Sélénia est collée au fond de son fauteuil. La pression de l'air dessine sur son visage un sourire bien involontaire. Bétamèche marmonne que plus jamais il ne prendra un transport, quel qu'il soit, tandis qu'Archibald, grisé par la vitesse, regarde défiler le paysage.

-   C'est fou, en seulement quatre ans, les progrès qu'a pu faire l'automobile ! constate-t-il, émerveillé par la puissance de la Corvette.

La vitesse augmente et devient si élevée que la ligne droite du tuyau donne l'impression maintenant d'être une série de courbes qui se succèdent.

Arthur se concentre davantage. Il ne s'agit plus de tenir le volant, mais de piloter véritablement.

Bétamèche, malgré la pression de la vitesse, parvient à la force des bras à attraper les dossiers des sièges avant, il glisse son visage entre les deux sièges.

-  Au prochain carrefour, il faudra prendre à droite ! indique Bétamèche.

À peine a-t-il fini sa phrase que la bifurcation jaillit devant Arthur.

Il donne un grand coup de volant à droite, qui projette les passagers contre les portières.

La voiture s'engage de justesse dans ce nouveau conduit. Arthur respire.

-   Bétamèche ? ! Essaye de me prévenir un peu plus tôt la prochaine fois ! se plaint le chauffeur, qui a bien cru manquer son virage.

-  À gauche ! hurle Bétamèche, qui suit à la lettre les consignes d'Arthur.

Mais la nouvelle bifurcation surgit déjà. Le pilote hurle de surprise et, d'un mouvement réflexe, donne un coup de volant à gauche.

Il s'en est fallu de peu que la voiture ne s'écrase sur le mur en biseau qui sépare les deux chemins.

Arthur pousse un grand soupir de soulagement.

-  Merci Béta ! lâche-t-il, le front couvert de sueur.

Sélénia s'en aperçoit et lui essuie le visage d'un revers de la main.

Ce geste d'une extrême tendresse contraste avec la dureté de la situation. Les deux tourtereaux échangent un sourire, à défaut de pouvoir se tenir la main.

-   À droite ! hurle Bétamèche qui fait sursauter les amoureux.

Arthur, encore troublé par le sourire de Sélénia, ne sait plus distinguer sa droite de sa gauche et donne des coups de volant dans tous les sens.

L'intersection arrive à toute allure. Ça crie dans la voiture et c'est un miracle si Arthur parvient à engager sa voiture dans le tunnel de droite.

Leurs cris se propagent à travers tout le réseau de canalisations.

Chapitre 12

Le père d'Arthur, pour la millième fois, remet son pied sur la pelle et appuie fortement. Il attaque sans entrain son soixante-septième trou.

Sa femme se tient à distance, afin de ne provoquer aucune catastrophe supplémentaire qui rendrait la situation encore plus pénible.

Elle est pourtant intriguée par ce petit cri d'enfant, venu de nulle part, qui résonne dans l'air. Mais le cri se dissipe rapidement. La mère reste un instant à l'écoute et finit par penser que son imagination lui joue encore des tours. Elle reprend donc son travail, qui consiste à éplucher des oranges pour son mari.

Mais une autre rumeur s'élève dans les airs. Un grondement sourd et bouillonnant. La mère tend une nouvelle fois l'oreille. Cette fois-ci, c'est plus évident.

-   Chéri, tu entends ce bruit bizarre ?

Le mari, à moitié endormi sur sa pelle, se redresse.

-   Hein, où ça ? dit-il, aussi réveillé qu'un ours qui sort de l'hiver.

-   Là, dans le sol. On dirait de l'eau qui se répand sous terre. La femme se met à genoux et se penche en avant pour mieux localiser cette rumeur qui gargouille dans le ventre de la terre.

Le père ricane, aussi bêtement qu'il bêche.

-   Tu entends des voix maintenant, comme Jeanne d'Arc ? plaisante-t-il, le coude sur le manche de sa pelle. Attends encore un peu et tu verras peut-être arriver des petits anges et des fantômes partout !

Il ne croit pas si bien dire. Des silhouettes étranges se profilent derrière le père hilare. La mère les aperçoit. Son sourire se fige, comme si elle avait aperçu les anges de l'apocalypse.

-   Des fantômes et des petits monstres, comme dans les vieux livres de ton père ! ajoute-t-il, en gloussant. Des tout petits poilus et très laids, avec leurs frères, des grands sorciers tout noirs !

Il se met à ricaner stupidement, puis mime une vague danse africaine. Sa femme le regarde, le visage défiguré par la peur. Elle tend légèrement le doigt vers son mari et tombe dans les pommes. En fait, plutôt dans les oranges. Le mari est tout aussi surpris et se demande quelle bourde elle a encore pu faire pour en arriver là.

Il regarde autour de lui, sans comprendre, et décide enfin de se retourner.

Il se retrouve nez à nez, ou plutôt nez à nombril, avec cinq Bogo-Matassalaïs. Ils sont toujours vêtus d'un simple pagne et ont une lance aiguisée à la main.

Le père se liquéfie instantanément. Il se met à claquer des dents, comme une machine à écrire qui rédigerait son testament. Le chef des Matassalaïs se penche doucement vers lui, ce qui prend un certain temps vu qu'il y a près d'un mètre de différence entre les deux hommes.

-  Vous avez l'heure ? demande poliment le géant africain. Le père fait oui de la tête, comme une marionnette au bout d'un fil.

Il regarde son poignet. Il a tellement peur qu'il ne parvient même pas à voir les aiguilles. Ce qui paraît normal, vu qu'il n'a pas de montre.

-  Il est... il est...

Il a beau taper sur son poignet, il ne risque pas de lui donner l'heure.

-   J'en ai une autre dans la cuisine, qui marche beaucoup mieux ! balbutie-t-il en regardant la pointe de la lance.

Le Matassalaï ne dit rien et se contente de sourire.

Le père en conclut qu'il a l'autorisation d'y aller.

-  Je... je reviens, bégaye-t-il, avant de détaler comme un lapin en direction de la maison qui lui sert de terrier.

Darkos parcourt fièrement une petite fiche qu'il tient dans sa main.

-   D'après mes calculs, l'eau devrait atteindre le village dans moins de trente secondes ! annonce-t-il à son père qui se réjouit de la nouvelle.

- Parfait, parfait !.. Dans moins d'une minute, je serai donc le maître absolu et incontesté des Sept Terres et le peuple minimoy ne sera plus qu'un souvenir à peine évoqué dans les livres d'histoire !

Maltazard se frotte les mains, plus Machiavel que l'original.

L'empereur Sifrat de Matradoy, quant à lui, fait les cent pas à la porte de son village. Il sait que l'heure est grave et que les chances de conserver son royaume sont infimes. Mais la perte d'un royaume n'est pas grand-chose, comparée à la perte de ses enfants. Sélénia et Bétamèche ne sont toujours pas de retour et c'est bien là le sujet de sa grande inquiétude.

-   Quelle heure est-il mon brave Miro ? demande-t-il à la fidèle taupe qui lui sert de confident.

L'animal n'a pas l'air plus réjoui que lui et c'est en soupirant qu'il tire sa montre de son gousset.

-   Midi moins cinq, mon roi, lui répond-il, en regardant sa montre.

Et pas question ici d'allonger le temps, comme se le permet Maltazard avec son chronomètre à feuilles. Au pays des Minimoys, les secondes sont régulières et nous entraînent inéluctablement vers une fin qui s'annonce bien tragique. Le bon roi soupire et bat des bras.

-  Il ne reste plus que cinq minutes et nous sommes toujours sans nouvelles ! constate le souverain, un peu perdu. Miro se rapproche et lui pose affectueusement la main dans le dos.