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Mino pousse alors un cri horrible et tombe dans les rubis, ce qui en soi est toujours mieux que les pommes. Ou les oranges.

La moitié du peuple minimoy a toujours ses petites mains collées contre la porte, mais la pression de l'eau commence à diminuer. C'est Miro qui annonce la bonne nouvelle, en décollant son oreille de la porte.

Le roi relâche son effort, mais n'ose pas encore enlever ses mains.

Patouf se pose moins de questions. Il recule de quelques pas, met ses mains sur ses hanches et se penche un peu en arrière pour faire craquer son dos. Il est vrai qu'à lui tout seul il faisait probablement les deux tiers du travail. De quoi se faire un tour de rein.

Le roi, seul avec les mains sur la porte, finit par se sentir un peu ridicule.

-   Vous pouvez lâcher, père ! Je pense que ça tiendra ! lui dit gentiment sa fille, amusée par la situation.

La rumeur de l'eau s'éloigne, comme une mauvaise pensée, comme un mauvais souvenir.

Miro ouvre la petite porte située à la hauteur de son visage et jette un œil à l'extérieur.

-  L'eau a disparu ! Ils ont réussi ! hurle la taupe.

La nouvelle est accueillie avec une joie sans pareille et c'est des centaines de petits chapeaux qui s'envolent, ainsi que des hurlements, des cris, des chansons, et divers sifflements. Tout ce qui permet d'exprimer le bonheur d'être en vie. Sélénia se jette dans les bras de son père. Elle en a oublié sa pudeur légendaire.

De grosses larmes roulent sur ses joues tandis qu'elle éclate d'un rire incontrôlable.

Bétamèche est grisé par tous ces compliments et toutes ces mains qui veulent serrer la sienne. Il est obligé de monter un « merci » en boucle pour répondre à toutes les demandes. Le peuple minimoy tout entier est en liesse et entame naturellement son chant national.

Miro regarde tout ça avec gentillesse, mais le cœur n'y est pas. Le roi s'approche de lui et pose son bras sur ses épaules.

Il connaît le malheur qui ronge Miro et qui l'empêche de faire la fête.

-  Comme j'aurais aimé que mon petit Mino puisse assister à un tel spectacle !

Le roi compatit et le serre davantage dans ses bras. Il n'y a rien d'autre à faire dans ces cas-là, et encore moins à dire. Mais une rumeur vient troubler la fête. Une rumeur qui monte, plus forte encore que celle de l'eau.

La terre se met à trembler légèrement et la fête s'arrête instantanément.

L'inquiétude se lit à nouveau sur les visages. Elle n'aura disparu que le temps d'une chanson.

Les tremblements au sol s'accentuent et quelques plaques de terre se décrochent du plafond, comme autant de bombes tombées du ciel qui éclatent en faisant de véritables cratères. La vengeance de Maltazard n'aura pas tardé, pense-t-on déjà dans la foule qui gagne les abris.

Qui d'autre que ce démon peut venir détruire la voûte de la cité ?

Une secousse, beaucoup plus forte que les autres, vient décrocher un énorme caillou du plafond.

-  Attention ! hurle Miro qui ne peut rien faire d'autre que prévenir.

Les Minimoys partent en courant et laisse l'énorme pierre trouer le sol dans un nuage de poussière.

Le choc est si violent que le roi en tombe sur les fesses.

Les tremblements s'arrêtent et un gigantesque tuyau bariolé apparaît au plafond et descend jusqu'au sol.

Le roi n'en croit pas ses yeux. Que diable ce démon de Maltazard a-t-il encore pu inventer ? s'interroge le souverain.

L'impressionnant tuyau s'est stabilisé et l'on distingue nettement, en transparence, une boule qui glisse à l'intérieur.

-  Une boule de mort ! s'écrie Bétamèche.

Il n'en faut pas plus pour créer la panique la plus totale. Sélénia est la seule à ne pas y céder.

Elle observe cet horrible tuyau qui lui rappelle quelque chose.

-  C'est une paille ! s'écrie-t-elle tout à coup, un sourire jusqu'aux oreilles. Une paille d'Arthur !

La boule finit sa descente, heurte le sol et roule sur le côté. Mino se redresse, tout courbaturé, et crache la poussière qu'il a dans la bouche.

Il tient, bien serrée dans ses bras, l'épée de Sélénia.

-  Mon fils ! s'écrie Miro la taupe, bouleversé par l'émotion.

-  Mon épée ! s'exclame Sélénia la princesse, folle de bonheur. Miro se rue sur son fils et le serre dans ses bras.

Le peuple minimoy, couvert de poussière, pousse à nouveau des cris de joie.

Le roi s'avance vers Miro et son fils, collés comme des müls-müls.

-  Tout est bien qui finit bien ! lance-t-il heureux, mais pas fâché que l'aventure se termine.

-  Pas tout à fait ! répond Sélénia avec autorité.

Elle quitte le petit groupe et marche jusqu'au centre de la place, là où se trouve la roche des anciens.

Elle brandit son épée et, d'un seul geste, la plante dans la pierre. Aussitôt la pierre se referme et emprisonne l'épée, à tout jamais.

Sélénia laisse échapper un soupir de soulagement. Elle jette un regard à son père qui, d'un signe de tête, lui témoigne son approbation et sa gratitude. Sélénia l'accepte, avec humilité. Cette aventure lui a appris tellement de choses, mais surtout une, essentielle pour faire d'une princesse une bonne reine, mais aussi pour réussir sa vie d'une manière générale : la sagesse.

Doucement, la paille remonte et quitte la place du village, comme une fusée muette.

Chapitre 16

Arthur la récupère et vérifie que Mino n'est plus à l'intérieur.

-   Yes !! s'exclame-t-il en constatant que la paille est vide.

Il met une petite pierre pour boucher le trou et récupère la soucoupe pleine de rubis.

Il serait temps qu'elle arrive, cette soucoupe au trésor, car Archibald ne sait plus quoi inventer pour gagner du temps. Il a de l'encre plein les mains et tripote son stylo qu'il a pris soin de démonter en trois parties.

-    C'est incroyable ! Un stylo qui jamais ne m'a trahi ! Et voilà qu'au pire des moments, celui de signer ces papiers si importants, il me lâche ! explique le grand-père, plus bavard que jamais. C'est un ami suisse qui me l'avait offert et, comme vous le savez probablement, les Suisses ne sont pas uniquement spécialistes en horlogerie et en chocolats, ils fabriquent aussi d'admirables stylos !

Davido, excédé, lui met son Mont-Blanc sous le nez.

-    Tenez ! Celui-là aussi il vient de Suisse ! Maintenant, signez ! On a perdu assez de temps comme ça !

Le propriétaire ne tolérera plus une seule diversion. Ça se lit dans son regard.

-    Ah ?.. euh... oui, bien sûr ! balbutie Archibald, à court d'idées.

Il gagne encore quelques secondes en admirant le stylo.

-   Magnifique ! Et... il écrit bien ? ajoute le grand-père.

-  Essayez-le vous-même ! lui répond Davido, plutôt habile sur ce coup-là.

Archibald n'a plus le choix et il signe le dernier papier.

Le propriétaire le lui arrache aussitôt des mains et le range dans le dossier.

-  Voilà ! Vous êtes maintenant propriétaire ! lance Davido, le visage un peu crispé.

-  Formidable ! répond Archibald qui sait que ce n'est pas si simple. Il a rempli tous les papiers, mais n'a pas réglé le principal.

-  ... L'argent ! demande Davido en tendant la main.

Il sait que c'est sa dernière chance. L'acte de propriété n'aura de valeur qu'au moment où Archibald se sera acquitté de la somme à payer et, pour l'instant, il ne l'a pas. Le vieil homme adresse aux deux policiers qui entourent Davido un sourire qui demande de l'aide. Malheureusement, les deux représentants de l'ordre ne peuvent pas grand- chose pour lui.