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Armand monte à bord et se frotte les mains avant de tourner la clé de contact. Les quatre-vingts chevaux de la voiture se mettent à rugir, même si les deux tiers ne lui serviront jamais à rien. Et même si les chevaux n'ont jamais vraiment su rugir. Le père affiche un sourire béat, comme un curé au son des cloches de Pâques.

- C'est parti, mon kiki ! dit-il avec délice, en desserrant le frein à main.

La voiture prend peu à peu de la vitesse. Arthur voit s'éloigner son grand-père, qui lui fait des grands signes d'adieu.

Il voit aussi s'éloigner cette si jolie maison dans laquelle il venait de passer les plus belles semaines de sa vie.

Soudain, Alfred, qui avait passé son temps à suivre l'araignée sur le chemin du retour, réalise qu'un bruit de moteur est souvent synonyme de départ. Il dévale alors les escaliers et se rue vers l'extérieur en passant entre les jambes d'Archibald qui vacille à moitié.

La voiture quitte maintenant la propriété, mais de mystérieux flambeaux sont disposés le long de la route. Le père fronce les sourcils et ralentit légèrement. Il n'a pas souvenir d'avoir vu des réverbères à cet endroit. Ce sont en fait les Bogo-Matassalaïs qui font une haie d'honneur, torches à la main, éclairant, un court instant, le chemin.

Arthur les regarde, impressionné de voir leurs beaux visages de guerriers se détacher dans le noir, à la lueur des boules de feu.

- Qu'est-ce qu'ils font, à éclairer la route comme ça ?! C'est un coup à avoir un accident ! râle le père, qui ne rate jamais une occasion.

La voiture passe cette magnifique haie lumineuse et s'enfonce maintenant dans la nuit. Seuls les deux petits yeux jaunes de la voiture découpent provisoirement l'horizon. Alors que les guerriers s'apprêtent à rentrer dans leur tente, Alfred le chien déboule sur la route, à la poursuite de la voiture. Les Bogo-Matassalaïs n'ont pas eu le temps de réagir. Ils ne peuvent que le regarder disparaître à son tour dans la nuit, à la poursuite de son maître.

Chapitre 8

Archibald et Marguerite sont sur le perron, un peu abattus.

- Ne t'inquiète pas pour Alfred, il va courir cinq minutes, puis il reviendra. Il a peur du noir, dit la grand-mère en prenant son mari par le bras et en l'entraînant vers la maison.

- Ce n'est pas Alfred qui m'inquiète, c'est Arthur, répond Archibald.

Le vieil homme referme la porte et met machinalement le verrou.

- Il prend cette histoire tellement à cœur et je ne veux pas qu'il soit malheureux !

La grand-mère sourit.

- Arthur est jeune et c'est son premier chagrin d'amour mais ce ne sera sûrement pas le dernier. Il en aura malheureusement d'autres !

Archibald soupire. Tout ceci ne lui plaît pas.

- Et si jamais il disait vrai ? Que les Minimoys sont en danger ! ? N'est-ce pas de mon devoir d'aller leur porter secours ? insiste Archibald.

Sa femme s'approche de lui et lui prend les mains.

- Archi ! Ton petit-fils a une imagination débordante et il a tellement envie de revoir sa princesse qu'il pourrait inventer n'importe quoi ! Comme cette histoire de message gravé sur un grain de riz ! c'est toi-même qui m'as dit que les Minimoys écrivaient uniquement sur des feuilles, non ?

- Oui, bien sûr, acquiesce mollement Archibald, mais une araignée n'aurait pas pu amener une feuille jusqu'à Arthur. Le grain de riz était plus facile à transporter.

Marguerite sourit à son mari. Il a l'air d'avoir lui aussi dix ans quand il parle des Minimoys.

- Archi, le peuple minimoy à plus de mille ans et ils ont survécu à toutes les catastrophes. C'est pour cela qu'ils sont forts aujourd'hui.

- Oui... c'est un peu vrai, concède Archibald.

- Ils ont grandi à travers les épreuves, tout comme le fera Arthur, ajoute Marguerite.

- Oui mais... ils sont tous si petits ! conclut le grand-père, d'une voix à vous fendre le cœur.

Marguerite l'embrasse sur le front.

- Et toi, tu es bien le plus petit d'entre tous ! Allez, viens te coucher. La nuit porte conseil, lui dit sa femme en s'éloignant vers l'escalier.

- Je... je vérifie que tout est bien fermé et je te rejoins, lui lance Archibald.

Marguerite ne répond pas et finit par disparaître en haut de l'escalier.

Archibald semble apprécier ces quelques secondes de silence. Il soupire un grand coup, comme pour s'aider à reprendre ses esprits. Marguerite a sûrement raison. Marguerite a souvent raison. Peut-être s'inquiète-t-il pour rien et ce message gravé n'était-il qu'un jeu d'enfant. Un enfant adorable, débordant d'imagination.

Archibald, résigné, se dirige à son tour vers l'escalier quand un petit craquement sous son pied l'intrigue. Il regarde par terre et aperçoit une minuscule tache blanche, comme un grain de riz. Archibald s'agenouille et récupère le grain à l'aide de sa loupe. Il fait tourner l'aliment dans le creux de sa paume jusqu'à pouvoir lire clairement l'inscription qu'il y a dessus.

- « Au secours ! » chuchote Archibald, terrorisé par ce qu'il vient de lire. Jamais Arthur n'aurait été capable d'écrire aussi petit, même à l'aide de sa loupe. Il n'y a donc plus de doute à avoir : les Minimoys sont bel et bien en danger.

La mère d'Arthur vomit une fois encore au fond du sac déjà bien rempli. Le père bougonne. L'idée qu'elle puisse en mettre sur le siège l'empêche de se concentrer sur sa conduite. C'est pour ça qu'il zigzague de la sorte et que ça rend sa femme malade.

Arthur est, lui, toujours dans la même position, à genoux sur sa banquette, le regard rivé vers l'arrière. Mais il n'y a pas grand-chose à voir, sauf les volutes de poussière que soulève la voiture, légèrement teintées de rouge par les feux arrière. La mère sent que ça monte encore au niveau de sa gorge. Vu qu'elle n'a plus de sac, elle déclenche le plan d'alerte rouge.

- Je pense qu'on devrait s'arrêter à la pompe à essence, là ! lâche-t-elle, d'une voix bizarrement rauque.

- Mais j'ai encore plein d'essence ! répond le père. Et en plus, ces stations en rase campagne sont toujours plus chères que les autres !

- Ce n'est pas pour faire le plein mais plutôt pour me vider !! s'énerve la mère dont le visage blême est à lui seul un message assez clair.

Plus inquiet pour ses sièges que pour sa femme, Armand prend la décision de se ranger sur l'esplanade, face à la station- service. Sa femme n'attend même pas que la voiture soit arrêtée pour descendre. Elle traverse le parking en courant, les deux mains sur la bouche, en direction des toilettes. Le père regarde avec dégoût les deux sacs pleins de vomi, posés par terre devant le siège avant. Il grimace, attrape les deux sacs du bout des doigts et quitte la voiture à la recherche d'une poubelle qui accepterait ce genre de déchets, proches du nucléaire.

Arthur n'a que faire de ces va-et-vient et il soupire en regardant la poussière qui doucement retombe sur la route. C'est joli d'ailleurs, toutes ces petites particules qui, éclairées par les néons de la station, font des volutes dans l'air, comme des flocons de neige prisonniers d'un vent léger.

Soudain, comme un yéti sortant d'une tempête de neige, Alfred apparaît, fumant de partout. Le visage d'Arthur s'illumine. Son seul ami, le plus beau des chiens du monde, l'a suivi jusqu'ici. Arthur n'en revient pas, et en même temps comment aurait-il pu douter une seconde de son plus fidèle compagnon. Sans le savoir, Alfred vient de lui sauver la vie et probablement celle des Minimoys.

Arthur bondit à l'extérieur de la voiture et le chien lui saute dans les bras.

- Mon Alfred ! dit Arthur, en le serrant très fort.

Le chien a la langue qui pend et tient à peine sur ses pattes, tellement il est fatigué.