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Arthur finit de le décoller pour contempler la princesse d'un peu plus près.

« J'espère que j'aurai l'honneur de vous rencontrer un jour, princesse », chuchote-t-il avec politesse.

Puis il jette un coup d'œil vers la porte pour vérifier qu'il est bien seul, et approche davantage le dessin de son visage. « En attendant, permettez-moi de vous voler ce baiser. » Arthur embrasse tendrement le dessin, et c'est Alfred qui soupire.

« Jaloux », lui lance Arthur, un sourire aux lèvres. Le chien ne daigne même pas répondre. On entend un véhicule se garer. Probablement le retour de la grand-mère.

Arthur retourne machinalement le dessin et en découvre un autre. Le visage de l'enfant s'illumine.

« Je savais bien qu'il avait laissé un indice ! », se dit-il joyeusement.

Le dessin est au crayon, plutôt mal fait, ou en tout cas à la va-vite.

Il y a aussi une phrase qu'Arthur lit à voix haute : « Pour se rendre au pays des Minimoys, faire confiance à Shakespeare... C'est qui celui-là encore ? », s'interroge-t-il. Il se lève et tourne le plan dans tous les sens pour voir s'il reconnaît l'endroit.

« La maison est ici... Le nord est là...»

Il tient maintenant le plan dans le bon sens et cela le guide vers la fenêtre.

Il l'ouvre avec précipitation et consulte à nouveau le crayonné. Le plan correspond exactement à la vue qu'il a de la fenêtre du bureau.

« Le gros chêne, le nain de jardin, la lune, tout y est ! s'exclame Arthur, tout excité. On a trouvé, Alfred ! On a trouvé ! » L'enfant laisse éclater sa joie et fait des bonds comme un kangourou trop heureux d'avoir avalé un ressort. Il se rue vers la porte, tellement content de partager sa découverte avec sa grand-mère, mais il se cogne en plein dans l'antiquaire et ses deux déménageurs. « Doucement, jeune homme, doucement ! », lui lance l'antiquaire en le repoussant gentiment.

Malgré la surprise, Arthur a instinctivement caché le dessin dans son dos.

L'homme revient dans le couloir pour s'adresser à la grand-mère.

« C'est ouvert, Madame. Ouvert et occupé ! » La Mamie quitte sa chambre et le rejoint. « Arthur, je t'ai déjà dit que je ne veux pas que tu joues dans cette pièce », lance-t-elle, nerveuse. Elle attrape Arthur par le bras et s'efface pour laisser passer l'antiquaire. « Excusez-le. Allez-y, je vous en prie », dit poliment la grand-mère.

L'antiquaire jette un œil autour de lui, comme un vautour vérifie qu'un cadavre est bien mort.

« Voilà qui est déjà plus intéressant, finit-il par lâcher, avec un sourire de calculette.

Arthur attrape discrètement sa grand-mère par la manche.

- Mamie ? Qui sont ces gens-là ? chuchote-t-il avec inquiétude. La vieille femme est mal à l'aise et se tord les mains pour se donner du courage.

- C'est... Le monsieur est là pour... évaluer les affaires de ton grand-père. Si on doit déménager, autant se débarrasser au plus vite de toutes ces vieilleries, lance-t-elle en essayant de se convaincre elle-même.

Arthur est médusé.

- Tu ne vas pas vendre les affaires de grand-père ?!

La Mamie marque un temps, comme une hésitation, un remords, puis pousse un long soupir.

- Je crains que nous n'ayons malheureusement plus le choix, Arthur.

- Bien sûr que si, on a le choix ! s'insurge l'enfant en exhibant son dessin. Regarde ! Je sais où est le trésor ! Papy nous a laissé un message ! Il y a tout le plan !

La grand-mère ne comprend plus rien :

- Où as-tu pris ça ?!

- C'était sous notre nez tout le temps, dans le livre que tu me lis tous les soirs ! explique l'enfant avec enthousiasme.

Mais la grand-mère est trop fatiguée pour croire à toutes ces fantaisies.

- Remets ça immédiatement à sa place, lui répond-elle sévèrement.

Arthur tente de la convaincre.

- Mamie ! Tu ne comprends pas ! C'est le plan pour rejoindre les Minimoys ! Ils sont là, quelque part dans le jardin ! Papy les a ramenés d'Afrique ! Et si on arrive jusqu'à eux, je suis sûr qu'ils sauront nous guider jusqu'au trésor de Grand-père ! Nous sommes sauvés ! ajoute-t-il avec conviction.

La grand-mère se demande comment son petit-fils a pu devenir fou en si peu de temps.

- Ce n'est pas le moment de jouer, Arthur ! Remets ça à sa place et tiens-toi tranquille !

Arthur est effondré. Il regarde sa grand-mère avec ses grands yeux innocents, déjà remplis de larmes.

- Tu n'y crois pas, c'est ça ? Tu penses que Grand-père racontait des histoires ?!

La grand-mère lève les yeux au ciel et met gentiment sa main sur son épaule.

- Arthur, tu es grand maintenant, non ? Tu crois vraiment que le jardin est truffé de petits lutins qui n'attendent que ta visite pour te remettre un sac plein de rubis ? L'antiquaire a tourné la tête, comme un renard par l'odeur alléché.

- Pardon ? place-t-il poliment.

- Non rien... Je parlais à mon petit-fils, répond la grand-mère. L'antiquaire poursuit son inspection comme si de rien n'était, mais il est certain de ce qu'il a entendu.

- Bien évidemment, si vous avez aussi des bijoux, nous sommes preneurs, lance-t-il comme on lance du pain aux pigeons.

- Malheureusement, pas de bijoux à l'horizon ! répond la grand-mère sur un ton sans équivoque. Elle se tourne à nouveau vers Arthur.

- Maintenant tu vas remettre ce dessin à sa place, et vite ! L'enfant obéit à contre-cœur, tandis que l'antiquaire lit la bannière étendue au-dessus du bureau, telle une guirlande d'anniversaire :

« Les mots en cachent souvent d'autres. William S. » L'antiquaire semble amusé par cette énigme.

- S pour Socrate ? demande-t-il naïvement.

- Non, S pour Shakespeare. William Shakespeare, rectifie la grand-mère.

Ça fait tilt dans la tête d'Arthur et il reprend le dessin qu'il avait déjà rangé. Il relit la phrase : « Pour se rendre au pays des Minimoys, faire confiance à Shakespeare ».

- Aaah ?.. Pas loin, s'exclame l'antiquaire. La grand-mère lui jette un regard sévère.

- Oui, c'est vrai. Vous vous êtes juste trompé de deux mille ans environ !

- Ah ?.. Comme le temps passe vite ! dit-il pour dissimuler son ignorance.

- Vous avez raison, le temps passe vite, alors dépêchez-vous de faire votre choix avant que je ne change d'avis, rétorque la grand-mère, un peu exaspérée.

- On embarque tout ! lance l'antiquaire à ses hommes.

La grand-mère reste sans voix. Arthur glisse discrètement le dessin dans la poche arrière de son pantalon.

- Tss ! Tss ! On ne triche pas petit ! lance l'antiquaire avec un sourire d'inquisiteur. J'ai dit : on embarque... tout ! Avec regret, Arthur sort le papier de sa poche et le tend à l'antiquaire qui aussitôt le met dans la sienne.

- C'est bien petit, concède l'habile brocanteur en lui tapotant sur la tête.

Les hommes de main ont entamé leur triste ballet. Meubles et objets disparaissent à une vitesse effroyable, sous le regard éploré de la pauvre femme qui regarde s'éloigner des années de souvenirs.

La scène est aussi désolante qu'une forêt qui brûle et part en fumée.

Un des deux gros balourds finit par attraper le tableau à l'effigie d'Archibald. La grand-mère l'arrête en saisissant, au passage, le bord du cadre. « Non. Pas ça », dit-elle avec fermeté. Le gros costaud ne lâche rien :

- Il a dit tout !

La grand-mère se met à hurler.

- Et moi je vous dis tout, « sauf » le portrait de mon mari ! Le gros lourdaud reste en arrêt devant l'énergie soudaine de cette vieille femme, accrochée à son tableau.

L'employé regarde son patron qui juge préférable de tempérer.