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Arrivé devant la porte de la grand-mère, il attache avec application l'aimant au bout de sa canne à pêche. « Malin », pense Alfred, qui ne comprend cependant pas ce qu'on va pêcher, surtout dans la maison.

Sans un bruit, mais à toute vitesse, Arthur empile table basse et chaises, suffisamment pour arriver à atteindre le hublot et son coin cassé.

Il monte avec précaution sur son échafaudage et glisse la canne à pêche par le petit trou.

Le chien le regarde sans comprendre. Il n'avait jamais remarqué que la rivière passait par la chambre de la grand-mère. Arthur allonge sa canne en douceur, puis fait descendre le fil et son aimant vers la clé et son clou.

Alfred veut en avoir le cœur net. Il avance vers l'échafaudage et fait craquer une latte du parquet.

Arthur est déstabilisé. Il se retient comme il peut. L'aimant se balance dans la pièce, bouscule la petite fiole qui tombe sur le côté et se met à goutter dans le verre d'eau de la Mamie. « Arthur ? », lance la grand-mère en se redressant, dans un demi-sommeil.

Arthur ne bouge pas d'un cil et prie pour qu'Alfred en fasse autant.

Le chien s'est figé, sauf sa queue qui bat un peu. La Mamie écoute le silence. Quelques grillons, un ou deux crapauds dans le jardin. Rien d'alarmant, mais ce silence est trop parfait pour être honnête.

Elle attrape ses lunettes, sans remarquer les gouttes de somnifère qui continuent à se déverser dans son verre. Elle ouvre la porte de sa chambre et regarde vers la gauche, vers l'escalier. Elle ne voit que le chien, assis tout seul au milieu du couloir, toujours avec sa queue qui bat.

Ce qu'elle ne voit pas, c'est Arthur juste derrière elle, momifié en haut de son échafaudage, sa canne à pêche à la main. Le chien ne comprend toujours rien, mais décide de sourire. « Veux-tu aller te coucher, toi aussi ! », lui ordonne la Mamie. Le chien range sa queue et file dans l'escalier. Ça, il a compris. « Qu'ont-ils tous à ne pas vouloir dormir ce soir ?! C'est la pleine lune ? », s'interroge-t-elle en refermant doucement la porte.

Arthur peut enfin respirer. C'est un miracle qu'il n'ait pas été découvert.

La Mamie enlève ses lunettes et les pose sur la table de chevet. Elle attrape le verre d'eau dans lequel s'est vidée la fiole de somnifère et la boit d'une traite, en faisant la grimace. L'effet est instantané. La grand-mère s'écroule en travers du lit, sans même avoir eu le temps de se glisser sous la couette. Arthur reprend sa pêche miraculeuse, tandis que la grand-mère se met déjà à ronfler.

L'aimant descend doucement vers la clé et l'attire. Le clou n'a pas l'air d'accord et s'oppose à ce cambriolage. Arthur grimace et gesticule pour sortir de ce duel contre le clou.

Alfred remonte doucement les escaliers, histoire de savoir où en est la pêche. Il avance vers Arthur qui se contorsionne en haut de son escabeau de fortune.

Le chien marche à nouveau sur la même planche, décidément mal fixée. Le pied de la table basse se décale. L'échafaudage perd son fragile équilibre. « Oh non ! », laisse échapper Arthur. L'ensemble s'écroule comme un château de cartes, dans un vacarme épouvantable. Le chien repart en courant. La tête d'Arthur apparaît au milieu d'une chaise, comme un survivant au milieu d'un tremblement de terre. Le souffle de la catastrophe a été si violent que la porte de la chambre s'est ouverte. C'est vrai qu'elle n'était pas refermée à clé, Arthur dresse le cou et constate que sa grand-mère est étalée sur le lit, ronflant comme une bienheureuse. « Comment un tel chaos ne l'a-t-il pas réveillée ? », s'interroge l'enfant.

Il entre dans la chambre, s'avance vers le lit et s'assure que sa Mamie va bien. Pour ronfler comme ça, pas de doute, elle est bien vivante.

Mais il aperçoit la petite fiole renversée et comprend ce qui est arrivé.

Il attrape la couette et couvre sa gentille Mamie, dont le visage a rajeuni de trente ans sous l'effet du sommeil. « Fais de beaux rêves, Grand-mère ! », lui dit-il avant de récupérer la clé sur le sol et de disparaître.

Chapitre 7

Arthur allume à nouveau une bougie et se jette sur le vieux radiateur. « Un quart de tour... vers la gauche », se souvient l'enfant. Il attrape le robinet et s'exécute. Un mécanisme assez bruyant décolle le radiateur du mur et le rabat sur le côté, libérant ainsi une nouvelle cachette, beaucoup plus large que les précédentes. Elle est suffisamment grande pour y dissimuler une grosse malle en cuir.

Arthur tire la malle toute poussiéreuse jusqu'au milieu de la pièce. À l'intérieur se trouve une magnifique longue-vue en cuivre, dans un joli écrin en velours bordeaux. Devant, le gros trépied en bois qui la supporte.

Au-dessus, dans le rabat, cinq petites statuettes africaines, alignées les unes à côté des autres. Cinq hommes en tenue de parade. Cinq Bogo-Matassalaï.

Arthur regarde son trésor avec émerveillement. Il ne sait par où commencer.

Il attrape une petite clé munie d'une étiquette où l'on peut lire : « Toujours garder la clé sur soi ». Arthur commence par prendre la clé et la met dans sa poche. Ensuite, il déplie le parchemin sur lequel se trouvent les instructions. Il s'agit d'un plan assez simple organisé autour du grand chêne, dans le jardin.

Le nain de jardin cache un trou dans lequel il faut glisser la longue-vue, tête en bas. Ensuite on déplie un tapis à cinq branches et on place une statuette à chaque extrémité. Tout ceci a l'air assez simple. Arthur vérifie qu'il n'oublie rien, mémorise le tout rapidement puis saisit la longue-vue et le trépied à bras-le-corps et quitte la pièce. Tandis qu'il traverse le salon, l'horloge indique vingt-trois heures cinquante et une.

Plus que neuf minutes avant l'ouverture de la porte-lumière.

Arthur n'a aucune idée de ce qui l'attend et à quoi ressemble cette fameuse porte mais captivé par la mission, il suit à la lettre les instructions de son grand-père.

Malgré la lune, belle et pleine, Arthur n'y voit pas grand-chose.

« Il nous faut de la lumière », confie-t-il à Alfred qui le suit partout.

Arthur fonce vers la vieille Chevrolet et se met au volant. Il récupère les clés cachées sur le pare-soleil et se remémore une seconde comment tout cela marche. « Pourquoi tu me regardes comme ça ? demande-t-il au chien. J'ai vu Mamie le faire des centaines de fois ! » Il met le contact. La vieille voiture crache et recrache, peu habituée à ce qu'on la réveille en pleine nuit. Arthur allume les phares, mais la voiture est mal placée et n'éclaire absolument pas le vieux chêne. L'enfant enclenche la première et monte en régime, mais la voiture ne semble pas vouloir avancer. « Le frein à main, gros bêta ! », réalise soudain l'enfant. Il tire de toutes ses forces sur le manche et débloque le frein. La voiture bondit d'un seul coup. Arthur hurle et fait de son mieux pour contrôler la voiture qui tourne autour de la maison. Le volant énorme dans ses mains, le regard à ras du tableau de bord, il fait de son mieux pour éviter les arbres mais il ne parvient pas à éviter la corde à linge et il emporte le fil et son contenu.

Deux yeux lumineux sous des draps qui avancent tout seuls, poussant un cri d'enfant : voilà un parfait fantôme et Alfred part en hurlant.

Malgré ce spectre gémissant avec ses phares qui balaient la campagne, la grand-mère ronfle toujours profondément. La voiture finit par emboutir un arbre quand même, mais aussi jeune qu'Arthur. Plus de peur que de mal. La bonne nouvelle, c'est que les faisceaux des phares sont exactement dirigés sur le nain de jardin.

Arthur se précipite sur le petit homme en plâtre et l'arrache du sol.

« Excuse-moi, vieux ! », lui glisse-t-il avant de le poser sur le côté.

Le nain cache bien son jeu et son trou, pas très large, semble sans fond.