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— Merveilleux ! rajouté-je.

— Je le disais à mon époux, il en était content pour moi.

Là, les bras m’en tombent plus bas que les testicules.

— Comment ça : vous l’avez dit à votre mari ?

— Le pauvre a eu un accident de chasse, y a dix ans. Il se reposait sous un arbre, son fusil couché dans l’herbe. Le canon était tourné vers lui. Son chien a marché sur la détente, le coup est parti : il a tout pris dans le bas-ventre.

— Le malheureux !

— Ça, vous pouvez le dire. Il a bien failli mourir. Maintenant, il est impuissant et urine avec un brise-jet. Au début, il cherchait à me compenser en me bouffant, mais vous savez, minette, quand l’appétit n’y est pas… Ça lui flanquait des haut-le-cœur. Qu’à la fin, je lui ai demandé de cesser. Il y a eu une période où plus rien ne se passait pour moi. Je me faisais une petite caresse, parfois, quand je n’arrivais pas à m’endormir. Mais ça réveillait Agénor et il rouspétait. Qu’à la fin, il m’a dit : « Va donc te faire tirer par le voisin qui est veuf. Il ne demande que ça ! »

« C’est lui-même qui a proposé la chose au père Mongrolon. Vous parlez d’une aubaine pour cet homme ! Seulement, il manquait de délicatesse. Lui, l’hygiène, vous repasserez ! Qu’à la fin j’ai plus pu supporter ! Un homme qui pète en baisant, vous trouvez la chose convenable ? »

— Pas tellement, inadmets-je.

— Alors je l’ai sacqué et, depuis, je fais des extras de temps en temps, comme avec vous hier.

— Et avec Alexis Clabote ?

Elle hausse les épaules.

— Oh ! lui, merci du peu. C’est un dégueulasse. Tiens, un son de cloche qui confirme les aveux de ma chère Lucette.

— Vraiment ?

Elle baisse le ton et chuchote :

— Radin et vicieux ! Lorsque je raconte à mon mari ce qu’il me fait, il bout, le pauvre !

— Par exemple ?

— Quand ses lubies le prennent, Clabote, il veut que je le pompe sous son bureau ! Vous imaginez si c’est commode ? Un jour, il recevait l’adjoint au maire, Auguste Montalondache, un vieux type sourdingue. Il a exigé que je lui taille une pipe pendant leur entretien, mine de rien. Il parlait de ses travaux d’agrandissement tandis que je le suçais à mort. Et parce que ça n’allait pas assez vite, il me flanquait des coups de genou dans la gueule. Galant, hein ? Mon mari voulait que je le quitte ! J’aurais dû ! Je plains sa pauvre femme. Vous avez remarqué comme elle semble triste ? Mais vous ne la connaissez peut-être pas ?

— Si, je l’ai aperçue, énoncé-je à voix haute tandis qu’in petto, je poursuis : « Je lui ai même brouté la craque, léché la pièce de dix sous, sucé les mandarines et enquillé l’anguille de calbar dans les bibilles ! Et en plus, je l’aime passionnément. »

Un silence.

Marinette le rompt pour nous évoquer les jouissances passées. Elle dit :

— Il était ému, mon mari, quand je lui ai narré la manière que vous m’avez tendu les bras depuis votre lit, la délicatesse dont vous triquiez, la sollicitude pour m’enlever ma culotte sans brusquerie.

Elle doit lui faire le radio-reportage détaillé de ses parties de jambons, la Marinette, à son fané du kangourou. Bien lui décrire les brossées qu’elle obtient. C’est comme si elle lui racontait un film, ou un match de foute. Et césarin, il participe par l’imaginaire. Il est content pour sa gerce quand elle prend du beau paf du jour, bien frais et croquant à souhait. Il s’identifie à l’heureux baiseur, le chéri !

— Il m’a dit de vous transmettre sa reconnaissance et sa sympathie, continue Marinette Sogrenut ; en ajoutant que si vous voudriez venir me prendre chez nous, qu’on soit plus tranquilles, il est prêt à aller faire une manille au Carré d’as, son bistro, en attendant, pas nous gêner.

Elle ouvre un tiroir.

— Il m’a chargé de vous remettre une bouteille de calvados, produit par son cousin Laripête.

— Merci, fais-je, ému, en prenant la bouteille.

Elle reprend, volubile :

— Evidemment, chez nous, ce serait mieux, parce que, moi, pour vous dire tout, je suis une partenaire bruyante. Je hurle en prenant mon pied. Hier, dans votre chambre, j’ai dû mettre une sourdine et ça restreint le plaisir, nécessairement. Ici, vous me voyez gueuler que je jouis ? Y aurait des gorges chaudes.

« Un jour, au début que Clabote me baisait en levrette, je m’y suis risqué, j’ai cru qu’il allait m’assommer. Vous savez ce qu’il m’a dit : “Ta gueule, morue, ou je te casse les dents !” Vous croyez que c’est de la part d’un homme tendre, vous ? Mon époux voulait venir lui filer une trempe ! »

Je lui flatte la croupe avec compassion et me retire, ma bouteille (et ma bite) sous le bras. C’est un cas, la Marinette. Le monde est plein d’imprévus qui aident à le supporter. Elle et son vieux, ça donne un sacré tandem !

Pinuche et M. Blanc m’attendent dans les fauteuils de cuir du hall en lisant Ouest-France. Le Noirpiot murmure :

— Bon, que faisons-nous, Antoine ? On reste ou on repart pour Paname ?

Et moi, impulsivement :

— Restez ! Il va y avoir du grabuge d’ici peu.

— Qu’est-ce qui te fait penser ça ?

— Je le sens. Y a un louftingue dans la crèche qui a pris goût à ses exploits et qui enrogne parce que les deux derniers ont été étouffés. Il va remettre le couvert avant longtemps.

Mes deux compagnons hochent la tête. Eux aussi sont convaincus de la chose.

Je pose mon dargif sur l’accoudoir de Pinaud.

— Premier forfait : mort par électrocution collective. Second : mort par étouffement à la boue marine. Troisième : mort par projection d’acide. Il est satanique, le bougre. Ce ne sont pas des meurtres ordinaires, ça. Nous devons essayer de deviner ce que sera le quatrième crime, étudier les multiples activités de la taule pour prévoir dans quel nouveau secteur il risque de frapper.

César passe sa main de vieux poulet fripé à l’intérieur de sa veste et en retire un imprimé qu’il me présente.

— J’y ai songé, dit-il. Voici le programme des soins qui sont pratiqués.

Je l’étudie, lisant à mi-voix :

— Massage à sec. Bain bouillonnant. Bain multijets. Grande douche. Rééducation en piscine. Effusions. Boue marine.

La Vieillasse reprend :

— Les meurtres ont eu lieu durant : la rééducation en piscine, une application de boue marine, la grande douche.

— Qu’est-ce que c’est que les effusions ? demande Jérémie que le mot intéresse.

— Tu es couché sur une table et il y a une herse d’eau qui s’abat sur toi, partie côté face, partie côté pile, explique Pinuche. Le bain multijets est un dérivé, mais la chose s’opère sous l’eau dans une baignoire. Le bain bouillonnant a lieu aussi dans une vaste baignoire, c’est le jakusi classique. Quant au massage à sec, inutile, je pense, de vous donner des précisions ?

Documenté, Pépère ! C’est un vrai flic, pugnace, scrupuleux, ne laissant rien dans l’ombre.

— Je verrais assez une nouvelle manigance dans le bain bouillonnant, rêvassé-je. Ce soir, après les traitements, vous devriez examiner les installations concernant l’effusion et les bains multijets et bouillonnants. Songez au branchement qui fut opéré dans le bac d’acide. Il convient d’étudier les coulisses et la machinerie de ces différents postes de soins.

Ils opinent.

Nous sommes distraits de nos préoccupations par la survenance d’un groom portant un panneau sur trépied. Il le place en évidence au milieu du hall. Le panneau supporte, recto et verso, une espèce d’affichette calligraphiée aux encres de couleurs sur laquelle on peut lire :

BAL DES CURISTES