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Elle était seule. Elle avait l'air d'attendre. La reconnaissant donc aussitôt, Max voulut s'approcher mais elle n'allait sûrement pas le reconnaître – normal vu le temps passé, multiplié par le traitement subi au Centre. Elle ne l'identifierait donc évidemment pas mais au fond, essayer de la séduire sous ses nouveaux nom et aspect serait aussi pas mal troublant après tellement d'années. Spontanément il fallait l'aborder mais quelque chose retint Max, non moins embarrassé par son lot dérisoire de caleçons sous plastique que par le risque, toujours, de passer pour un – quoique ce risque, cette fois, parût moins justifié qu'avec la femme au chien. Il attendit quand même un peu, le temps que son cœur batte un peu moins et qu'il imagine le moyen d'oser aller se manifester.

Ce fut alors que, paraissant au fond du magasin puis traversant tout le département des parfums, Max vit Béliard se diriger vers Rose et l'aborder, lui, frontalement et sans préambule comme s'il l'avait toujours connue. Entre Chanel et Shiseido, ils se lancèrent aussitôt dans un échange animé, facile et souriant dès le début duquel Max, effaré, vit Béliard rabattre d'un petit geste l'étiquette du chandail de Rose, familièrement et dans le bon sens. Après quoi il parut insister sur un point, argumenter avec éloquence et à l'aide de gestes, toujours les mêmes gestes et donc toujours, sans doute, sur ce même point. À mesure que cette conversation se prolongeait, Rose manifestait de son côté de plus en plus de signes d'acquiescement, provoquant en retour le sourire de plus en plus ouvert de Béliard.

Max ne put s'empêcher de se mettre à marcher, vers eux, comme un fantôme, mais n'oublions pas qu'il n'est qu'un fantôme, pour s'immobiliser à quelques mètres. Comme Béliard l'aperçut alors, il lui fit signe d'approcher en gardant son sourire grand ouvert, venez donc ici que je vous présente. Paul, prononça-t-il, un ami. Rose, une vieille amie que j'avais perdue de vue depuis longtemps, sourit Béliard de plus en plus largement, je désespérais presque de la retrouver. Max s'inclina gauchement devant Rose qui n'eut qu'un signe de tête sans manifester, comme prévu, le moindre signe de reconnaissance. Nous allions partir, voyez-vous, fit savoir Béliard, nous avons une petite course à faire. Attendez un instant, dit Max. Excusez-moi mais, cette personne, je crois que c'est moi qui devais absolument la retrouver. Oui, dit Béliard avec un sourire froid, je sais. Je le sais parfaitement mais c'est moi qui pars avec elle. C'est comme ça, voyez-vous, la section urbaine. Ça consiste en ça. C'est ce que vous autres appelez l'enfer, en quelque sorte. Alors nous sommes bien d'accord? enchaîna-t-il en se retournant vers Rose, je vous ramène au parc? Mon cher Paul, je vous dis à plus tard.

Resté d'abord immobile devant le Point priorité service, Max écrasé voit Rose et Béliard se diriger vers les portes vitrées, les pousser, quitter son champ visuel avant que, par automatisme, il se mette à son tour en mouvement. Une fois sorti du magasin, il les aperçoit encore qui s'en vont sur le boulevard Haussmann, dans la direction de l'ouest, mais lui s'arrête là, ne les suit que des yeux sans penser à les rejoindre. Au croisement de la Chaussée d'Antin, Béliard se retourne, lui fait un petit signe et Max, plus mort que jamais, les voit reprendre leur marche, s'amenuiser dans la perspective du boulevard avant de prendre à droite et disparaître dans la rue de Rome.