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— Parce que malgré cela, le crime existe toujours ?

— Pour ça, oui ! Vous trouverez toujours quelque pauvre type assez affamé pour chiper un peu de nourriture, même sachant pertinemment que cela signifie l’arrestation à coup sûr ! Mais les meurtres sont moins fréquents.

Hawkes glissa l’imprimé de recherche dans une fente.

— Vous seriez surpris de constater l’efficacité dissuasive de cette mesure, poursuivit-il. Pas facile d’aller se planquer en Amérique du Sud, par exemple, alors que n’importe qui peut venir ici et vous débusquer avec une implacable certitude.

Un moment s’écoula, puis l’appareil émit un bruit métallique, et la fente cracha une bande de papier glacé rose.

Alan l’examina. On pouvait y lire :

FICHIER DU BIOCODE

21 mai 3876

Localisation de Donnell Steve, YC 83 – 10j6490K37618

Heure : 1643 21

Suivait une carte détaillée d’une partie de la ville couvrant environ une quinzaine de blocs d’immeubles, portant, au centre, un rond rouge vif.

Hawkes, après avoir jeté un coup d’œil sur le plan, sourit.

— Je me doutais bien que c’était dans ce coin-là qu’on le trouverait.

— Où est-ce ?

— Au coin de la 68e Avenue et de la 423e Rue.

— Et c’est là qu’il habite ?

— Oh non ! Le bio-émetteur vous donne sa position actuelle. Je ne crois pas prendre de risque en affirmant que c’est plutôt… disons… son lieu de travail…

Alan fronça les sourcils.

— Que voulez-vous dire ?

— Eh bien, il se trouve que cette adresse est celle du Salon de Jeux Atlas. Il est probable que Steve, votre frère, passe la majeure partie de ses heures de… boulot là-dedans ! Enfin, lorsqu’il a suffisamment d’argent pour entrer. C’est une boîte pas trop chère, où l’on ne gagne pas gros, mais facilement. Exactement le genre de coin qu’un gars qui n’a pas trop d’argent fréquente assidûment.

— Vous voulez dire que Steve est joueur ?

Hawkes sourit.

— La plupart des Autonomes le sont. C’est une des rares manières de gagner de quoi vivre sans la carte de travail. Il n’existe aucune corporation de joueurs, voyez-vous… Il y a bien quelques autres moyens, évidemment, mais infiniment moins respectables, et la surveillance par biocode ne permet pas de les pratiquer longtemps.

Alan se passa la langue sur les lèvres, puis demanda :

— Et… vous, vous faites quoi dans la vie ?

— Joueur. Seulement moi, je suis en tête d’affiche. Comme je dis toujours : nous sommes quelques-uns à avoir la classe, le truc, quoi ! Mais je n’ai pas l’impression que ce soit le cas de votre frère. Au bout de neuf ans, il n’en serait pas encore à traîner à l’Atlas, s’il avait mis un peu de pognon de côté.

Alan, d’un haussement d’épaules, changea de conversation.

— Bon ! Comment se rend-on là-bas ? J’aimerais bien y aller tout de suite. Je…

— Du calme, mon garçon, du calme, murmura Hawkes. Vous avez tout le temps pour ça. Quand votre astronef décolle-t-il ?

— Dans deux ou trois jours.

— Alors rien ne vous pousse à nous précipiter à l’Atlas dès maintenant. Nous allons d’abord nous caler l’estomac. Là-dessus, une bonne nuit de repos, et demain, nous irons y voir de plus près.

— Mais mon frère…

— Votre frère, trancha Hawkes, est resté à York pendant neuf années, et il y a gros à parier qu’il a passé chaque nuit des huit dernières vissé sur une chaise à l’Atlas. Il attendra bien jusqu’à demain. Pour l’instant, allons manger un morceau.

CHAPITRE VIII

C’est à trois blocs de l’immeuble du Fichier Central qu’ils dînèrent, dans un restaurant sombre et d’aspect peu engageant. L’endroit était bondé, comme semblait l’être chaque coin de la Terre. Ils durent faire la queue durant près d’une demi-heure avant qu’on leur indique une table tachée de graisse, au fond.

La pendule murale indiquait 17 32.

Un servorob s’approcha d’eux, un menu entre ses mains métalliques. Hawkes se pencha alors vers lui, et en quelques pressions du doigt, composa son menu. Alan, lui, y passa plus de temps. Il commanda finalement un proti-steak, un syntho-café et une jardinière de légumes. Le robot accepta la commande en cliquetant et se dirigea vers la table suivante.

— Alors comme ça, mon frère est joueur professionnel, fit Alan.

Hawkes acquiesça de la tête.

— Vous dites cela exactement comme si vous annonciez : « Alors, mon frère est pickpocket » ou bien « Ainsi, mon frère est un détrousseur de petites vieilles ». C’est un moyen d’existence parfaitement légal !

Le regard de Hawkes se fit soudain acéré, glacial, et c’est d’une voix tranquille mais blanche qu’il ajouta :

— Sur Terre, la seule manière pour ne pas s’attirer d’embêtements, c’est d’éviter de se conduire en sermonneur, fiston. Ce monde n’est ni délicat, ni vertueux. Trop de gens y vivent, et bien peu nombreux sont ceux qui peuvent se payer le voyage pour Gamma Léonis IV, Algol VII, ou toute autre parmi ces magnifiques planètes-colonies à demi désertes. Aussi, tant que tu resteras ici, à York, garde les yeux dans le vague, ta grande bouche bien fermée et abstiens-toi de faire ces moues dégoûtées devant les expédients sordides avec lesquels chacun tente d’assurer sa survie.

Alan sentit le rouge lui monter au visage. Il fut soulagé de voir leurs plateaux-repas arriver à point nommé pour créer diversion.

— Excusez-moi, Max. Je… je ne voulais vraiment pas avoir l’air prêchi-prêcha…

— Je sais bien, mon gars. Seulement à bord de vos astros, vois-tu, vous menez une petite vie plutôt privilégiée, protégée. Et personne ne saurait s’adapter à la vie sur Terre en un jour… Tu veux boire quelque chose ?

Alan était sur le point de redire qu’il ne buvait pas d’alcool, mais se retint. Il était sur Terre, maintenant, et plus sur le Valhalla. Il n’était donc plus tenu d’obéir aux règlements du vaisseau. De plus, il n’avait aucune envie de paraître hautain.

— Pourquoi pas ? D’accord ! Que diriez-vous d’un scotch ? C’est bien ce truc-là que buvait Mac Intosh, non ?

— Impeccable ! sourit Hawkes.

Il fit un signe au sen’orob, qui bientôt se glissa vers eux. Hawkes abaissa une manette sur le ventre de l’appareil et la créature métallique se mit à cliqueter tandis qu’une ampoule s’allumait. Au bout de quelques secondes, un panneau s’ouvrit en glissant sur lui-même au niveau de ce qui lui tenait lieu d’estomac, et deux verres apparurent à l’intérieur. Les bras tentaculaires du robot plongèrent d’un mouvement nerveux dans la cavité et se saisirent des boissons, pour les déposer sur la table. Hawkes introduisit une pièce de monnaie dans une fente, sur le côté de l’appareil, et celui-ci, son devoir accompli, se hâta, vers une autre tâche.

— Et voilà ! fit Hawkes, en désignant du doigt le verre de liquide ambré. Vas-y, bois !

Et comme pour donner l’exemple, il prit le sien et l’engloutit d’un trait avec un plaisir manifeste.

Alan prit le petit verre en main et le tint devant ses yeux, observant l’homme qui lui faisait face par transparence.