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Ça suffit !

La voix de Didi était un sifflement atone. Ses mains voletaient sur les commandes.

— C’est la dernière fois que je laisse entrer dans ma régie des petites merdeuses de votre espèce ! Djirlib, amène-toi ici ! Tu fais taire tes frangines ou tu les embarques, mais je veux plus de ces conneries ici !

— D’accord, d’accord ! Je suis désolé !

Djirlib n’avait pas l’air tellement désolé. Il se précipita et décrocha Gokna de la paroi de verre. Une seconde plus tard, Brent le suivit et s’empara de Victory.

Djirlib était plutôt contrarié qu’en colère.

— Il faut que vous restiez tranquilles, dit-il à l’oreille de Gokna. Pour une fois, il faut être sérieux.

Il vint à l’idée de Viki qu’il était peut-être contrarié uniquement parce que Didi était furieuse contre lui. Mais ça n’avait vraiment plus d’importance. Gokna n’avait plus du tout envie de rire. Elle posa une main nourricière sur la bouche de son frère et dit doucement :

— Oui. Je serai sage jusqu’à la fin de l’émission. C’est promis.

Derrière eux, Viki voyait Didi en train de parler – sans doute avec Digby avec son téléphone dans l’oreille. Viki ne pouvait rien entendre, mais le type hochait la tête pour dire qu’il était d’accord. Il avait gentiment persuadé Pedure de regagner son perchoir et il enchaînait sur sa présentation de papa. Tout ce qui s’était passé derrière la vitre n’avait eu pratiquement aucun effet sur les auditeurs. Un de ces jours, Gokna et elle allaient s’attirer des ennuis sérieux, mais tout portait à croire que cette aventure les attendait encore quelque part dans l’avenir.

Xopi se rassit au milieu de la confusion générale. D’habitude, les zombies essayaient d’assurer l’émission plus ou moins en temps réel. Silipan soutenait que ce n’était pas uniquement pour se conformer à ses exigences : les zombies traducteurs aimaient vraiment se synchroniser sur le texte audio. En un certain sens, ils aimaient vraiment jouer la comédie. Aujourd’hui, ils n’y réussissaient pas tellement, voilà tout.

Finalement, Broute se ressaisit et présenta Sherkaner Underhill avec un minimum de dérapages.

Sherkaner Underhill. C’était Trixia Bonsol qui le traduisait. Qui d’autre, d’ailleurs ? Trixia avait été la première à déchiffrer la langue orale des Araignées. Jau avait raconté à Ezr qu’aux premiers temps du spectacle en direct elle jouait tous les rôles : les enfants, les adultes, les auditeurs au téléphone. Quand d’autres zombies surent parler couramment la langue et qu’il y eut un consensus en matière de style, c’était toujours Trixia qui se chargeait des rôles difficiles.

Sherkaner Underhill : c’était peut-être la première Araignée pour laquelle ils aient jamais eu un nom. « Underhill » apparaissait dans un nombre incroyable d’émissions radio de toutes sortes. Au début, il semblait qu’il avait inventé les deux tiers de la révolution industrielle. Cette illusion s’était dissipée : « Underhill » était un patronyme courant, et chaque fois que « Sherkaner Underhill » était mentionné en référence, c’était toujours un de ses étudiants qui avait fait le travail. Ce type devait donc être un bureaucrate, le fondateur de l’institut de Princeton, d’où provenaient apparemment la majorité de ses étudiants. Mais depuis que les Araignées avaient inventé les relais à microondes, les espiosats avaient capté un flot grandissant de secrets d’État facilement décryptés. L’identifiant « Sherkaner Underhill » apparaissait dans près de vingt pour cent de tous les messages à haute sécurité qui s’échangeaient dans l’Accord Goknien. On avait manifestement affaire à une sorte de dénomination institutionnelle. Manifestement… jusqu’à ce qu’on apprenne que « Sherkaner Underhill » avait des enfants, et qu’ils participaient à cette émission de radio. « La Science racontée aux enfants » avait une signification politique réelle, même si la nature n’en était pas encore tout à fait établie. Sans aucun doute, Tomas Nau devait regarder l’émission depuis Hammerfest. Je me demande si Qiwi est avec lui.

Trixia commença à parler :

— Merci, monsieur Digby. Je suis très heureux d’être ici cet après-midi. Il est grand temps qu’on discute au grand jour de ces problèmes. En fait, j’espère que les jeunes – à la fois en phase et hors phase – nous écoutent. Je sais que mes enfants nous écoutent.

Trixia adressa à Xopi un regard détendu et plein d’assurance. Elle avait cependant un léger tremblement dans la voix. Ezr étudia son visage. Quel âge avait Trixia à présent ? Les tableaux de Veille des zombies étaient confidentiels – probablement parce que beaucoup étaient exploités à cent pour cent de leur temps réel. Il fallait sans doute une vie entière pour apprendre tout ce que Trixia avait appris. Chaque fois qu’Ezr était en Veille, Trixia l’était aussi, du moins après les premières années de l’Exil. Elle faisait dix ans de plus que la Trixia d’avant la Focalisation. Et lorsqu’elle jouait Underhill, elle semblait encore plus âgée.

Trixia parlait toujours.

— Mais je veux rectifier une allégation émise par Dame Pedure. Il n’y a pas eu de complot confidentiel pour garder secret l’âge de ces enfants. Mes deux aînés – qui ont maintenant quatorze ans – sont dans l’émission depuis un certain temps. Il est tout à fait naturel qu’ils y participent, et, d’après les lettres qu’ils reçoivent, je sais qu’ils sont tous les deux très appréciés des enfants de la génération actuelle comme de leurs parents.

Xopi regarda Trixia à l’autre bout de la table.

— C’est évidemment parce qu’ils ont tu leur âge véritable. À la radio, on ne peut distinguer une différence aussi mince. À la radio, certaines… obscénités… passent inaperçues.

— Bien sûr, dit Trixia en riant. Mais je veux que nos auditeurs réfléchissent à ceci. La plupart aiment bien Djirlib, Brent, Gokna et Viki. Le fait de connaître mes enfants « en aveugle » sur les ondes a montré à nos auditeurs une vérité qui, autrement, aurait pu leur échapper : les hors-phase sont aussi respectables que les autres. Je le redis : je n’ai rien caché. Finalement… eh bien, finalement la vérité était si évidente que nul ne pouvait feindre de l’ignorer.

— Si flagrante, vous voulez dire. Votre deuxième paire de hors-phase est à peine âgée de sept ans. Pareille obscénité même la radio ne peut déguiser. Et quand nous nous sommes rencontrés ici sur le plateau, je constate que vous aviez deux nouveau-nés en train de téter dans votre fourrure. Dites-moi, monsieur, y a-t-il une limite à la méchanceté dont vous êtes capable ?

— Dame Pedure, quelle méchanceté, quel mal ? Nos auditeurs écoutent mes enfants depuis plus de deux ans. Ils savent que Djirlib, Brent, Viki et Gokna sont des êtres réels et sympathiques. Vous voyez Petit-Hrunk et Rhapsa qui vous observent, perchés sur mon épaule…