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Ce fut le tour des Relations publiques.

— Je suis désolé. Il nous est impossible de mettre sur pied un Plébiscite de Guerre, encore moins de le faire approuver. Les gens ont plus peur que jamais, mais nous n’avons carrément pas le temps d’organiser un Plébiscite.

Belga hocha la tête ; elle n’avait pas besoin des remarques des Relations publiques pour le deviner. En théorie, le Gouvernement du Roi était plutôt autocratique. Mais depuis dix-neuf générations – depuis le Pacte de l’Accord –, son pouvoir civil était terriblement réduit. Si la Couronne conservait la possession exclusive de domaines ancestraux tels que la Commanderie des Terres et jouissait de pouvoirs limités en matière d’impôts, elle avait perdu le monopole de la planche à billets, le droit de réquisition foncière, le droit d’imposer par conscription le service militaire à ses sujets. En temps de paix, le Pacte fonctionnait. Les tribunaux étaient réglés par un système d’honoraires et les forces de police locales savaient qu’elles ne pouvaient se montrer pointilleuses sous peine de se heurter à une résistance armée tout ce qu’il y avait de réel. En temps de guerre, bon, c’était à cela que servait le Plébiscite – à mettre le Pacte entre parenthèses pendant un certain temps. Ce système avait fonctionné pendant la Grande Guerre, et de justesse. Cette fois-ci, les choses bougeaient tellement vite que le simple fait de parler de Plébiscite risquait de précipiter une guerre. Et un conflit nucléaire majeur pourrait être terminé en moins d’une journée.

Le général Smith accepta ces platitudes avec une patience considérable. Puis ce fut le tour de Belga. Elle procéda à l’inventaire habituel des menaces intérieures. On contrôlait la situation, plus ou moins. Il y avait des minorités significatives qui détestaient la modernisation. Certaines étaient déjà sur la touche et dormaient dans leurs propres profonds. D’autres s’étaient ensevelies dans des redoutes, mais pas pour y dormir ; elles poseraient problème le jour où les choses tourneraient vraiment mal. Hrunkner Unnerby avait multiplié ses miracles d’ingénierie. Même les plus anciennes cités du Nord-Ouest disposaient maintenant de l’électricité nucléaire et – tout aussi important – d’un espace vital climatisé.

— Mais, évidemment, il n’y a guère de structures durcies pour résister à une attaque. Même une frappe nucléaire mineure anéantirait la plupart de ces gens, et les survivants n’auraient pas les ressources nécessaires à une hibernation réussie.

En fait, lesdites ressources avaient été pour la plupart investies dans la création de centrales électriques et d’exploitations agricoles souterraines.

Le général Smith sollicita les autres d’un geste.

— Des commentaires ?

Il y en eut plusieurs. Le directeur des Relations publiques suggéra de prendre une participation dans certaines des entreprises sous abri antiatomique ; il tirait déjà des plans pour l’après-fin du monde, cet emmerdeur doublé d’une mauviette. La patronne hocha simplement la tête puis confia à Belga et à la mauviette la tâche d’examiner cette possibilité. Elle consulta le rapport de la Sécurité intérieure annexé à son exemplaire de l’ordre du jour.

Belga Underville dressa une main.

— Madame ? Il y a encore une question dont j’aimerais qu’on débatte ici.

— Mais certainement.

Intimidée, Underville se passa les mains nourricières sur la bouche. Elle ne pouvait plus reculer, à présent. Zut. Si seulement la ministre des Finances n’était pas là.

— Je… Madame, vous avez été par le passé très, euh… généreuse dans votre gestion des opérations confiées à vos subordonnés. Vous nous donnez un travail à faire, et vous nous laissez travailler. Je vous en suis très reconnaissante. Seulement voilà – et, très vraisemblablement, vous n’en avez pas précisément connaissance –, des gens de votre proche entourage ont procédé à des visites inopinées sur…

Des raids nocturnes, à vrai dire.

— Sur des sites intérieurs relevant de ma responsabilité.

Le général Smith hocha la tête.

— Le groupe Lighthill.

— Oui, madame.

Vos propres enfants, qui courent dans tous les sens comme s’ils étaient les Inspecteurs généraux du Roi. Pleins d’exigences délirantes, irrationnelles, ils mettaient en sommeil des projets de valeur et lui enlevaient certains de ses meilleurs agents. C’était surtout cela qui lui donnait à penser que l’époux excentrique de sa supérieure exerçait encore une grande influence. Belga se recroquevilla sur son perchoir. Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, en fait. Victory Smith la connaissait assez bien pour voir qu’elle était troublée.

— Lors de ces visites d’inspection, Lighthill a-t-elle trouvé quoi que ce soit de significatif ?

— Dans un seul cas, madame.

Un problème plutôt sérieux que Belga elle-même aurait sans aucun doute débusqué en l’espace de dix jours, tout au plus. Autour de la table, elle voyait que la plupart des autres participants étaient simplement surpris par sa protestation. Deux d’entre eux hochèrent mollement la tête dans sa direction – elle s’y attendait. Thract tambourinait furieusement sur la table ; il semblait prêt à se jeter dans la mêlée. Rien d’étonnant à ce qu’il ait été la cible du personnel népotique de Smith, mais, mon Dieu, faites qu’il ait l’intelligence de se taire. Thract était déjà tellement déconsidéré que son soutien serait aussi utile qu’une enclume à un alpiniste.

La patronne inclina la tête, attendit poliment un instant d’éventuels commentaires, puis dit :

— Colonel Underville, je comprends que cela puisse porter atteinte au moral de vos subordonnés. Mais nous entrons à présent dans une phase très critique, beaucoup plus dangereuse qu’une guerre déclarée. J’ai besoin de collaborateurs d’exception, de gens capables d’agir très rapidement et que je comprends parfaitement. L’équipe Lighthill agit directement sous mes ordres. Veuillez me dire si vous avez l’impression qu’elle sort du droit chemin… mais je vous demande de respecter l’autorité qui lui est déléguée.

Smith avait beau parler sur le ton du regret, son message était sans compromis ; elle était en train de bousculer une politique en vigueur depuis des décennies. Belga avait l’impression troublante que sa supérieure hiérarchique était au courant de toutes les déprédations de sa progéniture.

Jusque-là, la ministre des Finances semblait presque s’ennuyer. Nizhnimor était un héros militaire ; elle avait arpenté la Ténèbre aux côtés de Sherkaner Underhill. On risquait de l’oublier en la voyant ; Amberdon Nizhnimor avait passé toutes les décennies de la présente génération à gravir les échelons de l’Autre Face du service royal, en tant que politicienne et arbitre de cour. Son accoutrement et sa démarche étaient ceux d’une vieille idiote. Longue, frêle et de peu d’épaisseur, Nizhnimor était une caricature de ministre des Finances. Elle se pencha en avant. Sa voix sifflante semblait aussi inoffensive que sa personne.