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Il abaissa le quadriscope et se releva.

— Nous allons surveiller le ciel quelques minutes de plus.

Au cas où d’autres zinzins accompagnent ce monstre.

— S’il vous plaît, laissez-moi descendre afficher ça sur le réseau, dit le jeune faucheux. À plus de quatre-vingt-dix milles d’altitude, et tellement gros que je pouvais en voir la forme. Il doit avoir un demi-mille de longueur !

— D’accord. Vas-y.

Shepry disparut dans l’escalier. Trois minutes passèrent. Quatre. Un terne point lumineux traversait l’horizon sud, très vraisemblablement un satellite de télécommunications. Nethering empocha son quadriscope et descendit lentement l’escalier. Cette fois-ci, la Défense aérienne serait obligée de l’écouter. Une bonne partie des subventions de Nethering provenait de contrats avec les Renseignements de l’Accord. Il connaissait donc l’existence des satellites antigravitationnels que la Parenté avait commencé à lancer depuis peu. Mais l’objet n’est pas un de nos engins, ni un des leurs. Et cette arrivée réduit toutes nos guerres à de mesquines chamailleries. Le monde était si proche du conflit nucléaire. Et maintenant… qu’allait-il se passer ? Il se souvint du vieil Underhill évoquant l’image d’un avenir « au tréfonds du ciel ». Mais les anges devraient venir de la bonne terre froide, jamais du vide céleste.

Shepry le rejoignit au pied de l’escalier.

— Ça ne marche pas, monsieur. Impossible de…

— La liaison avec le continent est coupée ?

— Non, elle fonctionne. Mais la Défense aérienne m’a envoyé promener exactement comme vous la fois d’avant.

— Peut-être qu’ils sont déjà au courant.

Excité, Shepry agita les mains spasmodiquement.

— Peut-être. Mais il se passe quelque chose de louche sur les forums aussi. Depuis quelques jours, les messages de cinglés crèvent le plafond. Vous savez, ces histoires de fin du monde, d’apparitions de monstres des neiges. C’est plutôt marrant ; je leur ai même balancé quelques vannes de mon cru. Mais ce soir, les barjots ont pété les plombs.

Shepry s’arrêta, comme s’il avait épuisé son jargon. Il avait tout à coup l’air très jeune et très peu sûr de lui.

— C’est… c’est pas naturel, monsieur. J’ai trouvé deux messages qui décrivaient exactement ce que nous avons vu. C’est un peu ce à quoi on devrait s’attendre pour un truc qui vient de se passer au-dessus du milieu de l’océan. Mais ils sont perdus dans toute cette masse de conneries délirantes.

Hmm. Nethering traversa la pièce et s’installa sur son perchoir habituel à côté des panneaux de commande. Shepry ne tenait pas en place, il attendait une opinion quelconque. Quand j’ai débuté à l’observatoire, les commandes couvraient trois murs : des instruments et des leviers, presque tous analogiques. À présent, la plupart des instruments étaient miniaturisés, numériques et précis. Parfois, il demandait en plaisantant à Shepry s’ils devaient vraiment faire confiance à des trucs qu’on ne pouvait pas désosser. Shepry n’avait jamais compris cette méfiance vis-à-vis de l’automatisation informatisée. Jusqu’à cette nuit.

— Tu sais, Shepry, peut-être que nous devrions passer quelques coups de fil.

Cinquante et un

Hrunkner s’était déjà trouvé une fois dans un ouragan sec, pendant la Grande Guerre. Mais c’était au sol – en dessous du niveau du sol, la plupart du temps – et il ne se souvenait que du vent qui soufflait en permanence et de la finesse de la neige qui tourbillonnait et s’entassait, et s’insinuait dans toutes les brèches, tous les interstices.

Cette fois, il était dans les airs et entamait une descente de quarante mille pieds. Sous la maigre lumière du soleil, il voyait le tourbillon de l’ouragan s’étaler sur des centaines de milles, immobilisé par la distance malgré des vents qui soufflaient à soixante milles à l’heure. Un ouragan sec ne pourrait jamais égaler la furie d’un ouragan humide de la Clarté. Ce type de tempête pouvait toutefois durer des années, sans cesser d’élargir son œil glacial. L’équilibre climatique mondial s’était stabilisé sur une sorte de plateau thermique lié à l’énergie de cristallisation de l’eau. Une fois ce plateau dépassé, les températures chuteraient continuellement jusqu’au niveau suivant, bien plus froid, où l’air lui-même commencerait à se condenser en rosée.

Leur aéronef descendit vers la muraille nuageuse, se cabrant et dérapant au gré d’invisibles turbulences. L’un des pilotes fit remarquer que la pression atmosphérique était maintenant inférieure à ce qu’elle était à cinquante mille pieds quand ils survolaient le Détroit. Hrunkner pencha la tête vers un hublot et regarda presque droit devant. Dans l’œil du cyclone, le soleil brillait sur une mosaïque de neige et de glace. Il y avait aussi des lumières, les rouges thermiques de l’industrie terresudienne juste en dessous de la surface.

Très loin, un pan de montagne déchiquetée perçait les nuages et il y avait des couleurs et des textures qu’il n’avait pas revues depuis le temps lointain où Sherkaner et lui-même avaient arpenté la Ténèbre.

L’ambassade de l’Accord à Pleinsud avait son propre aéroport, une propriété de quatre milles sur deux juste à l’extérieur du noyau urbain. Même ce terrain n’était qu’un fragment de l’enclave que les intérêts coloniaux avaient maintenue pendant les générations précédentes. Ce vestige de l’empire était tantôt un obstacle aux relations amicales et tantôt un catalyseur économique pour les deux nations. Pour Unnerby, ce n’était qu’une langue de glace souillée de traces d’huile. Leur bombardier aménagé effectua l’atterrissage le plus impressionnant de toute la carrière de Hrunkner, un interminable roulé-glissé sur fond flou d’entrepôts couverts de neige.

Le pilote de la générale avait du talent, ou beaucoup de chance. Ils s’arrêtèrent à cent pieds seulement des congères qui marquaient la fin inéluctable de la piste. Quelques minutes plus tard, des véhicules en forme de scarabées les avaient rejoints puis remorquaient l’appareil vers un hangar. Personne ne marchait sur la piste. À côté de leur couloir, le givre de gaz carbonique étincelait sur le sol.

L’intérieur du hangar caverneux était brillamment éclairé. Une fois les portes refermées, des membres du personnel au sol se précipitèrent avec des escaliers mobiles. Il y avait quelques faucheux en civil au bas des marches ; très vraisemblablement l’ambassadeur de l’Accord et le chef des gardes de l’ambassade. Puisqu’ils étaient encore sur le sol de l’Accord, la présence de Terresudiens était hautement improbable… C’est alors qu’Unnerby aperçut l’insigne parlementaire sur la veste de deux des personnages de marque. Quelqu’un se montrait impatient au-delà des limites d’une diplomatie habile.

L’écoutille centrale s’ouvrit et une masse d’air glacé envahit la cabine. Smith avait déjà rassemblé son matériel et se dirigeait vers la sortie. Hrunkner demeura sur son perchoir un instant de plus. Il fit signe à l’un des techniciens des Renseignements.

— Y a-t-il eu d’autres explosions nucléaires ?

— Non, monsieur, rien. Nous avons eu confirmation sur tout le réseau. C’était une explosion isolée d’une mégatonne.

Le Club des sous-officiers à la Commanderie des Terres sortait un peu de l’ordinaire. La Commanderie était à plus d’un jour de route des lieux de distraction civils, et la garnison jouissait d’un gros budget par comparaison avec d’autres postes isolés. À la Commanderie, le sous-off moyen était probablement un technicien avec au moins quatre années d’université derrière lui, et bon nombre des soldats présents étaient affectés au très profond Centre de contrôle et de commandement situé à plusieurs étages en dessous du club. Il y avait donc les tables de jeux, les équipements de musculation et le fizz-bar habituels, mais il y avait aussi une bonne bibliothèque et un certain nombre de jeux électroniques connectés au réseau qui pouvaient servir de postes d’étude.