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— Sans vouloir vous manquer de respect, madame, nous espérions que le Roi se serait déplacé en personne.

Le politicard arborait une veste et des jambières d’une coupe élégante… et semblait moralement en piteux état.

La générale hocha la tête d’un air rassurant.

— Je comprends, monsieur. Je suis ici pour veiller à ce que les démarches appropriées soient effectuées, et sans entraîner de risques. Me sera-t-il permis de m’adresser au Parlement ?

Dans les circonstances présentes, Hrunkner devina qu’il n’y avait pas de « premier cercle du pouvoir » à proprement parler… excepté peut-être le groupe qui était fermement contrôlé par Pedure. Mais un vote du Parlement pouvait emporter la décision, puisque les chefs de l’arme balistique lui demeuraient fidèles.

— Euh… oui. Nous l’avons prévu. Mais les choses sont allées trop loin.

Il agita la main qui portait sa montre.

— Je ne serais pas étonné si les gens de l’Autre Bord provoquaient un accident d’ascenseur et…

— Ils nous ont laissés arriver jusqu’ici. Si je peux m’adresser au Parlement, je crois qu’on trouvera un compromis.

Le général Smith sourit au Terresudien avec un regard presque complice.

Quinze minutes plus tard, l’ascenseur les déposait sur l’esplanade principale. Trois des parois et le toit de la cabine se rétractèrent vers le haut. Ça, c’était une solution élégante qu’il n’avait encore jamais vue. Unnerby l’ingénieur ne put se retenir : il s’immobilisa et porta son regard vers les lumières éblouissantes qui trouaient l’obscurité du puits, tentant d’apercevoir le mécanisme qui produisait un effet aussi massif et aussi silencieux.

Puis la cohue des policiers, des politiciens et des journalistes l’arracha à la plate-forme…

… et ils gravirent l’escalier du Parlement.

En haut des marches, les responsables terresudiens de la sécurité les séparèrent finalement des reporters et des propres gardes du corps de Smith. Ils franchirent des portes de cinq tonnes renforcées de madriers et pénétrèrent dans la salle elle-même. La Chambre avait toujours été souterraine, située juste au-dessus du profond local dans les dernières générations. Les monarques de ces premiers temps étaient plutôt des brigands (ou des combattants de la liberté, selon d’autres sources de propagande) dont les forces écumaient le territoire montagneux du Sud.

Hrunkner avait contribué à la conception de cette nouvelle incarnation du Parlement. C’était, de tous les projets sur lesquels il avait travaillé, l’un des rares où une apparence imposante était l’un des objectifs principaux. La Chambre n’était peut-être pas à l’épreuve des bombes, mais elle était sacrément spectaculaire :

C’était une cuvette peu profonde, avec des gradins reliés par des escaliers modérément incurvés ; chaque gradin était un large décrochement où s’alignaient pupitres et perchoirs. Les murs taillés dans le roc s’infléchissaient en une arche colossale portant des tubes fluorescents… et une demi-douzaine d’autres dispositifs d’éclairage. Ensemble, ces lumières avaient presque l’éclat et la pureté du soleil de la Clarté moyenne et leur richesse spectrale était suffisante pour révéler toutes les couleurs des murs. Une moquette aussi profonde et aussi douce que la fourrure paternelle recouvrait les escaliers, les allées et l’avant-scène. Des tableaux étaient accrochés au bois verni qui faisait face à chaque gradin, des tableaux exécutés avec des milliers de colorants par des artistes qui savaient exploiter toutes les illusions d’optique. Pour un pays pauvre, Terresud avait dépensé beaucoup d’argent dans cette entreprise. Mais ce Parlement était son plus grand sujet de fierté, l’invention qui avait mis fin au banditisme et à la dépendance, et avait amené la paix. Jusqu’à maintenant.

Les portes pivotèrent et se refermèrent derrière eux avec un claquement qui suscita de profonds échos dans le dôme et les murs opposés. Dans cette enceinte, il n’y aurait que les Élus, leurs invités, et – Hrunkner distinguait des grappes d’objectifs au plafond de la salle – les caméras de la presse. Sur toutes les travées de pupitres, presque chaque perchoir était occupé. Unnerby sentait les regards attentifs d’un demi-millier d’Élus.

Smith, Unnerby et Tim Downing commencèrent à descendre les marches qui menaient à l’avant-scène. Les Élus les observaient, pour la plupart sans rien dire. Il y avait là du respect, de l’hostilité et de l’espoir. Peut-être donnerait-on à Smith une chance de préserver la paix.

En ce jour triomphal, Tomas Nau avait demandé un climat ensoleillé pour North Paw, une sorte d’après-midi chaud qui pouvait durer toute une journée d’été. Ali Lin avait ronchonné, mais avait procédé aux modifications nécessaires. Il était maintenant occupé à sarcler le jardin en dessous du bureau de Nau, et avait oublié son irritation momentanée. Les paramètres du Parc étaient bouleversés. Et alors ? Rectifier la situation serait sa prochaine tâche.

Et ma tâche à moi est de tout gérer en même temps, songea Nau. Assis de l’autre côté de la table, Vinh et Trinli travaillaient à la surveillance de sites qu’il leur avait confiée. Trinli était essentiel pour le camouflage de l’opération ; c’était le seul Fourgueur dont Tomas soit sûr qu’il confirmerait la version mensongère des événements. Vinh… bon, un prétexte crédible pourrait le mettre hors ligne aux moments critiques, mais ce qu’il verrait corroborerait la version de Trinli. Ce serait délicat, mais s’il y avait des surprises… eh bien, Kal et ses hommes étaient là pour s’en occuper.

La présence de Ritser n’était qu’une image tridimensionnelle le montrant installé dans le siège du commandant à bord de la Main. Rien de ce qu’il dirait ne serait capté par des oreilles innocentes.

— Oui, Subrécargue ! Nous allons avoir l’image dans un instant. Nous avons introduit un mini-espion en état de marche dans la salle du Parlement. Dites, Reynolt, votre Melin a visé juste pour une fois !

Anne était dans les Combles de Hammerfest. Elle n’était présente que sous forme d’une image confidentielle dans les ATH de Tomas, et d’une voix dans son oreille. Pour l’instant, son attention se fractionnait en au moins trois directions. Elle gérait une sorte d’analyse des zombies, surveillait une traduction de Trixia Bonsol sur le mur au-dessus d’elle et suivait le flux de données transmis par la Main invisible. La situation chez les zombies était d’une complexité jamais vue. Reynolt ne réagit pas aux paroles de Ritser.

— Anne ? Quand le minirobot de Ritser commencera à envoyer des images, vous les basculez directement chez Benny. Trixia peut faire une traduction simultanée, mais donnez-nous un peu de son en direct, aussi.

Tomas avait déjà vu certaines des séquences transmises par les caméras-espions. Il fallait que tout le monde chez Benny voie les Araignées de près et en mouvement. Ce qui contribuerait subtilement à faire accepter les mensonges d’après la conquête.

Anne ne détacha pas les yeux de son travail.

— Oui, monsieur. Je vois que Vinh et Trinli entendent ce que vous dites.