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— Très bien. Vous avez repéré Trinli ? Je parie qu’il est dans les tunnels.

À moins qu’il soit en train de revenir par un chemin détourné pour tendre une nouvelle embuscade.

— Oui, je crois. Nous détectons des mouvements via les vieux géophones.

Du matériel émergent.

— Bien. En attendant, bricolez une voix synthétique quelconque pour amuser la galerie chez Benny.

— C’est fait, répondit-elle instantanément.

Déjà fait, donc.

Nau se retourna vers ses gardes et Ezr Vinh. Un minuscule répit venait de se créer. Assez long pour envoyer de nouveaux ordres à Ritser. Assez long pour essayer un peu de savoir l’identité réelle de son adversaire.

Vinh avait repris conscience. La douleur lui donnait un regard vitreux… mais étincelant de haine, aussi. Nau lui sourit. Il fit signe à Ciret de tordre l’épaule mutilée de Vinh.

— J’ai besoin de quelques réponses, Vinh.

Le Fourgueur hurla.

Accélérant sans cesse, Pham se propulsa dans le tunnel de diamant, guidé par des images vertes qui se maculaient, tremblaient… et s’assombrissaient jusqu’à l’obscurité totale. Porté par son élan, il avança en aveugle quelques secondes, sans ralentir. Il se tapota les tempes pour essayer de réinitialiser les localiseurs qui y étaient logés. Ils y étaient en place, et il savait que des milliers d’autres flottaient d’un bout à l’autre du tunnel. Anne avait dû couper les impulsions à micro-ondes, du moins dans ce tunnel.

Cette femme est incroyable ! Des années durant, Pham avait évité la manipulation directe du système zombie. Or Anne – il ne savait comment – s’était quand même doutée de quelque chose. Le lavage de cerveau avait ralenti un moment ses investigations, mais, cette année, elle avait serré et serré la vis jusqu’à ce que… Nous étions si près de neutraliser l’interrupteur général, et maintenant nous avons tout perdu. Presque tout. Ezr était mort pour lui donner encore une chance.

Le tunnel obliquait quelque part juste devant lui. Il tendit les mains dans le noir, toucha les murs légèrement, puis plus fermement, interrompant son plongeon pour se présenter les pieds devant. La manœuvre s’effectua une fraction de seconde trop tard. Ses pieds, ses genoux et ses mains entrèrent en collision avec la surface non identifiée. Presque aussi violemment que lors d’une chute sur la terre ferme – sauf qu’il rebondit en tourbillonnant et heurta un autre mur.

Il se rattrapa et revint, centimètre par centimètre, jusqu’au coude du tunnel. Quatre couloirs distincts y prenaient naissance. Il chercha les ouvertures à tâtons, puis entra dans le deuxième couloir, très calmement, cette fois-ci. Anne n’avait eu une certitude absolue que dans les dernières secondes. Le matériel qu’il avait dissimulé dans ce tunnel précis devait toujours être en place.

Au bout de quelques mètres, ses mains rencontrèrent un sac en tissu collé à la paroi. Il avait pris un gros risque en cachant le matériel, mais les manœuvres décisives en comportent toujours un, et celle-ci se révélait payante. Il ouvrit le sac, y trouva la lampe annulaire. Un halo de lumière jaune entoura sa main. Pham empoigna le reste du matériel ; la lumière suivait ses mains et déchaînait autour de lui un chassé-croisé d’ombres et d’arcs-en-ciel. L’un des paquets contenait des billes minuscules. Il en expédia une dans un tunnel latéral. Elle rebondit, vola silencieusement une seconde, puis il y eut un impact mat accompagné de divers tintements : un leurre sonore pour les zombies aux écoutes.

Nous avons donc été démasqués juste quelques Ksec trop tôt. Mais il n’est pas rare que des bavures se produisent lorsque les plans qu’on a échafaudés finissent par rencontrer la réalité. Si tout s’était passé comme prévu, il n’aurait jamais eu besoin de cette trousse de secours… et c’était bien pour cela qu’il l’avait cachée. Pham passa en revue les objets contenus dans le sac : le respirateur, le récepteur-amplificateur, la trousse médicale, le pistolet à fléchettes.

Nau et compagnie avaient le choix. Ils pourraient gazer les tunnels ou les éjecter dans le vide intersidéral – bien que cette dernière solution détruise une quantité importante d’un matériel irremplaçable. Ils pourraient essayer d’aller débusquer Pham sur place. Ce ne serait pas triste : les nervis de Nau verraient à quel point leurs tunnels étaient devenus dangereux… Pham sentit l’enthousiasme de jadis renaître en lui, cette impression revigorante qu’il avilit toujours au moment crucial, quand réflexions et préparatifs se concrétisaient dans le passage à l’action. Il transféra dans ses poches le contenu du sac tandis que son plan d’action immédiate se précisait dans sa tête. Ezr, nous vaincrons, je te le promets. Nous vaincrons malgré Anne… et pour elle.

Silencieux comme le brouillard, il commença à remonter le tunnel ; sa lampe annulaire lui donnait juste assez d’éclairage pour distinguer les couloirs transversaux un peu plus loin. C’était le moment de rendre visite à Anne.

Courant sur son erre, la Main invisible survolait la planète des Araignées à cent cinquante kilomètres d’altitude. Si bas qu’un nombre restreint d’Araignées situées sur une mince bande au sol l’apercevraient directement. Mais, le moment venu, elle passerait précisément au-dessus des objectifs préalablement désignés. Et, nonobstant les mensonges qu’on servait à Rita et aux autres en L1, à bord de la Main, les sites araignées étaient qualifiés de cibles.

Jau Xin occupait le siège du gestionnaire des pilotes – celui du commandant en second, quand ce vaisseau appartenait aux Qeng Ho – et observait la courbe grise de l’horizon. Il avait trois zombies pilotes en service dans cette opération, dont un seul, en fait, surveillait le vol. Les autres, branchés sur les systèmes de gestion des munitions de Bil Phuong, calculaient les options les plus efficaces. Jau essaya d’ignorer les paroles qui venaient du siège du commandant à côté de lui. Ritser Brughel se régalait ; il donnait à son patron resté sur Hammerfest un commentaire simultané de ce qui se passait au sol.

Brughel cessa son analyse perverse et garda quelques secondes un silence bienvenu. Brusquement, le Vice-Subrécargue jura.

— Monsieur ? Que se…

Soudain, il se mit à crier :

— Phuong ! Il y a une fusillade à North Paw. Omo est touché et… pestilence, j’ai perdu ma liaison ATH. Phuong !

Xin se retourna sur son siège, vit Brughel marteler sa console. Son faciès blafard s’empourprait. Le Vice-Subrécargue écouta un instant sur sa fréquence sécurisée.

— Mais le Subrécargue a survécu ? D’accord, mettez Reynolt en service. Mettez-la en service, j’ai dit !

Anne Reynolt n’était pas, semblait-il, immédiatement disponible. Cent secondes s’écoulèrent. Deux cents. Brughel fulminait, bouillait de rage, et même ses nervis reculaient. Jau se concentra sur ses affichages, mais il n’y voyait défiler que des données vides de sens. Cet épisode n’était pas dans le scénario de Tomas Nau.

— Salope ! T’étais où ? Qu’est-ce que…

Puis Brughel se tut à nouveau. Il grognait de temps en temps, mais sans interrompre ce qui devait être un monologue. Quand il reprit la parole, il semblait plus perplexe que furieux.

— Je comprends. Vous dites au Subrécargue qu’il peut compter sur moi.

Il y eut encore un échange de répliques dans cette conversation à longue distance, et Jau commença à se douter de ce qui allait arriver. Il ne put se retenir et coula un regard en coin vers le Vice-Subrécargue. Brughel le regardait, justement.