Выбрать главу

Smith recula jusqu’à être à la hauteur de Hrunk.

— Venez avec moi, sergent, j’ai vu quelqu’un à qui je veux parler depuis longtemps.

Un vote était prévu dans le cours de la journée. Avant cela, il se pourrait très bien que la générale doive répondre à des questions. Ce qui ménageait beaucoup de temps pour des manœuvres politiciennes. Unnerby et Downing accompagnèrent la générale jusqu’à l’autre bout de l’avant-scène et se plantèrent devant la sortie. Une vilaine créature aux jambières extravagantes se dirigeait vers eux. Pedure. Les années n’avaient pas été tendres avec elle… ou alors les rumeurs d’attentats manqués sur sa personne étaient exactes. Elle fit mine de contourner Victory Smith, mais la générale lui barra le passage en souriant.

— Salut, Bourreau d’Enfants. Enchantée de vous voir en personne.

— Oui, siffla l’autre. Et si vous ne vous écartez pas de mon chemin, je serais enchantée de vous tuer.

Elle le dit avec un accent à couper au couteau, mais le poignard qu’elle tenait dans sa main était bien réel.

Smith allongea les bras latéralement, geste démesuré qui attirerait l’attention de tout l’amphithéâtre.

— Devant tous ces gens, Honorée Pedure ? Je ne le crois pas. Vous êtes…

Smith hésita, porta une paire de mains à sa tête et sembla écouter. Un téléphone ?

Pedure la dévisageait, l’aspect plein de soupçons. C’était une femelle de petite taille à la chitine écorchée, aux gestes juste un peu trop rapides. Totalement indigne de confiance. Elle devait être tellement habituée à tuer à distance que le charme personnel et les facilités d’élocution étaient chez elle des talents disparus depuis longtemps. Ici, elle n’était pas dans son élément – il lui fallait gérer la situation en direct. Ce qui donna un peu plus d’assurance à Unnerby.

Quelque chose bourdonna dans la veste de Pedure. Son petit poignard disparut et elle saisit son téléphone. Un instant, les deux espionnes en chef eurent l’air de deux vieilles amies en train de communier avec leurs souvenirs.

— Non ! hurla Pedure.

Un spasme la traversa. Elle prit le téléphone dans ses mains nourricières et se le fourra presque dans la gueule.

— Pas ici ! Pas maintenant !

Le fait qu’elles se trouvent brusquement au centre de l’attention ne sembla pas la troubler.

Le général Smith se tourna vers Unnerby.

— Tous les projets tombent à l’eau. Trois missiles lancés depuis la banquise se dirigent sur nous. Il nous reste environ sept minutes.

Le regard d’Unnerby s’arrêta sur la coupole au-dessus d’eux. À trois mille pieds sous terre, elle était à l’épreuve des bombes tactiques à fission. Mais il savait que la Parenté avait mis au point des engins bien plus gros. Un triple lancement signifiait très vraisemblablement une attaque à grande pénétration. N’empêche que… J’ai participé à la conception de cet endroit. Il y avait à proximité des escaliers permettant d’accéder à des locaux bien plus profonds. Il prit l’un des bras de Smith.

— S’il vous plaît, madame. Suivez-moi.

Ils traversèrent l’avant-scène.

Unnerby avait connu le courage et la lâcheté chez les bons comme chez les méchants. Pedure, elle… l’Honorée Pedure était agitée de soubresauts affolés. Elle se tordait de droite à gauche, sautillait sur place, hurlait en tiefien dans son téléphone. Soudain, elle cessa son manège et se retourna vers Smith. Dans son aspect, la terreur livrait bataille à la surprise et à l’incrédulité.

— Ces missiles. Ce sont les vôtres ! Espèce de…

Elle se lança en hurlant vers le dos de Smith, son poignard comme une extension argentée de son bras le plus long.

Unnerby se glissa entre elles avant que Smith puisse ne serait-ce que se retourner. Heurtant l’Honorée Pedure du saillant de ses épaules, il la projeta hors de la scène. Autour d’eux, c’était la confusion. Les gens de Pedure déboulèrent depuis le parterre, où ils se heurtèrent aux gardes de Smith qui se lançaient de la galerie du public. Le choc se propagea dans tout l’amphithéâtre lorsque les Élus, levant la tête de leurs lecteurs, remarquèrent qui étaient les combattants. Puis un cri jaillit du fond des travées, tout en haut.

— Regardez les infos ! L’Accord vient de lancer des missiles sur nous !

Unnerby fit sortir la générale et son escorte par une porte latérale. Ils dévalèrent l’escalier en direction des tunnels secrets qui aboutissaient au QG sécurisé. Sept minutes à vivre ? Peut-être. Mais soudain, Hrunkner se sentit formidablement libéré. Il leur restait la simplicité même, comme avec Victory à l’époque héroïque : la vie et la mort, une poignée de bons soldats, et quelques minutes pour emporter la décision.

Cinquante-cinq

Belga Underville avait de l’ancienneté au Centre de Commandement et de Contrôle. Ça n’avait en réalité guère d’importance : Underville représentait les Renseignements intérieurs. Ce qui se passerait ici pourrait bouleverser définitivement ses tâches, mais elle était en dehors de la chaîne de commandement, assurant simplement la liaison avec la défense civile et les forces de la Maison royale. Belga observa Elno Coldhaven, directeur fraîchement nommé des Renseignements extérieurs et Chef des opérations en exercice du CCC. Coldhaven savait quel feu roulant d’échecs avait mis fin à la carrière de son prédécesseur. Il savait que Rachner Thract n’était pas un incapable et n’était probablement pas un traître. Elno avait à présent les mêmes tâches, et sa supérieure hiérarchique était à l’étranger. Il travaillait sans filet, ou presque. Plus d’une fois ces derniers jours, il avait pris Underville à part et lui avait demandé très sérieusement son avis. Elle soupçonnait que c’était surtout pour cela que Smith l’avait obligée à rester à la Commanderie au lieu de rentrer à Princeton.

Le CCC était enterré à plus d’un mille de profondeur dans le promontoire rocheux de la Commanderie des Terres, sous le vieux Profond royal. Dix ans plus tôt, le Centre était un établissement de grande envergure qui abritait des douzaines de techniciens des Renseignements penchés sur les curieux afficheurs à tube cathodique de l’époque. Derrière eux, il y avait alors des salles de réunion vitrées et des passerelles de surveillance pour les officiers responsables des opérations. Mais systèmes et réseaux informatiques s’étaient améliorés au fil des années. Les Renseignements de l’Accord disposaient à présent d’yeux, d’oreilles et d’automatismes perfectionnés, et le CCC lui-même était à peine plus grand qu’une salle de conférence. Une insolite salle de conférence silencieuse aux perchoirs tournés vers l’extérieur, où l’air pur était toujours en léger mouvement, où un puissant éclairage ne laissait pas d’ombres. Il y avait des afficheurs de données, dont les plus rudimentaires pouvaient à présent supporter douze couleurs. Il y avait encore des techniciens, mais chacun gérait un millier de points nodaux dispersés sur tout le continent et dans le système de reconnaissance du proche-espace. Indirectement, chacun disposait de centaines de spécialistes pour les tâches d’interprétation. Huit techniciens, quatre officiers, un officier commandant. C’était là tout le personnel dont la présence physique était nécessaire.

L’écran central montrait la réception au Parlement du chef des Renseignements. C’était les mêmes images d’agence que recevait le reste du monde : les Renseignements extérieurs avaient renoncé à installer clandestinement des caméras dans l’amphithéâtre. L’un des techniciens analysait des images fixes prélevées sur la vidéo. Il afficha une image composite formée d’une douzaine de fragments et harmonisa l’éclairage. Un personnage d’apparence minable apparut sur l’écran ; les détails de ses vêtements noirs étaient flous.