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Par miracle, le sergent avait des copies papier du Plan Corruption Réseau. Il les remit à ses techniciens et initialisa les procédures pour ouvrir les portes anti-souffle du CCC.

Mais les portes s’ouvraient déjà. Belga se raidit. Rien n’était censé entrer avant la fin du service, ou avant que Coldhaven envoie le code d’ouverture. Un garde du CCC entra à reculons, désorienté, le fusil maintenu tant bien que mal en position « présentez armes ».

— J’ai vu votre autorisation, madame, mais les ordres sont les ordres…

— Ridicule, dit une voix presque familière. Nous avons l’autorisation, et vous avez vu que la porte s’est ouverte. Veuillez nous laisser passer.

Une jeune lieutenant entra dans la pièce. L’uniforme noir sans signes distinctifs, la silhouette élancée mortellement efficace : c’était comme si Victory Smith non seulement s’était échappée de Terresud, mais était revenue aussi jeune que la première fois qu’Underville l’avait vue. Derrière elle entrèrent un caporal à la carrure impressionnante et une équipe de gardes. La plupart des membres du commando portaient des fusils d’assaut trapus.

Le général Dugway laissa éclater sa rage et son indignation devant la jeune lieutenante. L’imbécile ! Ça avait tout l’air d’une liquidation… mais pourquoi les autres ne tiraient-ils pas ? Elno Coldhaven contourna lentement son bureau, les mains à la recherche de quelque tiroir invisible. Belga s’interposa entre lui et les intrus et dit :

— Vous êtes la fille de Smith.

La lieutenant salua sèchement Underville.

— Oui, madame. Victory Lighthill, et voici mon équipe. Nous sommes autorisés par le général Smith à procéder à des inspections conformément aux modalités qui nous sembleront les plus appropriées. Avec tout le respect qui vous est dû, madame, c’est pour cela que nous sommes ici.

Lighthill passa devant le directeur de la Défense aérienne ; incapable de parler, le vieux Dugway bavait de rage. Derrière Belga, et presque entièrement caché par elle, Elno Coldhaven pianotait des codes de commande.

D’une manière ou d’une autre, Lighthill devina ce qui se passait.

— Veuillez vous éloigner de votre console, général Coldhaven.

Le corpulent caporal agita son fusil d’assaut en direction de Coldhaven. Underville reconnut alors le fils attardé de Smith. Zut !

Elno Coldhaven s’éloigna de son bureau, les mains légèrement levées en l’air, reconnaissant par là qu’ils allaient bien au-delà d’une quelconque « inspection ». Les deux techniciens les plus proches de la porte s’élancèrent, échappant aux membres du commando. Mais ces nervis étaient ultra-rapides. Ils se retournèrent, bondirent sur les techniciens et les ramenèrent de force dans le CCC.

Les portes anti-souffle se refermèrent lentement.

Et Coldhaven fit une dernière tentative, la plus pathétique :

— Lieutenant, nos communications sont affectées par une corruption massive des signaux. Il nous faut déconnecter du réseau les systèmes de commande et de contrôle.

Lighthill s’approcha des écrans. Il y avait toujours des images du Parlement, mais personne n’était derrière la caméra, qui oscilla sans but dans tous les angles avant de cadrer définitivement le plafond. Sur les autres affichages fleurissaient des Clartés Maximales signalant des requêtes au Centre de commande, des annonces de lancement émanant de l’Offensive balistique royale. Les dernières minutes du monde, en somme.

— Je sais, monsieur, dit finalement Lighthill. Nous sommes ici pour vous en empêcher.

Les membres de son commando s’étaient répartis dans tout le Centre de commande et de contrôle, à présent surpeuplé. Ils tenaient en respect tous les techniciens et officiers sans exception. Le gros caporal ouvrait une sacoche de matériel supplémentaire qu’il se mit à installer… des écrans de consoles de jeux ?

Dugway retrouva enfin la parole.

— Nous soupçonnions un agent profondément infiltré. J’étais sûr que c’était Rachner Thract. Imbéciles que nous étions ! Depuis le début, c’était Victory Smith qui travaillait pour Pedure et la Parenté.

Un traître au cœur du dispositif ! Tout s’expliquait, mais… Belga regarda les affichages : des confirmations truquées de la frappe atomique de l’Accord arrivaient de tous les côtés sur le réseau.

— Qu’est-ce qu’il y a de vrai, là-dedans, lieutenant ? Tout ça, c’est de l’intox, même l’attaque sur Pleinsud ?

Un instant, Underville crut que la lieutenant ne répondrait pas. Les pictogrammes des cibles à Pleinsud étaient presque devenus ponctuels. L’image de la coupole du Parlement retransmise par la caméra dura une seconde de plus. Puis Belga eut l’impression fugitive d’un gonflement de la roche, d’un éclair… et l’image disparut. Victory Lighthill tressaillit, et quand elle finit par répondre à Belga, ce fut d’une voix à la fois douce et ferme.

— Non. Cette attaque était bien réelle.

Cinquante-six

— Vous êtes sûr qu’elle pourra me voir ?

Marli leva les yeux de ses gadgets.

— Oui, monsieur. Et ses ATH confirment qu’elle est parée à communiquer.

À toi, Subrécargue ! C’est parti pour la meilleure prestation d’acteur de toute ta vie !

— Qiwi ? Tu es là ?

— Oui, je…

Et il entendit Qiwi prendre une rapide inspiration. L’entendit seulement. Il n’y avait pas de vidéo d’elle vers lui ; le caractère désespéré de cette situation n’était pas une fiction.

— Papa !

Nau cala dans ses bras la tête et les épaules d’Ali Lin. Les blessures du zombie, béantes, laissaient suinter un marécage sanglant à travers des bandages improvisés. Pestilence ! J’espère que le gusse n’est pas mort. Mais, par-dessus tout, il fallait du réalisme ; Marli avait fait de son mieux.

— C’est Vinh, Qiwi. Trinli et lui nous ont sauté dessus et ont tué Kal Omo. Ils auraient tué Ali si… si je ne les avais pas laissés s’enfuir.

Ces paroles s’échappèrent de sa bouche, alimentées par une colère et une peur authentiques mais guidées par des nécessités tactiques. L’attaque sauvage des traîtres, prévue pour le moment le plus critique, lorsque toute une civilisation était en danger de mort. La destruction de North Paw.

— J’ai vu deux des chatons se noyer, Qiwi. Je suis désolé, mais nous n’avons pas pu nous approcher suffisamment pour les sauver et…

La voix lui manqua, parfaitement contrôlée.

Il entendit de petits sanglots étouffés à l’autre bout de la liaison, ces sons que Qiwi produisait dans des moments d’horreur absolue. Merde, ça pourrait déclencher une cascade mémorielle. Il refoula ses craintes et dit :

— Qiwi, nous avons encore une chance. Est-ce que les traîtres se sont montrés chez Benny ?

Est-ce que Pham Nuwen a réussi à sortir des tunnels ?

— Non. Mais nous savons qu’il s’est passé quelque chose d’affreux. Nous avons perdu la vidéo de North Paw, et maintenant on dirait que c’est la guerre sur Arachnia. Nous sommes sur une liaison sécurisée, mais tout le monde m’a vue partir de chez Benny.