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— D’accord. D’accord. C’est une bonne chose, Qiwi. Les gens qui sont éventuellement dans le coup avec Vinh et Trinli sont encore sous le choc. Nous avons une chance, toi et moi…

— Mais nous pouvons sûrement faire confiance à…

La protestation de Qiwi tourna court, et elle ne lui opposa aucun argument. Bien. Si peu de temps après un lavage de cerveau, Qiwi était très peu sûre d’elle.

— D’accord, reprit-elle. Mais moi, je peux vous aider. Vous vous cachez où ? Dans une des conduites ?

— Exact. Nous sommes bloqués derrière le couvercle extérieur. Mais si nous pouvons sortir, nous pouvons sauver la situation. L1-A possède…

— Quelle conduite ?

— Euh…

Il examina la surface du panneau. Un numéro était tout juste lisible à la lumière du lasercom de Marli.

— C-sept-quatre-cinq. Ça te dit…

— Je sais où elle est. Je vous rejoins dans deux cents secondes. Ne t’inquiète pas, Tomas.

Seigneur. Qiwi s’était drôlement ressaisie. Nau attendit un instant, puis interrogea Marli du regard.

— La liaison est coupée, monsieur.

— Bien. Réalignez. Voyez si vous pouvez atteindre Ritser Brughel.

Ce serait peut-être sa dernière chance de vérifier la marche des opérations au sol avant que tout soit réglé, d’une manière ou d’une autre.

La Main invisible était au-dessus de l’horizon de Pleinsud lorsque les missiles arrivèrent. Les affichages de Jau montrèrent quand même des éclairs jaillissant sur fond de haute atmosphère. Et leurs satellites de poursuite retransmirent une analyse détaillée des destructions. Les trois engins avaient atteint la cible.

Mais Ritser Brughel n’était pas entièrement satisfait.

— La séquence a été bâclée ; on n’a pas eu la meilleure pénétration.

La voix de Bil Phuong lui parvint sur la fréquence interne de la passerelle :

— Oui, monsieur. Cela dépendait de caractéristiques fines des munitions… le genre d’informations disponibles en L1.

— D’accord. D’accord. On fera avec. Xin !

— Oui, monsieur ? dit Jau en levant les yeux de sa console.

— Nos gens sont prêts à bombarder les champs de missiles ?

— Oui, monsieur. La correction de trajectoire qui vient de s’achever nous placera au-dessus de la plupart d’entre eux. Nous allons anéantir une bonne partie des forces de l’Accord.

— Gestionnaire Xin, je veux que vous preniez personnellement…

La console de Ritser émit un signal sonore. Il n’y avait pas de vidéo, mais le Vice-Subrécargue écoutait quelque chose. Au bout d’un moment, Brughel dit :

— Oui, monsieur. Nous pouvons y remédier. Quelle est votre situation ?

Qu’est-ce qui se passe là-haut ? Qu’est-ce qu’ils font à Rita ? Jau força son attention à se détourner de la conversation à longue distance et examina la situation de ses propres équipes. En fait, il poussait ses zombies à la limite de leurs possibilités. Plus question de raffiner, à présent. Plus moyen de dissimuler leurs manœuvres aux réseaux des Araignées. Les champs de missiles de l’Accord s’étiraient en travers du continent boréal sur une bande correspondant approximativement à la trajectoire de la Main invisible. Les pilotes de Jau coordonnaient une douzaine de zombies spécialistes des munitions. Les lasers de combat dépareillés de la Main pouvaient anéantir les sites de lancement proches de la surface, mais seulement si on leur accordait cinquante millisecondes de temporisation. Toucher toutes les cibles serait un miracle de chorégraphie et de puissance de feu. Certains des sites offensifs les plus profondément enterrés seraient atteints par des bombes fouisseuses. Déjà larguées, elles tombaient en parabole derrière eux.

Jau avait fait tout ce qu’il avait pu pour que l’opération réussisse. Je n’avais pas le choix. Toutes les deux ou trois secondes, ce mantra remontait à la surface de sa conscience, en réponse à un Je ne suis pas un boucher tout aussi tenace.

Mais maintenant… maintenant, il y aurait peut-être un moyen d’échapper sans risques aux ordres effroyables de Brughel. Sois honnête, tu es toujours un boucher. Oui, mais qui tue les gens par centaines, pas par millions.

Sans les informations géographiques et techniques détaillées fournies par L1, un certain nombre de menues erreurs étaient possibles. La frappe sur Pleinsud l’avait démontré. Les doigts de Jau volèrent sur le clavier, envoyant des instructions de dernière seconde à son équipe de zombies. L’erreur était très subtile. Mais elle introduirait une arborescence de déviations aléatoires dans leur attaque des missiles antimissiles. De nombreux tirs rateraient complètement leur cible. L’Accord aurait encore une chance face aux armes nucléaires de la Parenté.

Rachner Thract tournait en rond dans le sas des visiteurs. Combien de temps Underhill allait-il mettre pour sortir ? Peut-être avait-il changé d’avis, ou simplement oublié. Le factionnaire avait l’air contrarié, lui aussi. Il parlait dans une sorte d’interphone, trop bas pour que Thract puisse l’entendre.

Finalement, il y eut un chuintement aigu de servo-moteurs. Un instant plus tard, les battants de la vieille porte en bois coulissèrent. Un guidebogue émergea, suivi de près par Sherkaner Underhill. Le garde sortit en toute hâte de sa guérite.

— Monsieur, est-ce que je pourrais vous parler ? Je reçois des…

— Oui, mais laissez-moi parler avec le colonel rien qu’un instant.

Underhill semblait s’affaisser sous le poids de sa parka, et chaque pas l’entraînait irrémédiablement sur la gauche. La sentinelle s’agitait dans sa guérite, ne sachant pas exactement comment réagir. Le guidebogue remettait inlassablement Underhill sur une trajectoire plus ou moins rectiligne.

Underhill atteignit le sas des visiteurs.

— Colonel, j’ai quelques minutes à vous consacrer. Je suis désolé que vous ayez perdu votre poste. Je veux que vous…

— Ça n’a pas d’importance, maintenant, monsieur ! J’ai quelque chose à vous dire.

C’était déjà un miracle qu’il soit parvenu jusqu’à Underhill. Maintenant, si seulement je pouvais le convaincre avant que cette sentinelle trouve le courage d’intervenir !

— Nos automatismes de commandement sont infiltrés, monsieur. J’en ai la preuve !

Underhill levait les bras comme pour protester, mais Rachner poursuivit. C’était sa dernière chance.

— Ça semble délirant, mais ça explique tout : il y a une…

Le monde explosa autour d’eux. Des couleurs au-delà de la couleur. Une douleur au-delà du soleil le plus fulgurant que Thract puisse imaginer. Un instant, il n’y eut plus que cette couleur/douleur, évacuant toute conscience, toute peur et même tout étonnement.

Puis il revint à lui. Il souffrait, mais était au moins conscient. Il gisait dans la neige et divers décombres. Ses yeux… ses yeux lui faisaient mal. Les images rémanentes de l’Enfer s’étaient gravées dans son champ oculaire antérieur, l’empêchant de voir. Ces images rémanentes montraient des silhouettes brutalement découpées sur un faisceau d’obscurité absolue : la sentinelle et Sherkaner Underhill.

Underhill ! Thract se remit sur ses pieds, écarta les planches qui étaient tombées sur lui. D’autres douleurs commençaient à se manifester. Tout son dos n’était qu’un bloc de souffrance. Normal ! Je suis passé à travers un mur ou deux. Il fit quelques pas hésitants, mais il n’avait rien de cassé.

— Monsieur ? Professeur Underhill ?