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Underhill y plongea les mains et en retira le matériel à l’intérieur comme si c’étaient les joyaux de la Couronne. Rachner tourna la tête pour mieux voir. Un… un foutu casque pour jeux électroniques. C’était donc ça !

— Ah ! Il a l’air intact, dit doucement Underhill.

Il commença d’appliquer la visière sur ses yeux, puis tressaillit dans un mouvement de recul. Rachner comprit pourquoi : il y avait des cloques partout sur les yeux du vieux faucheux. Mais Underhill n’abandonna pas. Brandissant le dispositif à un pouce de sa tête, il le mit en marche.

Une lumière scintillante se répandit tout autour de sa tête. Instinctivement, Rachner recula. L’habitacle fut brusquement saturé d’un million de couleurs changeantes, vives et vibrantes. Il se souvint des bruits qui couraient sur le délirant dada d’Underhill, la vidéomancie. Les rumeurs étaient donc exactes, et ce « casque de jeux » avait dû coûter une petite fortune.

Underhill marmonna, déplaçant le casque comme pour essayer de voir entre les taches aveugles de ses yeux calcinés. Il n’y avait vraiment pas grand-chose à voir, rien qu’un ballet de lumières changeantes d’une incroyable beauté, le pouvoir hypnotique de l’informatique mis au service du charlatanisme. Sherkaner semblait s’en satisfaire. Il ne quittait pas le spectacle des yeux, caressant le guidebogue d’une de ses mains libres.

— Ah… je vois, dit-il doucement.

Dans un rugissement aigu, les turbines de l’hélicoptère entamèrent soudain une accélération bien au-delà de la ligne rouge du surrégime. Cette puissance quasi magique finirait par les griller au bout d’une heure ou d’eux. Des commandes raisonnables ne permettraient jamais pareille performance.

— Nom de Dieu, qu’est-ce…

Les mots restèrent dans la gorge de Thract. L’accélération se transmit finalement aux pales du rotor ; l’appareil fou prit rageusement de l’altitude et dépassa la crête de la caldeira. Les turbines ralentirent un instant lorsque l’hélicoptère survola le sommet, à cinq cents, puis mille pieds au-dessus de l’altiplano. Rachner aperçut fugitivement les plaines. La série d’impacts destructeurs qu’ils avaient vue à Calorica faisait en réalité partie d’un quadrillage. Vers le sud et l’est s’alignaient des centaines de panaches de fumée. Les champs de missiles antimissiles. Mais les ordures avaient raté leurs cibles ! Vague après vague de fusées d’interception jaillissaient de leurs silos d’un bout à l’autre de l’altiplano. Des centaines de lancements, aussi rapides et nourris que des tirs de fusées tactiques – sauf que les silos étaient à des douzaines de milles les uns des autres. Ces fusées empanachées propulsaient des ogives intelligentes vers des interceptions situées à des milliers de milles de distance et des vingtaines de milles d’altitude. Impressionnant au-delà de tout ce dont la Défense aérienne s’était jamais vantée lors des réunions d’état-major… et cela signifiait que la Parenté venait de lancer tous les missiles dont elle disposait.

Sherkaner Underhill n’avait rien remarqué, apparemment. Il dodelinait de la tête, immergé dans le spectacle lumineux du casque.

— Il devrait y avoir moyen de se reconnecter quelque part. Forcément.

Ses mains tremblaient sur les commandes du jeu. Les secondes passèrent.

— Tout fout le camp, maintenant, sanglota-t-il.

Abandonnant ses zombies du contrôle numérique, Trud rejoignit Pham Trinli près des traducteurs.

— Le numérique pur, je peux m’en charger, Pham. Je veux dire que je peux avoir des réponses. Mais pour ce qui est du contrôle…

Trinli se contenta de hocher la tête sans se soucier de ses objections. Trinli a l’air tellement changé. Ça fait des Veilles que je le connais, et maintenant, c’est un tout autre individu. L’ancien Pham Trinli, fort en gueule et arrogant, était un fanfaron avec qui on pouvait discuter et plaisanter. Le nouveau Pham était plus discret, mais tous ses coups portaient. Il va tous nous tuer. Le regard de Trud dérapa malgré lui vers l’endroit où le corps d’Anne Reynolt reposait comme de la viande sur un étal de boucher. Et même s’il réussissait à échafauder un plan pour trahir Pham, ça ne le sauverait probablement pas. Nau et Brughel étaient des Subrécargues, et Trud savait qu’il était maintenant au-delà du pardon.

— Il y a encore une chance, Trud, dit Pham, coupant court à ces funestes pensées. Peut-être qu’on pourrait aller un peu plus loin dans l’ouverture, faire croire aux zombies que…

Silipan haussa les épaules. Ça ne l’avançait à rien, mais :

— Si tu fais ça, on aura le Subrécargue sur le râble immédiatement. Je reçois actuellement cinquante requêtes de service par seconde de la part de Nau et de Brughel.

Pham se frotta les tempes et se mit à regarder dans le vague.

— Ouais, je vois ce que tu veux dire. D’accord. Où en est-on ? Le temp’…

— Chez Benny, les caméras montrent des tas de gens perplexes. S’ils ont de la chance, ils vont rester là où ils sont.

Et les Subrécargues n’auront pas de raison de se venger sur eux après.

L’une des zombies – Bonsol – les interrompit avec le manque d’à-propos typique des Focalisés :

— Il y a des millions de gens en bas. Ils vont commencer à mourir dans quelques secondes.

Ce commentaire sembla désarçonner Pham pour de vrai. Même le nouveau Pham était un amateur quand il s’agissait des contacts avec les zombies.

— Ouais, dit-il plus à lui-même qu’à Silipan ou à la zombie. Mais, au moins, les Araignées ont une chance. Sans nos zombies, Ritser ne peut plus mettre la pression.

Bonsol ignora évidemment cette réponse et continua de pianoter sur ses touches.

Trinli se retourna brusquement vers Silipan.

— Écoute. Nau est à bord d’une navette qui se dirige sur le site L1-A. Il y a des stabilos électriques dans tout le secteur. Si on peut avoir deux ou trois zombies pour les mettre en batterie…

Trud sentait la colère monter en lui. Ce mystérieux Pham Trinli était quand même un imbécile.

— Que la peste t’emporte ! Tu ne sais même pas ce que c’est que la loyauté pour les Focalisés ! On a besoin de…

— Ritser ne peut pas augmenter la pression, coupa Bonsol, mais nous ne pouvons pas la réduire non plus. Curieux, non ! C’est l’impasse.

Son rire était presque inaudible.

Trud fit signe à Pham de se replier vers le plafond, hors de portée de ce commentaire zombie improvisé.

— Ils sont capables de continuer comme ça à perpète.

Mais Pham se retourna vers la zombie, lui accordant brusquement toute son attention.

— « C’est l’impasse », dit-il tranquillement. Que voulez-vous dire par là ?

— Impasse de mes deux, Pham ! Laisse tomber !

Mais Trinli leva la main pour lui imposer le silence. Ce geste suggérait l’assurance péremptoire d’un Premier Subrécargue… et les protestations de Silipan expirèrent sur ses lèvres. Au fond de lui, la peur ne cessa de grandir. Il n’y aurait pas de miracle. S’il y avait eu la moindre chance d’éloigner Tomas Nau de L1-A, elle s’effritait au fil des secondes. Et Silipan savait ce qu’il y avait en L1-A. Mais oui. Par-delà toutes les subtilités de l’automatisation, L1-A rendrait au Subrécargue son pouvoir absolu. L’horloge dans le coin de son champ de vision égrenait implacablement les secondes qui lui restaient à vivre. Et, bien sûr, la zombie ne prêtait aucune attention à Pham, et encore moins à sa question.