Выбрать главу

— On dirait nos lasers de combat, mais…

Jau balaya d’un coup d’œil les listages. Le tableau des armements était normal. La puissance du noyau avait chuté en dents de scie comme pour une charge de capaciteurs… mais elle redevenait stable, elle aussi.

— Mes pilotes ne signalent aucun tir, monsieur.

Pfft. Pfft. Ils avaient survolé les grandes villes, et, filant vers le nord, entraient dans la zone arctique, au-dessus de lumières minuscules dispersées sur une immensité de terres sombres et gelées. Là, il n’y avait rien, mais derrière eux… Pfft ! Trois pâles faisceaux lumineux flous et divergents éclairaient le ciel – l’aspect classique de lasers de combat dans la haute atmosphère.

— Phuong ! Qu’est-ce qui se passe en bas, bordel ?

— Rien, monsieur ! Je veux dire…

Ils entendirent Phuong se déplacer au milieu de ses zombies.

— Euh… les zombies travaillent sur des listes d’objectifs valides fournies par L1.

— Alors, ils sont complètement déphasés par rapport à la liste que j’ai, moi. Réveillez-vous, mon vieux !

Brughel coupa la communication et se retourna vers son gestionnaire des pilotes. Le visage habituellement blafard du Vice-Subrécargue était rouge de colère.

— Liquidez ces zombies de merde et prenez-en d’autres ! C’est quoi, votre problème ? dit-il à Jau avec un regard féroce.

— Je… rien, peut-être, mais on nous illumine d’en bas.

— Hein ?

Brughel scruta l’affichage de la télédétection.

— Ouais. Des radars au sol. Mais ça se produit plusieurs fois à chaque orbite… oh !

Xin hocha la tête.

— Ce contact dure depuis quinze secondes. On dirait qu’ils nous suivent.

— C’est impossible. Nous possédons les réseaux des Araignées.

Brughel se mordit la lèvre.

— À moins que Phuong ait complètement salopé les télécoms avec L1.

Le marqueur du radar disparut un instant… puis réapparut, plus brillant, concentré.

— C’est un radar de pointage !

Brughel sursauta comme si l’image s’était transformée en un serpent agressif.

— Xin, prenez les commandes. Allumez le réacteur principal si nécessaire. Mais sortez-nous d’ici.

— Oui, monsieur.

Il n’y avait pas tellement de sites de missiles dans l’extrême-nord d’Arachnia. Et s’il y en avait, ils disposeraient d’ogives nucléaires. Il suffirait d’un seul impact pour paralyser la Main invisible. Jau allait mettre ses pilotes en service…

… lorsque le grondement des propulseurs auxiliaires remplit la passerelle.

— Je n’ai rien fait, monsieur !

Brughel avait Jau sous les yeux quand le bruit avait commencé. Il hocha la tête.

— Parlez à vos pilotes ! Reprenez le contrôle !

Bondissant de son siège à côté de Xin, il entraîna les gardes vers l’écoutille arrière.

— Phuong !

Jau martela frénétiquement son clavier, cria plusieurs fois les codes de commandes. Il vit des diagnostics dispersés, mais pas de réponses de ses pilotes. L’horizon s’était légèrement incliné. Échappant à son contrôle, les auxiliaires de la Main invisible marchaient à plein régime. Lentement, lentement, le vaisseau sembla revenir à une attitude de croisière normale, le nez vers le bas. Toujours pas de réponse des pilotes, mais… Jau remarqua la montée en puissance du noyau.

— Allumage réacteur principal, monsieur ! Impossible de l’arrêter !

Brughel et ses gardes se jetèrent sur les poignées de maintien. Les infrasons du réacteur étaient immédiatement reconnaissables, vibrant dans les os et les dents. Lentement, lentement, l’accélération augmenta. Cinquante millièmes de g. Cent. Des objets flottant librement se mirent à dériver de plus en plus vite vers l’arrière, culbutant sur eux-mêmes et rebondissant sur les obstacles. Trois cents millièmes de g. Un énorme poing plaqua doucement Jau contre le dossier de son siège. L’un des gardes s’était trouvé dans un espace libre dépourvu de poignées de maintien. Il passa devant lui – tomba devant lui – et s’écrasa sur la cloison arrière. Cinq cents millièmes de g, et ça continuait. Jau se tortilla dans son harnais et se retourna vers Brughel et les autres. Ils étaient plaqués contre le fond, piégés par l’accélération qui ne cessait d’augmenter…

Puis le bruit du réacteur diminua, et Jau flotta à nouveau sous ses sangles. Brughel rassemblait ses gardes et leur criait des instructions. En chemin, il avait perdu ses ATH.

— Rapport, monsieur Xin !

Jau scruta ses affichages. Le tableau des états était encore un fouillis incompréhensible. Il regarda dehors, vers l’avant de l’orbite de la Main. Le soleil s’était levé. Faiblement éclairé, l’océan gelé s’étendait jusqu’à l’horizon. Mais c’était secondaire. L’horizon lui-même avait subtilement changé. Pas vraiment un freinage de rentrée orthodoxe, mais on fera avec. Jau se passa la langue sur les lèvres.

— Monsieur, nous allons entrer dans l’atmosphère d’ici deux à trois cents secondes.

Un instant, une expression d’horreur passa sur le visage de Brughel.

— Vous nous ramenez en orbite, mon pote.

— Oui, monsieur.

Que pouvait-il dire d’autre ?

Brughel et ses nervis traversèrent la passerelle pour gagner l’écoutille arrière.

— Monsieur, dit la voix de Phuong. J’ai une communication audio avec L1.

— Passez-la nous, alors !

C’était une voix de femme : Trixia Bonsol.

— Nous saluons les humains à bord de la Main invisible. Ici le lieutenant Victory Lighthill, des Renseignements de l’Accord. J’ai pris le contrôle de votre engin spatial. Vous allez bientôt atterrir. Il pourra s’écouler quelque temps avant que nos forces arrivent sur les lieux. Ne résistez pas, je répète, ne résistez pas à ces forces.

Sur la passerelle, tous en restaient bouche bée, cloués sur place… mais Bonsol n’en dit pas plus. Brughel fut le premier à se ressaisir. Néanmoins, sa voix tremblait.

— Phuong. Coupez la liaison avec L1. Tous les protocoles dans toutes les couches.

— Monsieur, je… je ne le peux pas. Une fois activée, l’inter-connectivité…

— Mais si, vous le pouvez. Physiquement. Démolissez le matériel à coups de matraque, mais dé-con-nec-tez-vous !

— Monsieur, même sans les zombies locaux… je crois que L1 dispose de circuits de contournement.

— Ça, je m’en occupe. On arrive.

Le garde posté près de l’écoutille leva les yeux vers Brughel.

— Impossible d’ouvrir, monsieur.

— Phuong !

Pas de réponse.

Brughel sauta sur la paroi à côté de l’écoutille et se mit à cogner sur le levier d’ouverture manuelle. C’était comme s’il cognait sur du rocher. Il se retourna, et Jau vit que son visage était exsangue, d’une pâleur mortelle. Les yeux déments, le Vice-Subrécargue brandissait maintenant un pistolaser et regardait partout sur la passerelle comme pour chercher une cible. Il s’arrêta sur Jau. Le canon de l’arme se releva en tremblant.

— Monsieur, je crois que je suis arrivé à contacter un de mes pilotes.

Du pur mensonge, mais, sans ses ATH, Brughel n’avait aucun moyen de le vérifier.

— Ah bon ?

Le canon de l’arme s’abaissa d’un millimètre.