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Les problèmes furent résolus un par un. Ils étaient passés du génocide au commerce en moins d’un million de secondes. Depuis L1, la voix de Pham se réjouissait des progrès.

— Ces mecs marchandent comme des Négociants, pas comme des gouvernements.

— Nous leur faisons des tas de cadeaux, Pham. Depuis quand des Clients ont une présence sur site comme celle que nous allons accorder aux Araignées ?

La longue pause habituelle. Mais l’optimisme de Pham ne faiblissait pas.

— Même ça pourra être rentable, mon petit. Je parie que quelques-unes de ces Araignées voudront finalement devenir des partenaires.

Des Qeng Ho.

— Autre chose, poursuivit Pham. Tu termines les négociations sur les prisonniers de guerre, et nous pourrons récupérer Trixia. C’est ce que la faction Underville a promis à Lighthill.

La question des prisonniers était le dernier point à régler.

L’ultime jour des négociations débuta comme les autres. Zinmin et Ezr furent conduits dans ce que Zinmin appelait un « escalier en spirale ». En termes humains, c’était un puits vertical taillé à même le roc. Un incessant courant d’air chaud montait à leur rencontre. Le puits avait presque deux mètres de diamètre et les parois comportaient des rebords de cinq centimètres. Leurs gardes n’avaient aucun problème : soutenus de tous les côtés, ils pouvaient en s’étirant atteindre les rebords opposés. Dans leur descente, les Araignées tournaient lentement avec la spirale. Tous les dix mètres environ, il y avait un décrochement, un « palier » pour leur permettre de reprendre leur souffle. Ezr était reconnaissant à ses gardes d’avoir insisté pour qu’il porte un harnais muni d’une laisse, même s’il n’était pas entièrement rassuré.

— Ces escaliers sont faits uniquement pour nous intimider, pas vrai, Zinmin ?

Il avait posé la question lors d’autres escalades, mais Zinmin Broute n’avait pas daigné lui répondre.

Le traducteur Focalisé était encore moins à l’aise qu’Ezr sur les étroits rebords, surtout depuis qu’il essayait d’imiter le grand écart qui n’était justifié que pour les Araignées. Aujourd’hui, il répondit à la question :

— Oui… Non. C’est l’escalier principal qui descend au Profond royal. Très ancien. Traditionnel. Un honneur…

Il glissa, resta un instant suspendu au-dessus du gouffre, accroché à son harnais que le garde au-dessus d’eux tenait au bout de la laisse. Ezr se serra contre le mur humide et faillit être déséquilibré lui aussi lorsque Broute se remit sur ses pieds.

Ils atteignirent le dernier palier. Le plafond était bas même pour des Araignées, à peine plus d’un mètre. Entourés de leurs gardes, ils avancèrent tant bien que mal, pliés en deux, vers des portes très, très larges. Au-delà régnait une faible clarté bleue. La vision colorée des Araignées couvrait un spectre très étendu. On aurait pu s’attendre à ce qu’elles choisissent la lumière du spectre solaire. Or, assez souvent, elles préféraient de faibles niveaux d’éclairement, ou alors des couleurs invisibles à l’œil humain.

Un sifflement familier se fit entendre dans la pénombre devant eux.

— Entrez. Asseyez-vous, dit Zinmin Broute.

Mais c’était la pensée de l’Araignée tapie dans la salle. Ezr et Zinmin traversèrent les dalles de pierre pour gagner leurs « perchoirs ». Ezr voyait maintenant leur interlocutrice, une grosse femelle perchée légèrement plus haut. Son odeur était forte dans cet espace fermé.

— Général Underville, dit poliment Ezr.

La question des prisonniers de guerre aurait dû être simple comparée aux problèmes déjà résolus. Mais il remarqua que cette fois ils étaient seuls avec Underville. Ici, pas de liaisons télécom avec l’extérieur ; du moins, on ne leur en proposa pas. Ils étaient seuls, seuls dans les ténèbres, et le style de Zinmin Broute versa dans des tournures de phrase menaçantes. Menaçantes, certes, mais, du fond de l’enfance d’Ezr Vinh le Négociant, des intuitions remontèrent à la surface. C’était de l’intimidation délibérée. Underville avait promis à Lighthill que les traducteurs seraient libres après que les négociations sur le sort des prisonniers seraient terminées. Elle avait été battue à plate couture sur de nombreux points ; c’était la dernière occasion qu’elle avait de sauver la face.

Ezr ouvrit son paquetage et chaussa une paire d’ATH. D’après les Araignées, tous les humains à bord de la Main invisible avaient survécu à l’atterrissage forcé. Les débris du vaisseau interstellaire étaient répandus sur vingt mille mètres de banquise, et les compartiments occupés par l’équipage étaient pratiquement les seules parties intactes du véhicule spatial. C’était un miracle qu’il y ait eu des survivants, à mettre au compte des instructions données par Pham aux zombies pilotes. Une fois au sol, cependant, il y avait eu de nombreux morts. Contre toute attente raisonnable, Brughel et ses nervis avaient déclenché une fusillade contre les troupes des Araignées appelées sur les lieux. Les nervis avaient été tués jusqu’au dernier. Avec l’agilité d’un vrai Subrécargue, Brughel les avait abandonnés au dernier moment et avait tenté de se cacher au milieu des membres d’équipage survivants. Les Araignées affirmaient qu’il n’y avait pas eu de victimes après cette fusillade initiale.

— Vous pouvez récupérer les zombies, dit Underville via Zinmin. Nous savons qu’ils ne sont pas responsables et que certains d’entre eux ont rendu possible notre victoire.

Zinmin parlait d’une voix irritée.

— Ceux qui restent sont des criminels. Ils ont tué des centaines de personnes. Ils ont tenté d’en tuer des millions.

— Non, seule une petite minorité était coupable. Les autres ont résisté, ou alors, on leur a tout simplement menti sur les buts réels de l’opération.

Ezr passa en revue la liste des membres de l’équipage et expliqua le rôle respectif de chacun. Il y avait vingt malheureuses âmes en sommeil cryostatique. Les jouets que Ritser se réservait. Là au moins, il s’agissait manifestement de victimes, mais Underville ne voulait pas se dessaisir du matériel. Cas par cas, Ezr obtint d’Underville la permission de les libérer, à condition qu’elle puisse recourir à des spécialistes capables de lui expliquer le fonctionnement des épaves devenues la propriété de ses services. Finalement, ils arrivèrent aux cas les plus difficiles.

— Jau Xin. Gestionnaire des pilotes.

— Jau Xin, l’homme qui a appuyé sur le bouton ! s’écria la générale.

Ezr avait poussé l’amplification de ses ATH. Il y voyait un peu plus clair qu’au début. Pendant toute la conversation, Underville n’avait pratiquement pas bougé ; le seul mouvement était l’incessant ballet de ses mains nourricières. Une posture représentée par Zinmin comme une attitude vigilante, la tête en avant.

— Jau Xin est inculpé d’avoir déclenché les bombardements.

— Mon général, nous avons examiné les archives. Vos entretiens avec les pilotes Focalisés de Xin sont probablement encore plus exhaustifs. Pour nous, il est clair que Jau Xin a saboté une grande part de l’attaque des Émergents. Je connais Jau, madame. Je connais son épouse. Tous les deux sont bien disposés envers votre peuple.

Les analystes zombies, dont Trixia, pensaient que pareilles références familiales pourraient avoir un sens. Peut-être. Mais Belga Underville risquait plutôt d’être le type « intérêt national » classique.