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Ses mains nourricières s’agitèrent dans le vide et Trixia entendit un sifflement étouffé. Victory pleurait.

— J’espère seulement qu’elle en a parlé à Hrunkner. C’était l’ami le plus loyal que nous ayons jamais eu. Il nous aimait tout en pensant que nous étions une perversion. Mais ça, ma mère ne pouvait pas l’accepter. Elle exigeait trop de l’oncle Hrunk, et quand il s’est montré incapable de changer, elle…

Trixia passa le bras autour du dos de Viki. C’était le plus proche équivalent humain d’une étreinte multi-membres.

— Tu sais combien papa tenait à mettre Hrunk au courant de la contre-écoute. Cette fameuse dernière fois à Princeton, papa et moi avons bien cru que nous pourrions y arriver et que ma mère serait d’accord. Mais non. La générale a été… inflexible. À la fin… elle a quand même voulu que Hrunk l’accompagne dans son voyage à Pleinsud. Si elle lui faisait confiance à ce point, elle lui confierait sûrement le secret. Non ? Elle lui dirait que tout n’avait pas été inutile.

Épilogue

Sept ans plus tard

La planète des Araignées avait une lune ; l’agglomérat L1 avait été placé en orbite synchrone sur la longitude de Princeton. Comparée à celles de la plupart des mondes habités, c’était une compagne pitoyable, à peine visible du sol. À quarante mille kilomètres d’altitude, l’amas de diamants et de glace luisait faiblement sous la lumière des étoiles et du soleil. Il n’en rappelait pas moins à la moitié des habitants du monde que l’univers n’était pas ce qu’ils croyaient.

En avant et en arrière de l’agglomérat s’étirait un chapelet de minuscules étoiles qui augmentaient d’éclat chaque année : les temp’s et les usines des Araignées. Au début, c’étaient les structures les plus primitives qui aient jamais flotté dans l’espace, édifiées au moindre coût, surchargées de constructions et surpeuplées, hissées sur des ailes en cavorite. Mais les Araignées apprenaient vite et bien…

Il y avait déjà eu des dîners officiels dans le Grand Temp’ arachnien. Le Roi lui-même était monté en orbite pour le départ de l’escadre à Triland – quatre vaisseaux interstellaires, armés de neuf par les nouvelles industries capitalistes de son royaume et du monde entier. Et cette escadre ne transportait pas seulement des Qeng Ho, des Trilandiens et des ex-Émergents. Deux cents Araignées étaient à bord, dirigées par Djirlib Lighthill et Rachner Thract. Ces vaisseaux intégraient aussi les premières améliorations concrètes des ramjets et du matériel cryostatique. Plus important encore, ils acheminaient les clefs permettant de déchiffrer les connaissances codées préalablement transmises par-delà les années-lumière à Triland et à Canberra.

À l’occasion de ce départ, près de dix mille Araignées s’étaient rendues dans l’espace – le Roi sur l’un des premiers transbordeurs intégralement arachniens – et ce « dîner » avait duré plus de trois cents Ksec. Depuis lors, il y avait plus d’Araignées que d’humains dans le proche-espace d’Arachnia.

Pour Pham Nuwen, c’était normal. Les civilisations Clientes devaient dominer le territoire entourant leurs planètes. Pour les Qeng Ho, n’était-ce pas la fonction la plus importante des autochtones : fournir des ports d’accueil où les vaisseaux puissent être reconstruits et remis à neuf, représenter des marchés qui fassent du vagabondage interstellaire une activité lucrative ?

Pour ces deuxièmes adieux, le Grand Temp’ était presque aussi bondé que pour le Départ à Triland, mais le dîner lui-même était beaucoup plus modeste – entre dix et quinze convives. Pham savait qu’Ezr, Qiwi, Trixia et Viki s’étaient arrangés pour que les gens soient en nombre suffisamment restreint pour parler et se faire entendre. C’était peut-être la dernière fois que les protagonistes survivants pourraient se voir tous ensemble dans un même lieu.

La salle de bal du Grand Temp’ arachnien était une nouveauté absolue dans l’univers. Les Araignées étaient dans l’espace depuis deux cents Msec seulement, soit à peine sept de leurs années. Cet édifice était leur premier essai d’architecture de prestige en apesanteur. Elles ne pouvaient rivaliser avec l’ingénierie biologique des parcs Qeng Ho. En fait, la plupart des Araignées n’avaient pas encore compris que, pour des spationavigateurs, un parc vivant est le symbole le plus grandiose de la puissance et de la maîtrise de l’espace. Au lieu de quoi les ingénieurs du Roi avaient emprunté aux constructions inorganiques Qeng Ho et essayé d’adapter leurs propres traditions architecturales à l’apesanteur. Nul doute que dans un siècle ils trouveraient ridicule le résultat de leurs efforts. À moins que les erreurs deviennent partie intégrante de la tradition.

Le mur extérieur était une mosaïque de centaines de plaques transparentes maintenues sur une grille de titane. Certaines étaient en diamant, d’autres en quartz, d’autres encore étaient presque opaques aux yeux de Pham. Les Araignées préféraient encore les vues directes. Le papier vidéo et les technologies d’affichage humaines étaient loin d’atteindre la richesse spectrale de leur vision. La surface polyédrique s’incurvait vers l’extérieur pour former une bulle de cinquante mètres de diamètre. À sa base, les paysagistes araignées avaient édifié une éminence en terrasses qui s’étageaient jusqu’à la table du banquet au sommet. Pour des Araignées, la pente était douce, avec de larges gradins arrondis. Pour des yeux humains, le monticule était un pinacle escarpé et les marches d’étranges échelles surdimensionnées. Mais le résultat – pour les humains comme pour les Araignées – était que les convives pouvaient voir la moitié du ciel où qu’ils soient placés. Le Grand Temp’ était une structure en longueur, stabilisée pour présenter toujours la même face à la planète, et la salle de bal se trouvait à l’extrémité qui donnait sur Arachnia. Pour un observateur qui regardait juste au-dessus de lui, la planète des Araignées occupait une grande partie du ciel. Pour qui regardait sur le côté, l’agglomérat L1 et les temp’s humains constituaient un fouillis ordonné dont la longueur augmentait chaque année. Dans l’autre direction, on pouvait voir les Chantiers spatiaux royaux. À cette distance, les Chantiers étaient un amas de lumières anonyme où scintillaient de temps à autre de minuscules éclairs. Les Araignées fabriquaient les outils qui fabriqueraient d’autres outils. Dans un an ou deux, elles pourraient construire l’ossature de leur premier vaisseau ramjet.

Anne et Pham arrivèrent précisément à l’heure prévue. C’était peut-être un modeste banquet, mais leurs hôtes avaient exigé le respect du protocole. Ils flottèrent d’un degré à l’autre de l’éminence, reprenant çà et là contact avec les marches pour se guider vers la table circulaire au sommet. Leurs hôtes étaient déjà là – Trixia et Viki, Qiwi et Ezr, comme tous les autres invités, à la fois arachniens et humains. Anne et Pham, les invités de l’Adieu, furent les derniers à arriver.

Après que les convives se furent installés, des serveurs araignées sortirent de la base de l’éminence, porteurs d’un assortiment de plats araignées et humains. Les deux races pouvaient effectivement manger ensemble, même si chacune trouvait la nourriture de l’autre plutôt grotesque.