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Plus on approchait du carré magique où la reine Elizabeth II se trouvait, plus il fallait jouer des coudes. Pour obtenir des invitations aux innombrables soirées et cocktails qui allaient se succéder tout l’été, c’était un must d’être vu ici.

Gwyneth Robertson, Richard Spicer et Malko parvinrent enfin à se faufiler sous l’immense tente où régnait une chaleur tropicale. C’était celle des roses et chaque marque présentait son carré de créations.

Évidemment, cela sentait très bon.

Avec Richard Spicer comme sherpa, ils progressaient lentement mais sûrement. Le bruit des conversations était assourdissant. On se frôlait, on se souriait, on échangeait des regards. Malko croisa ceux, audacieux et directs, de plusieurs jeunes femmes qui, pour être bien nées, n’en appréciaient visiblement pas moins les hommes. Pour s’amuser, il effleura la croupe tendue de soie bleue d’une jeune blonde qui venait de lui expédier un regard à foudroyer un cobra. Loin de s’en offusquer, elle se retourna avec un sourire carnassier et braqua ses yeux bleu porcelaine sur lui, demandant avec un merveilleux accent « oxbridge[9] ».

— Dont we know each other[10] ?

Malko n’eut pas le loisir de répondre. Richard Spicer l’entraînait fermement par le bras. Ce n’était pas le moment de batifoler. Espiègle, Gwyneth Robertson se pencha à l’oreille de Malko.

— Toutes ces salopes en fleur, à peine sorties de leur finishing school, ont leur culotte trempée dès qu’elles croisent un célibataire appétissant.

Elle s’y connaissait, sortant elle-même d’un de ces établissements. Une des raisons de son recrutement par la CIA.

Ils avaient enfin atteint le stand des roses Delbar, devant lequel était installé un bar de fortune où des maîtres d’hôtel en gants blancs abreuvaient de champagne les invités. Des cartons de Taittinger, entassés derrière eux, montraient la prévoyance des organisateurs. Gwyneth Robertson se faufila jusqu’au bar et revint avec deux flûtes, en tendant une à Malko.

— Cheese !

Richard Spicer se rapprocha.

— Vous voyez le moustachu collé à la brune en sari ? C’est Sir Anwar Berbez. Le milliardaire pakistanais.

Avec ses traits lourds, son nez puissant et la graisse qui l’entourait d’une couche protectrice, Sir Anwar Berbez ressemblait bien à un Pakistanais, mais pas à un lord… Deux grosses bagues s’enfonçaient dans ses doigts boudinés et son regard torve se posait sur les femmes présentes avec une expression gourmande. Il s’arrêta sur Gwyneth Robertson, qui lui lança aussitôt un sourire radieux. Le Pakistanais s’illumina comme un feu de Bengale, et fendant aussitôt la foule des invités, vint s’incliner cérémonieusement devant la jeune Britannique.

— Would you accept a glass of champaign[11] ? Gwyneth Robertson accentua son sourire et répondit sans hésiter :

— With great pleasure. May i introduce you to my friends, the prince Malko Linge and sir Richard Spicer[12].

Le Pakistanais lança sa grosse main boudinée en avant et s’inclina encore plus profondément.

— Very, very pleased, indeed. I am Sir Anwar Berbez. I live in Birmingham and I come to London only for very special occasions. Like today. I was born in Pakistan. In my country, we have very beautiful roses. That’s why i was happy to sponsorise part of this exhibition[13].

Dans son sillage, ils gagnèrent le bar où un maître d’hôtel ouvrit cérémonieusement une bouteille de Taittinger Comtes de champagne Blanc de Blancs 1996 et remplit quatre flûtes.

Nouveaux toasts. Sir Anwar Berbez ne pouvait s’empêcher de loucher sur les pointes des seins très développés de Gwyneth Robertson, qui avait apparemment oublié de mettre un soutien-gorge. De toute évidence, Birmingham ne recelait pas de tels trésors…

Malko aperçut soudain une tâche rouge dans la foule. Une brune grande et élancée fendait la foule en direction de leur stand.

— Himmel, qu’elle est belle, dit-il, sans quitter des yeux l’inconnue en rouge qui n’était plus qu’à quelques mètres.

Sa robe au décolleté en V soulignait deux seins lourds, étranglait la taille fine, s’arrêtant au milieu des jambes minces et bronzées. Un petit sac Chanel et des sandales dorées à l’élégance discrète complétaient l’ensemble, incarnation de la gentry britannique. Pourtant, son visage n’avait rien d’anglais. On aurait dit une publicité pour le parfum Shalimar. Les cheveux aile de corbeau, les sourcils fournis, les longs cils recourbés mettant en valeur d’immenses yeux noirs, la sensualité de la bouche épaisse mais bien dessinée, tout respirait l’Orient et la femme en rouge, la sensualité. On s’attendait à ce qu’elle se mette à onduler pour une danse orientale. Malko en avait la bouche sèche. Le regard de l’inconnue passa sur lui, s’arrêta quelques fractions de seconde et s’immobilisa sur Sir Anwar Berbez en train de conter fleurette à Gwyneth Robertson.

— Anwar, my friend ! lança-t-elle d’une voix basse, ronronnante, qui aurait donné une érection à un mort.

Le corpulent Pakistanais leva les yeux, poussa un grognement comme un sanglier qui charge et abandonna instantanément Gwyneth Robertson, emprisonnant la longue main fine de l’inconnue dans les siennes, voracement, comme s’il voulait la dévorer.

— Darling ! You are so beautiful !

Il en fondait à vue d’œil. Gwyneth Robertson se rapprocha de Malko et, sans cesser de sourire, lui glissa discrètement :

— C’est elle, Aisha Mokhtar. Pretty woman, isn’t she[14] ?

La nouvelle venue était désormais de profil et Malko pouvait apprécier l’admirable cambrure de ses reins, soulignée par le tissu fluide de la robe.

— Very pretty, renchérit-il.

Ainsi, cette brune somptueuse était leur « cible », celle qu’il avait pour mission de « tamponner » pour le compte de la CIA ! La maîtresse d’un homme auquel les Américains s’intéressaient beaucoup depuis des années : Sultan Hafiz Mahmood. Sur qui la pourtant sexy Gwyneth Robertson, chargée de le séduire, s’était cassé les dents.

Depuis trois ans, la CIA avait tout essayé, sans succès, avant de décider de faire une dernière tentative, à travers une femme qui semblait tenir une grande place dans sa vie : Aisha Mokhtar.

Pour cette nouvelle manip, Malko avait le profil idéal. Aucun case officer de la CIA ou agent du MI6 britannique ne pouvait s’enorgueillir de titres authentiques comme les siens et de la possession d’un château historique, certes en mauvais état, mais remontant à plusieurs siècles. Sir Anwar Berbez aurait donné le quart de sa fortune pour un tel pedigree.

Ayant fini de sucer les doigts fuselés de la nouvelle venue, Sir Anwar Berbez se redressa de toute la hauteur de sa courte taille, et bouffi d’orgueil, annonça d’une voix de stentor :

— Je vous présente la plus belle femme du Pakistan, Aisha Mokhtar. Une amie très proche.

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9

Contraction d’Oxford et Cambridge.

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10

Est-ce que nous ne nous connaissons pas ?

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11

Prendrez-vous un peu de champagne ?

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12

Avec plaisir. Puis-je vous présenter mes amis, le prince Malko Linge et monsieur Richard Spicer.

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13

Enchanté. Je suis Sir Anwar Berbez. Je vis à Birmingham et ne viens à Londres qu’exceptionnellement. Comme aujourd’hui. Je suis né au Pakistan et dans mon pays, nous avons des roses magnifiques. C’est pourquoi je sponsorise une partie de cette exposition.

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14

Jolie femme, n’est-ce pas ?