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John Gilmore sentit son pouls exploser et lança :

— My God ! Envoyez du monde là-bas. J’arrive. Faites cerner la mosquée. Que personne n’en sorte. Faites l’impossible pour protéger cet homme. J’arrive.

Il sortit de son bureau en trombe et se rua dans la salle d’opérations. Le temps d’expliquer la situation à l’équipe de permanence, il rejoignait au garage du rez-de-chaussée une Rover bleue banalisée, équipée d’un gyrophare sur le toit. Elle jaillit de l’entrée sur Albert Embankment et fonça le long de la Tamise, sirène hurlante, à plus de cent vingt à l’heure. À côté du chauffeur, John Gilmore, son portable collé à l’oreille, essayait de joindre le sous-marin du MI5. Il trépignait intérieurement. Green Street se trouvait à l’autre bout de Londres et, même en roulant comme un fou, il en avait pour une demi-heure de trajet au minimum. Pourvu que son informateur s’en sorte.

Il appela la branche antiterroriste de Scotland Yard qui coopérait souvent avec eux et demanda une intervention massive et immédiate sur la mosquée de Green Street. Eux disposaient d’unités spécialisées capables d’intervenir rapidement. Ensuite, tandis que le chauffeur du service avalait les rues de Londres à une allure d’enfer, il essaya de garder son sang-froid, se bénissant d’avoir pensé à organiser une protection à son client.

*

*   *

Lorsque Jonathan Hood pénétra dans le magasin de saris, il eut l’impression d’entrer dans une volière ! Une douzaine de clientes et de vendeuses, terrifiées, glapissaient dans plusieurs langues en se ruant vers la porte. Bousculé, il se retrouva pratiquement seul dans le magasin, à l’exception d’un groupe vociférant autour de la caisse, au fond. Il aperçut son client, réfugié derrière la caisse, utilisant comme bouclier la caissière pakistanaise en sari, qui se débattait en poussant des cris aigus. Un des barbus, dont le visage saignait, la saisit par son sari et la jeta à terre, laissant Chawkat Rauf sans défense, acculé au mur. Horrifié, Jonathan Hood vit le barbu brandir son énorme couteau de cuisine et le plonger dans le ventre du fugitif avec un hurlement de fou. Quand la lame fut enfoncée de près de vingt centimètres, le barbu, tenant le manche du couteau à deux mains, éventra sa victime sur près de trente centimètres. Chawkat Rauf s’effondra instantanément, le sang s’échappant à flots de son horrible blessure.

— Police ! hurla Jonathan Hood, qui ne s’était jamais trouvé face à une telle situation et n’osait pas se servir de son arme pour ne pas risquer de blesser la caissière.

Le barbu à la bouche en sang qui venait de poignarder Chawkat Rauf se retourna et, au lieu de lâcher son couteau, fonça sur le policier.

— Drop your knife[25] ! cria Jonathan Hood.

Au lieu d’obéir, le barbu, d’un seul élan, lui plongea son couteau dans l’aine. Le péritoine transpercé, l’artère fémorale coupée, Jonathan Hood sentit ses jambes se dérober sous lui et s’effondra sur le sol, sans avoir pu tirer un seul coup de feu. Derrière la caisse, les deux autres barbus s’acharnaient sur l’homme tombé à terre, le frappant à tour de rôle avec des couteaux plus petits, tout en vociférant des injures. L’un d’eux finit par lui trancher la gorge, ce qui était parfaitement inutile car son cœur avait cessé de battre. D’ailleurs, très peu de sang jaillit de cette nouvelle blessure.

— Allah o akbar[26] ! hurla le barbu qui venait de poignarder le policier.

Il se rua hors de la boutique, suivi très vite de ses deux acolytes. Debout à côté des deux cadavres, la caissière hurlait comme une sirène.

*

*   *

Grâce à leur écran vidéo relié au réseau des milliers de caméras fixes surveillant les rues de Londres, l’équipe du sous-marin en route pour Green Street suivait les événements, sachant qu’une task force de Scotland Yard était en route. Ils virent sur leur écran les trois hommes jaillir de la boutique de saris et remonter Green Street en courant en direction de la mosquée, sans même dissimuler leurs couteaux.

— Suspects going north, Green Street ! lança un des agents au dispatcher central du MI5.

Le hurlement d’une sirène se rapprochait. Le chauffeur du sous-marin vit dans son rétroviseur une Rover bleue, le toit surmonté d’un gyrophare, qui empruntait Green Street à toute vitesse, phares allumés. Elle les doubla, continua un peu et s’arrêta juste en face de la mosquée.

John Gilmore bondit de la Rover stoppée en travers de Green Street, bloquant un gros bus rouge. Aucun policier n’était encore autour de la mosquée mais des sirènes se rapprochaient : le Special Squad de l’antiterrorisme de Scotland Yard. Quelques minutes plus tard, trois fourgons déversèrent une vingtaine de policiers en tenue de combat, casqués et armés jusqu’aux dents, y compris de lance-grenades. Une femme en sari s’approcha d’eux et lança :

— Ils sont à l’intérieur, je les ai vus…

Les badauds commençaient à s’attrouper autour de la mosquée, contenus par les policiers. Toute circulation était interrompue dans Green Street. John Gillmore fonça vers le chef du Special Squad, exhiba sa carte du MI6 et ordonna :

— Cernez la mosquée. Que personne n’en sorte.

Une femme arriva en courant, hystérique, et s’accrocha au policier en uniforme.

— Il y a deux morts, dans la boutique, là-bas.

John Gilmore y courut, avec quatre policiers. Un groupe silencieux était massé devant la boutique de saris. Il se fraya un passage à travers les badauds et entra, butant presque dans un cadavre allongé au milieu d’une mare de sang, un pistolet automatique encore dans la main droite. Un Glock, donc c’était un agent du MI5, conclut John Gilmore.

Il découvrit le deuxième cadavre derrière la caisse, le cou lacéré, les vêtements inondés de sang, et reconnut Chawkat Rauf.

Il s’accroupit et tâta toutes ses poches, sans rien trouver. Après lui avoir fermé les yeux, il ressortit de la boutique et fonça vers la mosquée. Lui seul savait pourquoi Chawkat Rauf avait été assassiné. Il fallait coûte que coûte retrouver le caméscope. Le bouclage de la mosquée terminé, la circulation détournée, tout le quartier était en ébullition. Sur le trottoir d’en face, des militants islamistes commençaient à déployer des banderoles stigmatisant la répression…

— Où en êtes-vous ? demanda John Gilmore au chef du Special Squad.

— Nulle part, sir, ils sont retranchés à l’intérieur du bâtiment. Je dois demander des ordres pour attaquer, il s’agit d’un lieu de culte. C’est extrêmement sensible, sir…

John Gilmore le coupa d’une voix froide.

— Ces gens, à l’intérieur, sont susceptibles de détruire des preuves intéressant la Défense nationale. Faites des sommations, demandez-leur de sortir, et, s’ils refusent, pénétrez de force dans ce bâtiment. J’avertis le Home Office.

Quelques instants plus tard, la voix puissante d’un haut-parleur couvrit la rumeur de la foule, appelant les occupants de la mosquée à sortir. Sans aucun résultat. Le bâtiment semblait abandonné. Tout à coup, des flammes jaillirent d’une des fenêtres du rez-de-chaussée : ses occupants avaient mis le feu…

Quelques secondes plus tard, un bélier manié par les policiers de Scotland Yard défonça la porte de bois de la salle de prière et les hommes casqués se ruèrent à l’intérieur.

Revenu dans sa voiture, John Gilmore rendait compte au chef du MI6, Sir George Cornwell.

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25

Lâchez votre couteau !

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26

Dieu est grand !