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— En juillet, cela risque d’être très tard, répliqua Sultan Hafiz Mahmood. Tu sais…

La communication fut brusquement interrompue : le faisceau avait sauté du satellite… Aisha Mokhtar attendit quelques instants, regarda le petit tas d’or et d’émeraudes qui lui servait de montre, une Breitling Callistino offerte par un de ses gentlemen-farmers, et coupa son portable. La perspective d’une aventure au Savoy était nettement plus agréable qu’un voyage au Pakistan, où il faisait déjà 45 °C à l’ombre. Quant à la nouvelle maison de son amant, elle s’en moquait éperdument, n’ayant pas l’intention d’y vivre.

Chaury l’attendait, debout à côté de la Bentley, et lui ouvrit la portière. L’odeur du cuir était toujours aussi grisante, effaçant celle du tas d’ordures qui jouxtait jadis sa masure, au cours de son enfance pauvre en Inde. Tandis que la voiture quittait Belgrave Mews North, elle souleva légèrement la jupe de son tailleur et remonta son bas retenu par un porte-jarretelles mauve. Elle avait décidé de donner le choc de sa vie à son jeune lord, qui n’avait probablement vu de porte-jarretelles que dans les films X regardés en cachette dans sa chambre d’ado. Il en banderait encore mieux, et peut-être oserait-il la sodomiser…

On peut toujours rêver.

*

*   *

— Où êtes-vous ? demanda Richard Spicer.

Il venait de composer le numéro du portable de Malko, n’ayant pu le joindre au château de Liezen. Ce dernier fut étonné : jamais les gens de la CIA ne l’appelaient sur son portable.

— Sur la route, fit-il, quelque part en Autriche.

Il était d’excellente humeur et, tout en conduisant, caressait Alexandra, dont la jupe de cuir était relevée sur ses longues cuisses.

— Où, en Autriche ? insista l’Américain.

— Je me dirige vers la haute Autriche, précisa Malko, où je vais passer quelques jours dans le château d’un de mes amis. Vous êtes d’ailleurs cordialement invité. Il y aura de très jolies femmes, sans parler d’Alexandra que vous connaissez…

— Je pense que vous allez être obligé de changer vos plans, annonça froidement le chef de station de la CIA à Londres. J’ai besoin de vous d’urgence.

— C’est ennuyeux, fit Malko.

— Ce n’est pas ennuyeux, c’est grave, trancha l’Américain. Faites demi-tour et sautez dans le premier avion. Je vous attends ce soir au plus tard. Vous avez une chambre réservée au Lanesborough.

CHAPITRE IX

La lumière de la salle de projection du MI6 se ralluma et Sir George Cornwell, le patron du service, se tourna vers Malko.

Les Britanniques n’avaient pas voulu se défaire de la cassette numérique découverte dans le caméscope trouvé dans la mosquée de Green Street, et avaient demandé à Richard Spicer et à Malko, arrivé la veille au soir à Londres, de venir la visionner dans le building d’Albert Embankment. En sus de Sir George Cornwell, John Gilmore – le traitant de feu Chawkat Rauf – et Mike Lansdale – le spécialiste du nucléaire au MI6 – assistaient à la projection.

— On m’aurait projeté ce film sans explications, je n’y aurais sûrement pas vu une arme atomique, reconnut modestement Malko. Mais je ne suis pas un spécialiste…

Sir George Cornwell fit un signe de tête à Mark Lansdale qui prit la parole.

— Mes collaborateurs et moi-même avons étudié ces images à fond. Il ne peut pas y avoir de doute : il s’agit d’un engin à rapprochement. Il est composé d’un orthocylindre[31] de 160 mm sur 160 mm, d’une part, et d’un autre cylindre de 120 mm de diamètre sur 160 mm de longueur, en forme de rondin, ces deux pièces étant en uranium 235. Le poids de l’orthocylindre est d’environ 27 kilos et celui du « rondin » de 33 kilos. Ce dernier est serti dans la partie propulsive d’un obus de mortier de 120 mm. Les deux morceaux de l’engin sont réunis par une glissière en plastique de deux mètres environ, d’une épaisseur de quelques millimètres, qui s’emmanche à la fois dans le mortier et dans l’orthocylindre. Lequel est fermé par une plaque en butée qui arrête le projectile et comporte un contacteur qui déclenche le fonctionnement d’une source neutronique. Celle-ci, d’après les images, est un tube neutronique de prospection pétrolière muni de son alimentation électrique et de son dispositif de déclenchement. Ce matériel est utilisé pour la recherche pétrolière et il est facile de s’en procurer en Chine, sans contrôle. Le rapprochement s’effectue lorsque le « rondin » de 160 mm, projeté par la charge de l’obus de mortier, vient s’encastrer dans l’orthocylindre, créant alors une masse critique d’environ soixante kilos qui déclenche la fission nucléaire, activée par les neutrons dégagés simultanément. C’est un dispositif extrêmement simple et très sûr.

Mark Lansdale se tut, ravi de sa démonstration. Malko en était stupéfait. Comme devant les scientifiques qui reconstituent la composition d’un objet céleste à partir de calculs théoriques.

— Et cela peut marcher ? interrogea-t-il.

— À tous les coups, confirma Mark Lansdale. L’espèce de berceau que l’on voit ensuite dans le film est le confinement lourd, qui est disposé autour de l’orthocylindre. Il est en plomb ou en acier et son poids doit être d’environ 500 kilos. L’encombrement total de l’engin est de deux mètres de longueur et il pèse entre 700 et 800 kilos.

— Tout cela doit être difficile à fabriquer ? Mark Lansdale sourit dans sa barbe.

— Même pas ! Il suffit d’un creuset haute température, comme celui que l’on voit dans le film, et d’un four. L’uranium a une température de fusion d’environ 1 143°. L’orthocylindre creux et le projectile en uranium 235 sont réalisés brut de fonderie, avec une légère rectification de surface, pour que le projectile se meuve sans difficulté dans la glissière. Des fours et des creusets similaires sont disponibles sur le marché chinois à des prix peu élevés et celui-là peut avoir été acheté par des sociétés-écrans pakistanaises sans attirer l’attention. L’assemblage est tout à fait possible dans un local semblable à celui qui est filmé. Évidemment, il faut pouvoir disposer du combustible, l’uranium 235.

Tout cela était effrayant… Sir George Cornwell reprit la parole.

— Nous sommes donc édifiés sur la partie technique de ce projet. Je voulais avoir votre avis sur son aspect psychologique, car vous êtes une des très rares personnes à avoir rencontré Oussama Bin Laden[32]. Pensez-vous qu’il approuve un tel projet, susceptible de faire des centaines de milliers de morts ?

— Sans aucun doute, confirma aussitôt Malko. C’est un illuminé de l’islam radical, acharné à détruire les « ennemis de Dieu », c’est-à-dire tous les non-musulmans. En plus, il a été humilié de devoir fuir l’Afghanistan en octobre 2001, chassé par les Américains.

Sir George Cornwell sembla méditer quelques instants, puis se leva.

— Well. Allons discuter dans mon bureau.

La pièce, située au dernier étage, offrait, à travers de larges baies vitrées, une vue magnifique sur la Tamise. Ses murs tapissés de boiseries d’acajou clair lui donnaient une allure plus traditionnelle que les autres étages. Un portrait en couleur de Tony Blair était accroché sous celui de la reine Elizabeth II.

Le patron du MI6 avait un petit bar de laque noire et proposa des boissons. Malko accepta une vodka, Richard Spicer un Defender « 5 ans d’âge » et le Britannique se servit un gin.

Dès qu’ils furent installés dans de magnifiques canapés de cuir bordeaux, Sir George Cornwell se tourna vers Malko.

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31

Cylindre creux.

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32

Voir SAS n° 148, Bin Laden, la traque.