Officiellement, pour éviter les vols.
Lorsqu’il émergea à l’air libre, le soleil était presque sur l’horizon et c’était l’heure de la prière. Il déplia son vieux tapis de prière acheté à Kaboul, des années plus tôt, et se prosterna longuement en direction de La Mecque, au nord-est de Mogadiscio.
Priant Allah de toute son âme pour qu’il veille sur l’accomplissement de leur mission.
*
* *
Aisha Mokhtar, debout sur le trottoir, en face de la Bentley, tourna vers Malko un regard presque suppliant.
— Vous voulez bien que je reste avec vous ce soir ? J’ai peur dans ma maison, après ce que vous m’avez dit.
Malko essaya de la rassurer. Finalement, il l’avait emmenée dîner, pour ne pas la laisser seule.
— Je vais faire établir une surveillance discrète par le MI5. Et puis, nous sommes loin du Pakistan.
Ils avaient dîné au premier étage d’une brasserie bruyante de Chelsea, Pj’s, et la Pakistanaise avait bu presque une bouteille de vin sud-africain à 14°. Sa robe moulante beige, avec des bas assortis, accentuait son côté sexy, bien qu’elle soit à peine maquillée. Elle insista, se collant contre lui sans souci du chauffeur. Quand elle avait un problème, elle jouait immédiatement de son arme fatale : une sexualité flamboyante.
— Please, insista-t-elle. Et puis, je n’ai plus de champagne chez moi…
Son goût immodéré pour le champagne était sûrement ce qu’il y avait de plus authentique chez elle…
— Allons au Lanesborough, conclut Malko, lui ouvrant la porte de la Bentley verte.
Aisha Mokhtar avait vraiment peur, il le sentait, car elle ne lui avait pas tout dit. C’était à lui d’arriver à la confesser. À peine dans la Bentley, elle mit sa tête sur son épaule.
— Je suis contente de vous avoir rencontré ! soupira-t-elle, vous êtes si différent de tous ces godelureaux fortunés qui tournent autour de moi ! Et puis, vous me faites bien l’amour.
Dans la suite du Lanesborough, Malko commanda une bouteille de Taittinger Comtes de Champagne, qui fut livrée à une vitesse record. Aisha, allongée sur le lit, regardait distraitement la télé. Malko déboucha le champagne et lui en apporta.
— Vous imaginez les conséquences d’une attaque nucléaire sur New York ? demanda-t-il. Le président Bush serait obligé d’exercer des représailles.
— Contre qui ?
— Le Pakistan, puisque c’est le pays impliqué.
— Mon Dieu ! s’effraya la jeune femme, ma mère vit à Rawalpindi…
Malko vint s’allonger à côté d’elle. Il n’avait pas vraiment envie de faire l’amour, trop absorbé par ce qui se passait. La mise hors circuit de Sultan Hafiz Mahmood compliquait beaucoup les choses… Mais Aisha Mokhtar, après trois flûtes de champagne, manifesta clairement ses intentions. Apparemment, les bulles calmaient ses angoisses. Elle commença par défaire les boutons de la chemise de Malko puis se mit à agacer sa poitrine. Peu à peu, Malko s’anima. C’est lui qui descendit le Zip de la robe beige et débarrassa la jeune femme de son soutien-gorge. N’ayant conservé que ses bas et ses chaussures, à demi allongée sur lui, elle le prit dans sa bouche avec moins de férocité que d’habitude, s’interrompant pour le masser entre ses seins lourds, lui faisant provisoirement oublier la CIA et la menace nucléaire d’Al-Qaida. Tant et si bien que, chauffé à blanc, il interrompit son sacerdoce, brûlant de lui faire l’amour. D’elle-même, Aisha se mit à quatre pattes sur le couvre-lit, en femelle soumise. Malko s’enfonça dans son ventre d’un seul élan, jusqu’à la garde. Le miroir de l’armoire leur renvoyait l’image de leurs deux corps et Aisha, de profil, regardait avidement le membre entrer et sortir d’elle, poussant des petits cris de plus en plus rapprochés jusqu’à ce qu’elle tourne la tête et demande :
— Fuck my ass[43] !
Une onde exquise traversa l’épine dorsale de Malko. Il n’eut aucun mal à la violer, s’enfonçant dans ses reins de toute sa longueur. Aisha se mit à onduler sous lui, le suppliant de la prendre encore plus fort, se plaignant d’une douleur imaginaire. Ensuite, aplatie sur le lit, elle fit la morte tandis qu’il la prenait de plus en plus violemment. Elle jouit en même temps que lui avec un hurlement sauvage et ils restèrent fichés l’un dans l’autre, épuisés. Malko, apaisé, en profita pour lui murmurer à l’oreille, son sexe encore au fond de ses reins :
— Aisha, si vous savez quelque chose qui puisse nous aider, il faut le dire.
Elle ne répondit pas, simulant le sommeil, mais Malko était persuadé qu’elle avait entendu.
*
* *
C’est le téléphone qui arracha Malko au sommeil. Richard Spicer ne perdit pas de temps.
— Nous avons rendez-vous à dix heures au « 6 ». Avec Sir George Cornwell. Il y a du nouveau.
Aisha Mokhtar dormait, étalée sur le ventre, ses merveilleuses fesses offertes jusque dans son sommeil. Malko, écartant la tentation, fila sous la douche : il était neuf heures et demie. Lorsqu’il ressortit, la jeune femme avait ouvert les yeux.
— J’ai soif, dit-elle. Il reste du champagne ?
Malko désigna la bouteille de Taittinger, encore dans son seau de cristal.
— Oui, mais il ne doit plus être assez frais. Il faudrait demander de la glace.
— Ça ne fait rien, assura-t-elle.
Elle devait se brosser les dents au champagne.
— Où allez-vous ? demanda-t-elle.
— À un rendez-vous important, dit Malko, sans préciser.
Un taxi jaune l’emmena de l’autre côté de la Tamise, et il entra au MI6 par la porte latérale, traversant un garage où s’affairaient des mécaniciens portant des T-shirts marqués MI6. Un jeune Britannique rouquin l’attendait dans le hall et le précéda dans l’ascenseur qui ne fonctionnait qu’avec une carte magnétique. C’est Richard Spicer qui accueillit Malko sur le palier, le faisant entrer dans le bureau du dernier étage où se trouvaient déjà Sir George Cornwell et Mark Lansdale, le spécialiste du nucléaire. Les quatre hommes s’installèrent autour d’une élégante table basse en fer forgé.
— Le mobilier fourni ici est tellement affreux que j’ai dû prélever des meubles dans mon château, expliqua Sir George Cornwell.
— Les Pakistanais ont répondu, annonça Richard Spicer, plus terre à terre.
— Ils avouent ?
— Non. Ils nous ont fait parvenir un document extrêmement détaillé sur leurs stocks de matière fissile. Quelque chose qu’ils avaient toujours refusé de communiquer, par peur que l’Inde finisse par en avoir connaissance.
— Il s’agit, en effet, d’un état de la plus haute importance ; l’essentiel de la production d’uranium enrichi provient de l’usine de Kahuta, expliqua Sir George Cornwell. La capacité de cette usine, mise en service en 1997, est estimée par nous à cent vingt kilos d’uranium hautement enrichi par an. Jusque-là, nous n’avions pu obtenir des Pakistanais confirmation de ces chiffres. Or, dans ce document, ils les confirment, et même les affinent en reconnaissant qu’ils disposent aujourd’hui d’environ 2 600 kilos d’uranium 235. Le tiers de cet uranium a été utilisé pour des armes tactiques, des missiles sol-air ou des bombes équipant des Mirage IV et les F-16 que nous leur avons livrés. Quelques lance-missiles mobiles entrent dans ces chiffres. Le reste, d’après eux, se trouve stocké à Kahuta, sous forme de lingots. Or, ils assurent avoir compté tous ces lingots et il n’en manquerait aucun… Ils nous invitent d’ailleurs à venir sur place le vérifier, en recoupant les chiffres de production.