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Elle aurait même droit à une suite, après l’information qu’elle avait donnée. Malko passa discrètement par la réception où il se fit remettre la clef d’une suite. À peine dans la suite – le Dorchester savait vivre –, Aisha Mokhtar retrouva sa fougue. En un clin d’œil, elle prit Malko dans sa bouche jusqu’à ce qu’elle l’estime digne de la satisfaire. Ensuite, elle alla s’appuyer à un petit bureau, face à un miroir, debout, les jambes ouvertes, la jupe retroussée. Malko vit ses prunelles se dilater quand il s’enfonça directement dans ses reins, comme elle l’avait souhaité. Elle commença à jouir avant lui, le visage déformé par le plaisir.

*

*   *

Une nuée d’agents de l’ISI s’était ruée sur le Baloutchistan. Le seul élément exploitable dans la vie de Sultan Hafiz Mahmood, toujours aphasique, était l’étrange voyage qu’il avait récemment effectué dans cette province et durant lequel deux agents de l’ISI avaient trouvé la mort dans des circonstances étranges…

Le Nawar Jamil Al Bughti, apprenant que la police pakistanaise voulait l’interroger, s’était réfugié dans ses montagnes. Sans hésiter, l’armée pakistanaise était allée le déloger avec des hélicoptères de combat. La réunion de réconciliation avait eu lieu dans son fief, à côté de Quetta. Il avait reconnu avoir escorté un convoi de deux véhicules, protégé par un certain nombre d’Arabes, et décrit un chargement de deux mètres de long sur un mètre de haut, qu’il avait pris pour un chargement de drogue, chose courante dans la région.

Il avait quand même fourni un renseignement précieux en expliquant la mort des deux policiers assassinés par Sultan Hafiz Mahmood. Désormais, cette férocité s’expliquait. Et, information encore plus précieuse, il avait appris à l’ISI que le mystérieux chargement avait été embarqué à Gwadar, sur un petit boutre de vingt-cinq mètres dont il ignorait tout. Il se souvenait simplement de l’usage d’une grue.

Depuis, une vingtaine d’agents de l’ISI passaient Gwadar au peigne fin, cherchant à retrouver ce boutre. Ce qui n’était pas évident car les Baloutches n’étaient guère bavards.

À Islamabad, le général Bhatti était tenu au courant des recherches heure par heure, lui-même relancé non-stop par le président Musharraf. Même si la responsabilité directe du Pakistan n’était plus engagée, les relations avec les États-Unis allaient se tendre…

Un des cinq téléphones du général sonna. La communication était de mauvaise qualité, en provenance du Baloutchistan. Il dut raccrocher et rappeler son correspondant, un major de l’ISI. Celui-ci ne tenait plus en place.

— Général Sahib, annonça-t-il, je crois que j’ai retrouvé le bateau. Pour l’instant, il se trouve entre Dubaï et l’Iran, mais j’ai interrogé un membre de l’équipage qui se souvient de cette cargaison. Eux aussi pensaient qu’il s’agissait de drogue ou d’armes.

— Pourquoi d’armes ?

— Parce que ce boutre allait à Mogadiscio, en Somalie. Là-bas, ils paient les armes très cher.

*

*   *

Les cartes sous les yeux, le capitaine Lankavi scrutait l’océan avec ses jumelles. D’après ses calculs, il devrait bientôt voir apparaître vers l’ouest le sistership du Salinthip Naree. Lui avait scrupuleusement observé la vitesse prévue : onze nœuds et demi. Pas de vent, pas de tempête. Le second vraquier avait une route moins longue à parcourir, donc moins de risque de retard, sauf avarie, évidemment…

Son second, lui aussi, parcourait l’horizon, observant également le ciel. Il y avait peu d’avions patrouilleurs, mais il suffisait d’un, au mauvais moment. Il était six heures et il y avait encore deux heures de jour.

— Je crois que le voilà ! annonça le second.

Il désignait un point, loin à l’ouest, dans le soleil couchant. Le capitaine Lankavi mit longtemps à le repérer : c’était bien un navire qui faisait route dans leur direction. Trop loin encore pour qu’on l’identifie avec certitude…

— Machines à fond, ordonna-t-il.

Les deux hommes attendirent en silence. L’équipage ne se doutait de rien. Il fallut attendre plus de vingt minutes pour qu’ils reconnaissent la silhouette de leur sistership, L’Anodad Naree. La jonction était faite. Tous les papiers étaient prêts, il ne restait que les travaux de peinture qui seraient effectués dès la nuit tombée, à l’aide de passerelles suspendues le long de la coque.

— Préparez une chaloupe ! ordonna le capitaine Lankavi.

Il fallait que l’échange dure le moins longtemps possible : c’était le moment le plus risqué. Heureusement, le ciel et la mer étaient toujours vides.

— Stoppez les machines !

Le cargo courut sur son erre, tandis qu’on descendait la chaloupe équipée d’un puissant moteur. Le capitaine Lankavi y prit place avec un marin à la barre et fonça vers l’autre cargo qui avait également stoppé, à un demi-mille. La mer était un peu moins mauvaise, mais bougeait encore pas mal. Quand il s’approcha de l’autre vraquier, cela fit un drôle d’effet au capitaine Lankavi de voir sur la poupe le nom de son navire. Une échelle pendait le long de la coque. Plusieurs hommes se trouvaient sur le pont.

Le capitaine Lankavi grimpa l’échelle et atteignit le pont, où il se jeta dans les bras de Yassin Abdul Rahman. Les deux hommes s’étreignirent plusieurs secondes, puis, sans un mot, échangèrent leur sacoche de documents. Déjà, cinq hommes descendaient l’échelle pour changer de navire, tous armés de Kalachnikov.

Nouvelle étreinte, puis le capitaine Lankavi à son tour descendit l’échelle et la chaloupe s’éloigna du faux Salinthip Naree. Une dernière fois, il agita les bras en direction des hommes qui se massaient derrière le bastingage. Sa gorge était nouée de fierté. Déjà, le cargo remettait en marche. Une dernière fois, il vit son nom à la poupe et sur son flanc. Pendant très peu de temps encore, les deux navires portant le même nom allaient naviguer dans l’océan Indien… Mais il ferait nuit dans une heure.

Lorsqu’il remonta sur son navire, le capitaine Lankavi regarda une dernière fois l’autre vraquier qui n’était déjà plus qu’un point s’éloignant vers le nord. Puis, il gagna la dunette et annonça au second :

— Machines en avant. Cap 192°. Vitesse 12 nœuds.

Il réunit ensuite l’équipe qui venait d’embarquer, leur désignant les passerelles qu’on allait descendre le long de la coque. Lorsque le soleil se lèverait, la Salinthip Naree serait devenu L’Anodad Naree, en route pour Gaddani afin d’y être démantelé. Le faux Salinthip Naree, lui, continuait vers le nord, en direction de la mer Rouge et du canal de Suez. Pour son dernier voyage.

CHAPITRE XVII

— Mogadiscio ! Ces malades sont partis pour Mogadiscio !

Richard Spicer semblait extrêmement perturbé par la nouvelle. Convoqué à l’ambassade des États-Unis, Malko avait trouvé le chef de station plongé dans un état proche de l’hystérie. Le message de l’ISI était arrivé au MI6 vers deux heures et demie du matin, immédiatement relayé à la CIA et à tous ceux qui pouvaient être concernés. Nulle part il n’était fait mention d’une arme nucléaire, mais seulement d’un chargement hautement suspect, susceptible de mettre en danger un grand nombre de personnes…

Malko, lui aussi, était étonné. Depuis des années, la Somalie, partagée entre des milices rivales qui faisaient régner la terreur dans le pays, n’existait plus en tant qu’État. Plus aucune présence occidentale depuis la piteuse expédition américaine de 1993. Aucune compagnie aérienne normale ne desservait le pays, uniquement équipé d’aéroports de fortune, et les circuits commerciaux réduits à leur plus simple expression étaient totalement « sauvages ». Les différents chefs de guerre qui se partageaient le pays étaient pour la plupart des islamistes radicaux et tous haïssaient les États-Unis. Il existait bien un gouvernement légal, mais il siégeait à Nairobi, au Kenya. La seule fois où il avait voulu s’installer à Mogadiscio, il y avait eu cent morts… Depuis, le président Abdullahi Youssouf Ahmed, proaméricain et anti-islamiste, s’était retranché dans son fief du Puntland, à environ 200 kilomètres au nord de Mogadiscio. Laquelle était devenue une cité à la Mad Max, au bord de la mer Rouge. À plusieurs reprises dans le passé, les Américains basés à Djibouti avaient repéré de multiples trafics d’armes liés à ce qui restait de la Somalie. La CIA considérait le pays comme une base arrière d’Al-Qaida, abritant un groupe islamiste radical, Al-Ittihad Al-Islamiyya, très actif.