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— O.K., je vais essayer, promit Omar, pas rassuré ; mais il va demander de l’argent.

— Ce n’est pas un problème…

À son tour, Malko monta prendre une douche, pressé de se laver du mélange de peur et de poussière qui le rendait poisseux.

Le faux Salinthip Naree remontait la mer Rouge en direction du canal de Suez. Encore deux jours de mer, et il traverserait les 163 kilomètres du canal, ce qui prenait à peine une journée, pour se retrouver en Méditerranée, l’ultime partie de son voyage. De Port Saïd, à l’extrême-nord du canal, à Haifa, il n’y avait que vingt-quatre heures de mer. Le passage du canal ne posait pas de problème. Les autorités égyptiennes, dans leur cas – un cargo appartenant à une compagnie connue d’un pays comme la Thaïlande –, vérifiaient simplement le manifeste de la cargaison, et un pilote égyptien monterait à bord, comme sur tous les autres navires.

La traversée commençait très tôt, vers six heures du matin, et durait entre douze et quinze heures. Ce qui les ferait arriver en Méditerranée en fin de journée. Yassin Abdul Rahman passait le plus clair de son temps dans sa minuscule cabine, ne montant sur le pont que pour ses cinq prières quotidiennes. Il se nourrissait d’un peu de riz, de dattes et de soda. Lorsque l’équipage taisait cuire un poulet, il en prenait un morceau. Son exaltation intérieure grandissait et souvent il serrait, au fond de la poche de sa djellaba, le téléphone portable qui allait servir à déclencher l’explosion. Comptant les heures, il ne pensait même pas à la mort, sinon à celle de ses ennemis. Ils allaient être littéralement désintégrés, réduits en poussière, ou mourraient dans d’atroces souffrances, des semaines ou des mois plus tard.

Parfois, il avait une pensée empreinte de tristesse pour les Arabes de nationalité israélienne qui, eux aussi, seraient victimes de l’explosion nucléaire, comme les voisins libanais, jordaniens ou syriens, si le vent emmenait les particules radioactives jusqu’à leur territoire. Plusieurs autorités religieuses avaient tranché le dilemme : un musulman, s’il réside dans un pays qui fait la guerre à l’islam, doit déménager.

Il regarda vers l’est. La côte saoudienne ne se trouvait qu’à 150 kilomètres environ, mais une brume de chaleur empêchait de la distinguer. Sa pensée alla vers les princes corrompus qui dirigeaient ce pays. Que ce premier avertissement leur serve de leçon. Ils ne survivraient pas longtemps à la colère de Dieu…

Gui Hasan, un des Pakistanais recrutés par Sultan Hafiz Mahmood, émergea des profondeurs du navire, regardant l’horizon Pour cet ancien poseur de briques misérable, islamiste converti, qui avait rejoint le groupe extrémiste Lashkar-e-Jhangvi afin de poser des bombes, c’était un voyage de rêve. Il avait pu laisser 100 000 roupies à sa famille, offertes par Al-Qaida, et se préparait à mourir en martyr sur la terre volée par les Juifs haïs. On lui avait dit que l’équipage allait attaquer Haifa et tuer le plus possible de Juifs, avant d’être abattu. Personne ne lui avait parlé de la bombe…

Lui et ses amis, en réalité, faisaient de la figuration parce qu’il fallait pouvoir présenter un équipage lors d’un contrôle. En cas de problème, lors de l’échange des papiers entre les deux navires, ils auraient pu être utiles, mais tout s’était bien passé…

Les autres, les membres d’Al-Qaida venus avec Yassin Abdul Rahman, des Saoudiens, des Égyptiens et un Jordanien, savaient ce qui allait se passer. C’est eux qui avaient veillé sur l’assemblage de la bombe.

Eux non plus n’avaient aucun état d’âme.

Ils croisèrent un pétrolier à vide qui redescendait vers le golfe Persique. Avec sa nouvelle peinture, l’Anodad Naree ressemblait comme un jumeau à son sistership, le véritable Salinthip Naree, qui devait déjà être en train de se faire découper à Gaddani.

Mais les Israéliens n’y verraient que du feu. Ils allaient contrôler un navire attendu, en provenance d’un port sûr – Bangkok –, qui de surcroît avait déjà été contrôlé durant sa traversée de l’océan Indien.

Il restait quatre jours avant ce moment merveilleux ou le Salinthip Naree se transformerait en une énorme boule de feu. Tuant, pour la plus grande gloire d’Allah, des dizaines de milliers d’ennemis de Dieu.

*

*   *

Richard Spicer pénétra dans le bureau de Sir George Cornwell et lui serra vigoureusement la main.

— Des nouvelles de Malko ? demanda-t-il. Le Britannique secoua négativement la tête.

— Pas encore. Il est bien arrivé à Mogadiscio, mais nous n’avons pas de liaison directe avec lui. Il faut attendre. Et vous ?

— Juste une information transmise par la Navy. Je l’ai retenue parce qu’elle concerne un navire contrôlé dans l’océan Indien en provenance de Massaoua, en Éthiopie.

— De Massaoua ?

— Oui, il s’agit d’un vraquier en route pour le port de Gaddani, près de Karachi, où il y a un important chantier de démolition. L’Anodad Naree, appartenant à un armateur maltais. On nous a transmis tout son dossier. Il a fait du cabotage entre différents ports normaux, le dernier étant Massaoua. Comme ce port se trouve dans la zone que nous surveillons particulièrement, on m’a transmis le dossier. De toute façon, il se dirigeait vers le sud-ouest. Vérifiez à Malte, si vous le pouvez, c’est votre zone. Sinon, nous continuons à envoyer des drones sur la Somalie, sans résultat. Toutes nos unités de la Ve Flotte ont été hautement sensibilisées. C’est tout ce que l’on peut faire. Sir George Cornwell soupira.

— J’ai l’impression d’être assis sur un volcan.

— Si Malko ne revient pas avec du concret, nous sommes très mal.

*

*   *

Omar se glissa comme une ombre dans le minuscule lobby de l’hôtel Shamo et annonça de sa voix imperceptible :

— Musa Sude accepte de vous recevoir. Aujourd’hui, dans une de ses propriétés. Il vous envoie un technical avec des miliciens et je vous accompagnerai pour faire l’interprète.

— Il sait pourquoi je veux le voir ?

— Non.

Cela valait peut-être mieux…

— Il faudra l’appeler Monsieur le Ministre, précisa Omar.

— Pourquoi ?

— Il veut être ministre dans le gouvernement de Abdullahi Youssouf Ahmed. Ministre du Commerce. Maintenant qu’il a gagné beaucoup d’argent, il veut en profiter, voyager… Avec un passeport somalien, aujourd’hui, on ne peut aller nulle part, tout juste au Kenya.

Musa Sude avait besoin de respectabilité. Un argument à utiliser. Omar continua :

— Mohammed Kanyaré voudrait 20 000 dollars pour avoir organisé ce rendez-vous et votre sécurité. Il a obtenu la garantie que vous ne serez pas retenu de force chez Musa Sude… C’est un prix raisonnable.

— Tout à fait ! approuva Malko, mais je n’ai pas cet argent avec moi.

— Si vous le mettez sur son compte à Nairobi, ce sera parfait, assura le Somalien, mais il faudra le faire, sinon il me tuera…

Comme la vie était simple dans ce pays ! Pas d’huissiers, pas de contentieux, pas de lettres recommandées. La parole suffisait, mais elle valait de l’or ou du sang, c’est selon… Malko n’avait pas envie de provoquer la mort du gentil Omar qui avait dû assassiner un peu, à ses moments perdus… Son culte de Bin Laden en disait long sur ses véritables opinions à l’égard des Américains, et de l’Occident en général.

Ils burent leur café à la cardamone en silence, puis Malko demanda :