Выбрать главу

*

*   *

Malko fut collé à son siège par le décollage du Learjet qui montait à un angle de près de 30° dans le ciel bleu cobalt de Djibouti. Il était un peu plus de midi. Le plan de vol prévoyait une escale technique au Caire, afin de refaire le plein après un vol de près de 2 500 kilomètres. Ensuite, le Learjet repartirait pour survoler la Méditerranée à la sortie de Port-Saïd. Son plan de vol serait communiqué au fur et à mesure aux autorités de la zone.

Aisha Mokhtar s’était assoupie tout de suite après le décollage et Malko regardait défiler le désert en dessous de lui. En ce moment, beaucoup de gens retenaient leur souffle. À Londres, à Washington, en Israël. Personne n’avait encore été confronté à ce genre de problème. La moindre fausse manœuvre pouvait déclencher une catastrophe sans nom.

Avant le décollage, il avait eu une brève conversation avec Richard Spicer. Ce dernier lui avait confirmé qu’un plan définitif n’avait pas encore été arrêté. En ce moment, le Salinthip Naree se trouvait encore dans le canal du Suez. Malko tournait et retournait dans sa tête les données du problème. Un arraisonnement était hors de question. Un abordage par surprise était techniquement impossible. Bien que ne filant que 12 nœuds à l’heure, le Salinthip Naree ne pouvait être pris d’assaut que par une opération héliportée qui laisserait trop de temps aux fous de Dieu pour réagir. On avait évidemment affaire à un commando suicide, impossible à intimider. Il ne restait que l’effet de surprise. Mais comment ? Il restait peu de temps : dès qu’il entrerait dans la zone contrôlée par les Israéliens, ceux-ci n’hésiteraient pas une seconde à l’attaquer, quels que soient les dégâts collatéraux. Et on ne pouvait pas les blâmer…

Sans s’en rendre compte, il s’assoupit. Pour se réveiller en sursaut, secoué doucement par le chef de cabine.

— Sir, nous allons nous poser au Caire.

Il aperçut, sur la gauche, les pyramides. Un quart d’heure plus tard, le Learjet se posait sur l’aéroport militaire du Caire, pour être immédiatement ravitaillé. Pendant l’escale, le chef de bord vint vers Malko.

— Sir, il y a une communication sur le canal 3.

Le Learjet, souvent utilisé par la CIA pour des missions secrètes, disposait d’un équipement de communication sophistiqué. Le canal 3 était sécurisé. Malko prit les écouteurs et reconnut la voix de Richard Spicer.

— La Maison Blanche a donné l’ordre de couler le Salinthip Naree dès sa sortie du canal de Suez, annonça l’Américain. Deux de nos sous-marins se dirigent vers la zone. Un sous-marin israélien s’y trouve déjà. Nos sous-marins ont ordre de tirer chacun une salve de deux torpilles ayant chacune une charge de 300 kilos d’explosif super-brisant. L’état-major de la Navy, qui s’est fait communiquer les plans du Salinthip Naree, afin de frapper à coup sûr, estime que le vraquier coulera instantanément. Sans que l’équipage puisse réagir.

— Il ne faut pas longtemps pour appuyer sur le déclencheur d’un détonateur, remarqua Malko.

— Il n’y a pas d’autre solution, souligna Richard Spicer. En ce moment, le Salinthip Naree, surveillé par un drone, arrive à Port-Saïd. Nous attendrons qu’il se soit éloigné des côtes égyptiennes pour frapper. Vous voulez toujours venir ?

— Plus que jamais, confirma Malko.

— Et votre amie ?

— Je le pense aussi.

— Well, dans ce cas, le pilote va redécoller, le plein fait, et rester en liaison avec nous. Je vous souhaite bonne chance.

CHAPITRE XXIII

Le Learjet survolait la Méditerranée depuis une heure, tournant en cercles concentriques au large des côtes égyptiennes. Il avait finalement attendu deux heures au Caire pour laisser le temps au Salinthip Naree d’entrer en Méditerranée. Le copilote s’approcha de Malko :

— Sir, voulez-vous venir dans le cockpit ?

Malko le suivit et s’installa à sa place. L’aviateur lui désigna un point sur leur droite. Ils volaient à environ 6 000 pieds et la visibilité était parfaite.

— Sir, dit-il, voici le Salinthip Naree. Il se trouve à environ 130 milles nautiques de Haifa et à 80 milles de la ligne de sécurité israélienne, soit environ six heures de navigation. Nous allons le dépasser et revenir sur nos pas.

Malko colla son visage au hublot, suivant des yeux le vraquier qui semblait se traîner sur la Méditerranée. D’en haut, le Salinthip Naree semblait bien innocent.

*

*   *

Yassin Abdul Rahman avait déplié son tapis de prière à l’avant du long cargo et, prosterné vers La Mecque, priait de toutes ses forces. Il éprouvait une sorte de vertige, de sensation irréelle, comme s’il était déjà mort, mais aucune crainte, aucune appréhension. Quelques mètres plus bas, dans les entrailles du Salinthip Naree, ses compagnons priaient aussi. Il n’avait pas voulu qu’ils montent sur le pont, au cas où un avion d’observation les aurait survolés.

Il se releva, roula soigneusement son tapis de prière, qui pourtant, dans quelques heures, ne serait plus que poussière et, penché au-dessus du bastingage, contempla l’écume blanche de part et d’autre de l’étrave. Rendant grâce à Sultan Hafiz Mahmood qui avait eu l’idée de cette vengeance géniale et avait aidé à la réaliser. Hélas, dans l’état où il se trouvait, il ne saurait jamais que son plan avait réussi. Yassin Abdul Rahman plissa les yeux, cherchant, à travers la brume de chaleur, à apercevoir la côte israélienne. Pour la dernière étape – le contrôle de la marine israélienne –, il se dissimulerait dans le cargo. Inutile d’alerter ses ennemis.

Il lui sembla apercevoir la côte sur sa droite, mais impossible de dire si c’était encore l’Égypte, ou déjà Israël.

*

*   *

Le cabinet restreint d’Ariel Sharon siégeait sans discontinuer depuis l’avertissement des Américains. Aux principaux ministres étaient venus s’ajouter les responsables des différents services de renseignements : Shin Beth, Mossad, Aman, plus les experts en nucléaire et le général commandant l’armée de l’air, ainsi que l’amiral patron de la marine israélienne. Les mesures préventives avaient été mises en œuvre à 100 %. Toutes les unités disponibles croisaient devant les côtes israéliennes. Des avions patrouilleurs sillonnaient le ciel au-dessus de la Méditerranée. Une ligne directe spéciale avait été établie avec le commandement de la VIe Flotte US qui transmettait en temps réel les dernières informations.

Le major Rabinovitch raccrocha et lança d’une voix calme :

— Le Salinthip Naree est sorti du canal de Suez depuis deux heures trente. Il file à 13 nœuds, cap sur Haifa. Il est suivi, seconde par seconde, par les Américains. Les Égyptiens ne sont au courant de rien.

— Quand arrivera-t-il à 80 milles de nos côtes ? demanda Ariel Sharon.

— Dans six heures environ, répondit le chef d’état-major de la marine.

— Avez-vous les moyens de le détruire ?

— Un de nos sous-marins le suit et un autre fait route dans sa direction. Nos F-16 peuvent le frapper dans un délai d’une demi-heure.