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La terreur s’installe partout, sans encore être proclamée.

Elle naît de l’angoisse que suscite la situation dramatique de la nation.

La famine est de nouveau menaçante.

Les Enragés dénoncent les « accapareurs, les gros marchands, les propriétaires, les agioteurs, la horde barbare des égoïstes et des fripons ».

Il faut traquer les suspects :

« Je t’exhorte à scruter les fortunes individuelles, dit Jacques Roux. Ceux qui se sont enrichis depuis la Révolution, à une époque où tous les bons citoyens ont fait tant de sacrifices, où ils se sont ruinés, ceux-ci sont à coup sûr des égoïstes, des fripons, des contre-révolutionnaires. »

Et ces dénonciations visent Danton. N’a-t-il pas amassé une fortune qui lui a permis de « doter » sa nouvelle épouse, Louise Gély, de près de quatorze millions ?

Et n’est-il pas, lui, le corrompu, l’un de ces comploteurs qui, à toutes les étapes de la Révolution, avec le ci-devant duc d’Orléans, avec Dumouriez, et maintenant avec le général Dillon ont essayé d’entraver le cours du fleuve révolutionnaire ? Et ne cherche-t-il pas, dans cet été 1793, à faire évader Marie-Antoinette, à lui éviter de comparaître devant le Tribunal révolutionnaire, où Robespierre puis Barère souhaitent la voir juger ?

« C’est le sommeil des républicains qui enhardit le complot des royalistes », dit Barère à la tribune de la Convention.

C’est notre « trop long oubli des crimes de l’Autrichienne qui leur donne l’espérance de rebâtir le trône royal parmi nous » !

La Convention applaudit, décide aussitôt de traduire la veuve Capet devant le Tribunal révolutionnaire.

On la réveille dans la nuit du 2 août. On lui annonce qu’elle sera transférée à la prison de la Conciergerie, et séparée de sa belle-sœur Élisabeth et de sa fille, Marie-Thérèse – Madame Royale.

Elle n’est plus qu’une vieille femme, une mère accablée qui ne voit plus son fils. Elle sait seulement qu’il a été confié au cordonnier Simon.

À la Conciergerie, on la fouille, on l’enferme dans une cellule, et deux gendarmes, placés dans la même pièce derrière un paravent, sont chargés de la surveiller en permanence.

Elle semble indifférente, comme si elle n’appartenait déjà plus à ce monde, paraissant ne pas se rendre compte que le concierge de la prison organise, pour un bon prix, des « visites » de citoyens qui veulent voir la veuve Capet ci-devant reine de France. Et cependant, on craint cette femme brisée. On sait que les Vendéens espèrent qu’un jour le petit Capet sera sacré Louis XVII.

Il faut leur montrer en châtiant Marie-Antoinette, en traitant le fils Capet comme un citoyen ordinaire, que tout espoir de restauration est illusoire.

Fersen peut bien se lamenter, écrire qu’il « ne vit plus depuis l’incarcération de Marie-Antoinette à la Conciergerie » ou bien que « mon plus grand bonheur serait de mourir pour elle et pour la sauver, je me reproche jusqu’à l’air que je respire quand je pense qu’elle est enfermée dans une affreuse prison », la ci-devant reine sera jugée.

Quant aux Vendéens, qu’ils n’espèrent rien, pour eux et leur province, déclare Barère.

« Les forêts seront abattues, les repaires des bandits seront détruits, les récoltes seront coupées pour être portées sur les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis. Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’intérieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté avec tous les égards dus à l’humanité. »

Mais où sont les égards dans cette guerre civile impitoyable ?

« Le signe de la Croix de Jésus-Christ et l’étendard royal l’emportent de toute part sur les drapeaux sanglants de l’anarchie », proclame l’abbé Bernier qui accompagne comme des dizaines d’autres prêtres la grande armée catholique et royale.

Les combattants ont cousu un sacré-cœur en laine rouge sur leurs habits. Leurs chapeaux sont ornés de cocardes blanches, vertes, rouges, de feuillages, de plumes.

Ils portent le chapelet suspendu à leur cou, à la boutonnière, en sautoir.

Leurs armes sont leurs instruments de travail transformés pour la guerre. Les faux sont emmanchées à l’envers. Les fourches, les couteaux de sabotier, les haches sont aiguisés. Piques, bâtons ferrés, triques garnies de clous s’ajoutent aux armes saisies sur les Bleus !

L’armée des Vendéens est redoutable.

Ils connaissent chaque haie. Ils s’égaillent puis s’élancent à l’assaut, surprenant les Bleus, les massacrant, les dépouillant.

Et les troupes de la Convention n’osent plus sortir des villes. On se prélasse à Saumur. On traîne ses grands sabres, ses longues moustaches dans les rues. Les commissaires du pouvoir exécutif prêchent l’anarchie et le partage des terres, les meurtres et l’assassinat, raconte un officier républicain.

« Je voyais des histrions transformés en généraux, des joueurs de gobelets, des escamoteurs traînant après eux les catins les plus dégoûtantes… et ces insectes corrupteurs et corrompus avaient encore l’insolence de se dire républicains ! »

Le conventionnel Philippeaux, proche de Danton, dans son rapport au Comité de salut public, écrit :

« Les Vendéens nous font une guerre de sans-culottes et nous en faisons une de sybarites. Tout le faste de l’Anden Régime est dans nos bataillons. Chaque général est une espèce de satrape. Les soldats sont encouragés au pillage, aux excès de tous genres. La plupart des généraux, loin de réprimer ces attentats, en donnent l’exemple et quiconque a une place lucrative dans l’armée veut la perpétuer pour maintenir sa puissance. »

Mais entre représentants en mission, c’est la guerre. Choudieu, lui aussi député de la Convention, proche de Robespierre, dénonce Philippeaux :

« Je demande que la conduite de Philippeaux soit examinée et j’offre de prouver que, s’il n’est pas fou, il est au moins suspect. »

En fait, la Convention est incapable de vaincre.

On espère que les quinze mille hommes de la garnison de Mayence qui vont arriver en Vendée, et que commande un jeune officier valeureux, Kléber, pourront écraser les Vendéens.

Mais leurs premiers combats sont décevants. Ils sont défaits sous le nombre.

Et les « brigands » se moquent de cette « armée de fayence ». Mais les Vendéens victorieux, comme après chaque bataille, regagnent leurs villages, et cultivent leurs champs, attendant la prochaine bataille.

Pour le Comité de salut public, la Vendée est une tumeur qu’il faut extirper à tout prix.

Et la première condition, c’est l’unité du pouvoir et de la nation. Et la fête qui célèbre le premier anniversaire du

10 août 1792 doit marquer cette résolution.

Elle se déroule dans le calme, mais sans passion révolutionnaire.

Au milieu des ruines de la Bastille s’élève la fontaine de la Régénération qui se compose d’une statue colossale en plâtre, assise, représentant la nation qui presse de ses mains sa poitrine d’où coulent deux jets.

Les commissaires envoyés par tous les départements puisent tour à tour dans le bassin avec une coupe d’agate.