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Et Hébert, qui a assisté à l’exécution, au pied de l’échafaud, exulte, exprime les sentiments de ces sans-culottes, de ces patriotes enragés, que la passion révolutionnaire emporte.

« J’ai vu tomber dans le sac la tête de Veto femelle, écrit Hébert dans Le Père Duchesne.

« Je voudrais, foutre, pouvoir vous exprimer la satisfaction des sans-culottes quand l’archi-tigresse a traversé Paris dans la voiture à trente-six portières. Ses beaux chevaux blancs si bien empanachés, si bien enharnachés ne la conduisaient pas, mais deux rossinantes étaient attelées au vis-à-vis de maître Samson et elles paraissaient si satisfaites de contribuer à la délivrance de la République qu’elles semblaient avoir envie de galoper pour arriver au plus tôt au lieu fatal.

« La garce au surplus a été audacieuse et insolente jusqu’au bout.

« Cependant les jambes lui ont manqué au moment de faire la bascule pour jouer à la main chaude, dans la crainte sans doute, de trouver après sa mort un supplice plus terrible que celui qu’elle allait subir.

« Sa tête maudite fut enfin séparée de son col de grue et l’air retentissait des cris de “Vive la République !”. »

« Qu’elle ait été seule dans ses derniers moments, sans consolation, sans personne à qui parler, à qui donner ses dernières volontés, cela fait horreur, écrit quelques jours plus tard le comte de Fersen. Les monstres d’enfer ! Non ! Sans la vengeance, jamais mon cœur ne sera content. »

La douleur de Fersen est d’autant plus grande qu’il sait bien que parmi les rois et les princes, les émigrés et les royalistes restés en France, personne n’a tout tenté pour sauver la reine. Danton lui y a songé, mais très vite, il a mesuré les risques immenses qu’il courrait.

Les hébertistes le rangent parmi les « pourris » de la Convention.

On découvre que certains de ses proches ont, l’un – Robert -vendu du « rhum accaparé », et l’autre – Perrin – trafiqué dans les fournitures de guerre.

On accuse l’entourage de Danton d’être composé non seulement de corrompus mais d’« endormeurs ». En somme, les dantonistes sont de nouveaux Girondins.

Et Vincent, l’hébertiste, ne cesse de répéter ses attaques contre Danton, accusé de s’être abouché avec « Dumouriez dans l’affaire de la Belgique ». Et Danton comprend que cette accusation peut conduire à l’échafaud.

Le général Houchard, vainqueur à Hondschoote, a été arrêté, jugé, condamné à mort, parce qu’il n’a pas su exploiter sa victoire et que dès lors on le soupçonne sans preuve d’avoir ouvert des pourparlers avec l’ennemi.

On va juger Philippe Égalité et Danton fut proche du ci-devant duc d’Orléans.

Alors, Danton préfère quitter Paris. Il prétend qu’il est malade et se retire dans sa propriété d’Arcis-sur-Aube.

Danton est sans illusion.

« En conduisant Marie-Antoinette à l’échafaud, dit-il, on a détruit l’espoir de traiter avec les puissances étrangères. »

Mais le plus grave, le plus dangereux n’est pas dans cette exécution, mais dans le procès qui s’ouvre, contre les députés girondins, devant le Tribunal révolutionnaire.

Ils sont vingt et un, qui comparaissent à compter du 24 octobre.

Robespierre a fait écarter un décret qui renvoyait devant les juges soixante-treize députés qui avaient protesté contre les manifestations des journées des 31 mai et 2 juin. Générosité de sa part ? Ou bien habileté ? Maximilien veut que les « chefs de la faction » soient condamnés à mort, et ce sera d’autant plus aisé qu’ils seront isolés, promis à la guillotine puisque la Convention a décidé de raccourcir la durée des débats en les limitant à trois jours.

Danton, à Arcis-sur-Aube, est sombre.

« Des factieux, les girondins ? s’interroge-t-il. Est-ce que nous ne sommes pas tous des factieux ? Nous méritons tous la mort autant que les Girondins ! Nous subirons tous les uns après les autres le même sort qu’eux ! »

Pour Robespierre au contraire, Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Carra, Valazé, et ceux qui sont encore en fuite, Pétion, Roland, Barbaroux, Condorcet, constituent « la faction la plus hypocrite dont l’histoire ait jamais fourni l’exemple ».

Et il n’oublie pas Manon Roland.

Mais le plus fanatique des accusateurs est Hébert, qui laisse éclater sa joie de voir comparaître les Girondins ce jeudi 24 octobre devant le Tribunal révolutionnaire, dont on sait bien qu’il les condamnera à mort.

« Voilà foutre le sort qui vous était réservé, lâches, déserteurs de la sans-culotterie qui avez préféré de barboter dans le marais et vous couvrir de boue plutôt que de gravir la Sainte Montagne où la gloire vous tendait les bras. Vous avez voulu péter plus haut que le cul, vous avez voulu faire fortune et vous n’avez pas réfléchi que la guillotine était au bout de la route que vous preniez pour y arriver.

« Te voilà enfin sur la sellette, infâme Brissot…

« Eh, vite donc, Maître Samson, graisse tes poulies, et dispose-toi à faire la bascule à cette bande de scélérats que cinq cents millions de diables ont vomis sur la terre et qui auraient dû être étouffés dans leur berceau, foutre. »

Les jeux sont faits.

Hébert, substitut du procureur de la Commune de Paris, désigne Brissot comme le chef de la « faction du tyran et vendu à la Cour », coupable « d’avoir voulu en allumant la guerre universelle anéantir la liberté en livrant la France aux despotes ».

« C’est par vos manœuvres lâches et méprisables, coquins, que les patriotes de Marseille, de Bordeaux, de Lyon, de Toulon ont été égorgés ! C’est vous qui avez allumé la guerre civile de la Vendée…

« La France entière vous accable ! Vous n’échapperez pas au supplice que vous avez mérité. »

Le verdict tombe le mercredi 30 octobre vers onze heures du soir.

L’un d’eux, Valazé, se poignarde au cœur devant le tribunal.

Les autres crient :

« Nous sommes innocents ! Peuple on vous trompe ! »

Vergniaud qui portait sur lui une fiole de poison a renoncé à l’utiliser pour mourir aux côtés de ses amis. Tous chantent :

Contre nous de la tyrannie

L’étendard sanglant est levé.

On les entraîne. On les enferme. C’est leur dernière nuit.

« Ils se réunirent tous dans une seule chambre pour souper. Ils se firent servir un très bon repas de tout ce qu’on put rassembler à cette heure-là dans le quartier du Palais, en rôtis, pâtisseries, vins délicats et liqueurs. Ils élurent un président qui leur proposa de mourir à l’instant même. “Je me sens assez de courage pour vous tuer tous, moi le dernier et nous éviterons ainsi l’échafaud et la mort publique.”

« Cette proposition fut reçue diversement par la bande des condamnés qui se mirent à boire et à manger.

« Au milieu du repas on agita longtemps la question de l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. Dix-sept sur vingt et un reconnurent l’une et l’autre et se refusèrent à mourir de la main du président. »

Grande foule le jeudi 31 octobre 1793, place de la Révolution, lorsque les Girondins arrivent vers une heure. Aux vingt et un députés on a adjoint douze autres condamnés.

Les Girondins crient : « Vive la République ! Plutôt la mort que l’esclavage ! »

Et la foule répond : « Vive la République ! À bas les traîtres ! »

Il fallut trente-huit minutes au bourreau Samson pour exécuter les trente-trois condamnés.

Hébert est une nouvelle fois au pied de l’échafaud.

Chacun a pu constater l’attitude courageuse des Girondins.

Hébert écrit dans Le Père Duchesne :

« Plusieurs ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et quelques-uns se chatouillaient pour rire, mais foutre, ce n’était que du bout des lèvres… À chaque tête qui roulait dans le sac tous les chapeaux étaient levés en l’air et la place retentissait des cris de “Vive la République !”.