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— Ma tête est maculée par la neige du désenchantement... Combien de fois, l'agonie a- t-elle visité mon âme pleine de rêves... Sous mes pieds, la terre glacée demande mon corps épuisé. Mais au fond de mon cœur, l'espoir est un soleil qui m'enflamme révélant dans ses projections resplendissantes le glorieux chemin de l'avenir... Nous sommes éternels, Varrus ! Demain, nous serons réunis, heureux, au foyer de l'éternité sans la douleur de la séparation ou de la mort...

En entendant ces paroles pleines de conviction et de tendresse, le jeune homme patricien apaisa son esprit tourmenté.

Quelques minutes encore passèrent rapidement à évoquer des paroles vivifiantes et se sentant mieux, il s'est décidé à partir.

Un bige léger qu'il avait demandé, attendait à une courte distance.

Quand le galop des chevaux se fut confondu avec le grand silence devant la porte de son foyer, le jeune homme plus tranquille a remarqué que quelques rares étoiles brillaient encore avec pâleur alors que le firmament se teignait de rouge.

Le matin se levait...

Varrus contemplant le beau ciel romain et demandant à Jésus de garder la foi inspirée par les propos du vieux Gaulois chrétien sur la route d'Ostie, pensa avoir trouvé en cette aube d'une surprenante beauté, le symbole du nouveau jour qui marquerait maintenant son destin.

PROMESSE DE CŒUR

Deux jours s'étaient succédés sans changement pour Varrus Quint qui, apathique et mélancolique, écoutait chez lui les plaintes interminables de sa femme, flagellant ses principes du fouet de ses critiques Insidieuses et puissantes.

Malgré les peines qui affligeaient son âme, il ne laissa percevoir aucun signe de désapprobation quant à la conduite de Cintia qui continuait aux côtés de Veturius ses écarts de comportement et ses alliances.

C'est alors qu'il reçut la consigne de partir en direction d'un port d'Achaïe, mais il n'arrivait pas à calmer le désir ardent de rénovation dont il se sentait envahi.

Il s'en fut voir Opilius qui le reçut très cavalièrement en privé. Varrus lui a ainsi exposé ce qu'il désirait. Il ressentait le besoin d'une vie nouvelle. Il prétendait abandonner le trafic maritime et se consacrer à des tâches différentes à Rome.

Néanmoins, il admettait avec dépit les obligations qui le retenaient à son service.

Il devait une si forte somme au chef de l'organisation qu'il ignorait comment il pourrait changer le cours de sa vie.

Veturius, très surpris, voulut masquer les véritables pensées qui lui venaient à l'esprit. Rieur et chaleureux, il s'est approché du visiteur en affirmant, péremptoire, que jamais il ne l'avait considéré comme un employé mais comme un compagnon de travail, et qu'il ne lui devait rien. Il a déclaré comprendre sa lassitude et pensait que son intention de se réintégrer à la vie romaine était justifiée.

C'est rouge de honte que Varrus reçut la rémission de toutes ses dettes. Non seulement Opilius lui faisait cette concession mais il se mettait aussi à sa disposition pour l'aider dans sa nouvelle entreprise.

Avec délicatesse, il a évoqué des projets qu'il avait déjà tracés pour l'avenir, alors que le mari de Cintia, stupéfait par l'hypocrisie de son interlocuteur, ne savait comment répondre prononçant des monosyllabes qui dénonçaient son embarras.

C'est cordialement qu'ils se sont quittés, alors qu'Opilius lui promettait de l'accompagner dans ses démarches avec toute son affection fraternelle.

Se sentant profondément confus, Varrus Quint pris la direction du forum dans l'espoir de rencontrer quelqu'un qui pourrait lui permettre de trouver un travail honorable ; cependant, la société de l'époque semblait partagée entre les puissants et les misérables esclaves. Il n'y avait pas de place pour celui qui voulait vivre de services respectables. Même les affranchis se retiraient dans des régions lointaines du Lazio, cherchant à recommencer leur vie et vivre leur indépendance.

Il a alors effectué différentes tentatives en vain.

Personne ne souhaitait employer des bras honnêtes pour une juste rémunération. Ils alléguaient que les temps étaient difficiles, prétextaient le ralentissement des affaires face à la chute probable de Bassianus d'un moment à l'autre. Les insanités gouvernementales touchaient à leur fin et les partisans de Macrin, préfet des prétoriens, promettaient de se révolter. Rome vivait sous le régime de la terreur. Pendant plus de cinq ans, des milliers de personnes étaient mortes assassinées par des affranchis qui jouissaient de récompenses juteuses.

Le jeune patricien, un peu découragé, fixait la foule qui allait et venait sur la place publique indifférente aux problèmes qui le torturaient quand il aperçut Flave Subrius, un vieux soldat à la réputation douteuse qui l'accueillit les bras ouverts.

Il s'agissait d'un homme mûr, mais agile et astucieux. Alors qu'il était aux services de l'État et qu'il maintenait l'ordre en Gaules, Subrius avait été blessé, raison pour laquelle, maintenant boiteux, il était chargé par des nobles de réaliser des tâches secrètes.

Loin de soupçonner qu'il était attaché aux intérêts du persécuteur de sa famille, Varrus a répondu, amicalement, au geste bienveillant manifesté.

D'ailleurs, cette expression de plaisir était pour lui une précieuse incitation dans la position d'incertitude où il se trouvait. La soudaine apparition de l'ancien soldat pouvait être le début de quelque heureuse entreprise.

La conversation a donc commencé avec enthousiasme.

Après les compliments, l'ex-légionnaire a abordé le sujet qui l'amenait en soulignant :

Par Jupiter, comment remercier les dieux de la faveur qu'ils me font de te rencontrer ? Sérapis a compati de ma jambe malade et a guidé mes pas. Je m'étais dit que j'irais te voir, mais les temps sont durs et une voiture est le privilège des sénateurs. Heureusement, je n'ai pas eu à me rompre les os en une randonnée difficile.

Le jeune patricien sourit intrigué et avant qu'il n'ait eu le temps de poser une question, Subrius balaya d'un regard astucieux les alentours comme s'il voulait sonder l'entourage, et lui fit baissant la voix :

Mon cher Varrus, je connais ta sympathie pour nos compatriotes persécutés, les chrétiens. Pour être franc, en ce qui me concerne, je ne sais comment me séparer des divinités domestiques et je préférerai toujours une fête d'Apollon à toute réunion dans les cimetières, cependant, je suis convaincu qu'il y a beaucoup de braves gens dans le labyrinthe des catacombes. J'ignore si tu fréquentes le culte détesté mais je ne méconnais pas ta sympathie. Sincèrement, je ne peux accepter l'épidémie de souffrance volontaire dont nous sommes les témoins depuis tant d'années.

Après toutes ces considérations, il a feint une mine de tristesse sur son masque facial et a continué :

Malgré mon indifférence envers le christianisme, j'ai appris de nos ancêtres que nous devons faire le bien. Je crois que l'instant a sonné de rendre un service décisif à la cause méprisée. Je ne comprends pas la foi nazaréenne responsable de tant de flagellations et de tant de morts, néanmoins, j'ai pitié de ces victimes. Donc, fils aimé de Jupiter, ne mésestime pas la mission qui s'offre à toi.

Face à la perplexité muette de son interlocuteur, il a ajouté :

Le préteur Gallus, averti par Macrin, a besoin du concours de quelqu'un pour mettre à exécution certains services à Cartilage. J'admets que si tu l'effectues, cette mission pourrait se transformer en un précieux avertissement fait aux chrétiens d'Afrique.

Varrus qui cherchait davantage à trouver un emploi respectable qu'à s'ériger en sauveur de la communauté, le questionna sur la tâche à accomplir.

Se montrant mesurément enthousiaste, Subrius a expliqué que le haut dignitaire l'appelait au palais pour lui confier cette délicate affaire.

Le jeune homme n'a pas hésité.

Suivant le soldat expérimenté, compte tenu du caractère confidentiel que Subrius avait donné à leur conversation, il est allé voir Gallus à sa résidence même.