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Entouré d'habitudes patriciennes fortement enracinées, le vieux préteur le reçut tout en cherchant à minimiser la rigueur de l'étiquette, et après les salutations usuelles, il alla droit au sujet qui les intéressait.

Varrus — commença-t-il, solennellement —, je connais ta loyauté aux engagements assumés et j'espère que tu accepteras cette charge importante. Nos légions proclameront le nouvel empereur dans quelques jours à peine et nous ne pouvons faire abstraction de patriotes irréprochables pour nous assister dans l'œuvre de réforme du système social.

L'habile homme politique mordit ses lèvres grimaçantes révélant inconsciemment ses véritables intentions, puis poursuivit :

Je ne sais pas si tu disposes du temps nécessaire car je ne suis pas sans connaître les obligations qui te retiennent à la flotte de Veturius...

Le jeune homme s'est empressé de lui notifier son éloignement des services qu'il effectuait habituellement.

Il se trouvait réellement en quête de nouvelles fonctions.

Le préteur a souri, triomphant, et a continué :

S'il m'était possible de m'absenter de Rome, j'irais moi-même, néanmoins...

À ces paroles pleines de réserve, Varrus Quint voulut savoir en quoi il pouvait être utile, ce à quoi le magistrat a répondu :

Carthage devrait être réduite en cendre conformément au sage conseil du vieux Caton, mais, après l'épisode marquant d'Émilien qui la rasa, Graco a fait la folie de reconstruire ce nid de serpents. Je doute qu'il soit une autre province capable de nous apporter de plus grands ennuis. S'il est possible de combattre ici la peste des Galiléens, par là le problème est de plus en plus compliqué. De hauts fonctionnaires, des dames patriciennes, des autorités et des hommes d'intelligence se dévouent au christianisme avec une si grande négligence pour nos principes, qu'ils en arrivent à promouvoir des réunions publiques pour fortifier leur prosélytisme effréné. Nous ne pouvons pas, néanmoins, vivre aveuglément. Nous ne peuvent manquer de prendre des mesures.

Plongeant ses yeux interrogateurs dans ceux du jeune homme comme s'il sondait ses sentiments les plus intimes, il a demandé :

Te sens-tu habilité à porter un message au proconsul ?

Parfaitement — répondit Varrus, déterminé.

J'ai une liste de cinq cents personnes dont nous devons débarrasser la ville. Malgré le décret de Bassianus qui déclare que tous les habitants du monde provincial sont des citoyens romains, jouissant pour autant indûment de droits égaux aux nôtres, nous sommes donc d'accord avec l'élimination sommaire de tous les porteurs de la mystification nazaréenne. Les principaux meneurs devront répondre à des procès avant d'être condamnés à mort ou à la prison, les femmes seront épargnées selon la classe à laquelle elles appartiennent après de justes avertissements, et les plébéiens seront réduits au service sur les galères impériales.

S'efforçant de déguiser les pénibles impressions dont il se sentait accablé, le jeune patricien faisait des signes affirmatifs de la tête, comprenant, finalement ce que signifiaient les insinuations de Flave Subrius.

En acceptant l'invitation, il réussirait à sauver beaucoup de compagnons. Il pourrait pénétrer dans Carthage et aurait le temps de prévenir les persécutés. Ce ne serait pas difficile puisqu'il aurait les noms de tous les impliqués. Avant de parler au proconsul, il entrerait en contact avec l'église africaine.

Un monde de possibilités constructives perçait son imagination.

Corvinus lui-même pourrait peut-être le guider dans l'exécution de sa charge à venir.

Tu peux voyager d'ici à deux jours ? — a tonné la voix de Gallus, irrité par la pause dont le jeune homme avait marqué la conversation.

Illustre préteur — a répondu Varrus poliment —, je suis prêt.

Et le saluant avec un geste d'ennui qui lui était caractéristique, le magistrat a conclu :

Tu voyageras sur la galère marchande de Maximin Pratense, sous le commandement d'Helcius Lucius. Demain soir, je te livrerai le message ici même et tu pourras prendre les mesures afférentes à l'excursion avec Flave Subrius qui t'accompagnera sur le même bateau en tant qu'assesseur du capitaine répondant à des tâches d'ordre politique auprès d'amis du préfet domiciliés en Numidie.

L'accord était scellé.

En pleine voie publique, Varrus retrouva l'ex-légionnaire et programma une rencontre au forum pour le lendemain.

Le jeune homme était satisfait bien que des pressentiments amers concernant son fils envahissent son cœur. Il avait obtenu, comme il l'avait supposé, le travail désiré. Il ne se sentait pas inutile. À son retour de Carthage, d'autres occasions ne manqueraient pas de se présenter. Le voyage lui donnerait les moyens d'assister des frères de foi, marquant également la première étape vers de plus grandes responsabilités.

Après un rapide passage à son foyer, il s'est dirigé vers la voie Ostie, désireux d'entrer en communion avec ses vieux amis.

Il annonça alors à Corvinus et à Lysippe sa décision de partir.

À ces propos, l'ancien Gaulois a commenté les obstacles qu'il rencontrait à vouloir sortir de Rome et interpellé par Varrus quant au port vers lequel il se dirigeait, il a expliqué qu'en fait il devait rendre visite à la communauté chrétienne de Carthage avant de retourner à Lyon définitivement.

Le visage du jeune homme s'est illuminé.

Pourquoi ne pas voyager ensemble ?

Il prenait la même route.

Corvinus a manifesté alors toute sa satisfaction.

Le jeune patricien a exposé en quelques mots son intention d'avertir Flave Subrius de la présence de son nouveau compagnon de voyage, mais il a gardé pour lui les réels motifs de la mission qui le menait en Afrique pensant en informer Appius Corvinus postérieurement, une fois qu'ils seraient seuls en mer.

Le lendemain lorsqu'il en a parlé au vieux soldat boiteux, Subrius a accueilli cette idée avec un sourire indéfinissable ajoutant avec bonne humeur :

— Mais bien sûr ? Le voyageur peut être considéré comme un parent. Tu as ce droit.

Varrus s'est empressé de se préparer pour l'excursion conformément au programme

prévu.

Alors que Cintia l'écoutait avec une très grande attention, il lui a annoncé sa résolution de changer le cours de sa vie. Et, après une entrevue particulière avec le préteur, il a fait ses adieux à son épouse et à Tatien l'esprit baigné d'une douloureuse émotion.

Emportant avec lui une abondante documentation, il a embarqué à Ostie, l'âme absorbée par d'angoissantes expectatives.

Reconnaissant, Corvinus s'est joint à lui. Avec l'aide du jeune patricien et de Flave Subrius qui bizarrement était très attentif à l'installation de celui-ci, il se préparait à partager la chambre étroite réservée à Varrus Quint près de la cabine du capitaine dans la poupe, mais resta figé sur le pont qui séparait la chambre des bancs des rameurs, semblant admirer la magnifique trirème dans laquelle ils allaient voyager. Alors qu'il regardait les mâts magnifiques alerté par Varrus satisfait à l'idée de pouvoir lui offrir ce beau spectacle, le vieillard répondit :

Oui, j'observe la grandeur du ciel et de la mer inondés de soleil ; je sens le souffle du vent léger qui semble chanter la gloire divine de la nature, mais je pense à nos esclaves aux mains calleuses sur les rames...

Le prédicateur allait continuer lorsque Subrius, qui exerçait une inexplicable surveillance sur lui, a perçu le sens évangélique de sa remarque et a démontré une plus grande inquiétude dans l'expression de son visage mécontent, se dirigeant à Varrus Quint, il s'est exclamé :

Nous offrons l'hospitalité à ton hôte.

Contrarié par cette interférence, le jeune patricien, a exprimé le souhait de le présenter à Helcius Lucius, mais l'assesseur du commandant a immédiatement objecté :

Non, maintenant non. Helcius est occupé. Attendons le moment propice.