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Serviable et gentille, elle savait couvrir toutes les fautes d'Hélène, ce qui faisait d'elle non seulement une servante loyale mais aussi un secours affectif en toutes circonstances.

Alors que les deux jeunes femmes quelque peu inquiètes parlaient aux côtés de Cintia qui semblait exclusivement intéressée par son ouvrage, dans un coin de la pièce, Veturius et les jeunes garçons s'entretenaient vivement.

La conversation tournait autour de problèmes sociaux avec un enthousiasme évident de la part de Tatien et une position de retrait manifeste venant de Galba.

J'admets que la lutte initiée, il y a plus de cent ans — commentait Opilius —, finira naturellement par la victoire de l'État. J'ai une grande confiance en Alexandre, reconnu comme étant l'archétype de la prudence et de la justice.

Néanmoins — fit observer Tatien, touché d'une indignation juvénile —, l'empereur a une famille infestée de femmes nazaréennes. Du côté maternel, il est entouré de dames qui ont perdu la raison et qui n'ont pas honte de recevoir des instructions religieuses de vagabonds venant d'Asie. Le décès d'Ulpien, sans aucune mesure disciplinaire, révèle son caractère maladif. Il est faible et indécis. Il peut être un modèle de vertus individuelles, mais ne montre aucune aptitude à commander notre vie politique.

Quelque peu sarcastique, il a souri et fit remarquer :

Quand la tête est fragile, rien ne sert d'avoir un corps fort.

Il est probable que tu aies raison — lui dit Opilius avec bonne humeur —, cependant, tu dois reconnaître que le gouvernement ne dort pas. Nous n'avons pas eu de spectacles punitifs mais la persécution méthodique dans un cadre légal fait effet. Le décès de Calliste11 en est un exemple...

(11) Référence faite au Pape Calliste. (Note de l'auteur spirituel)

Qui était Calliste sinon un esclave hors la loi ?

Vraiment — acquiesça Veturius —, nous ne pouvons comparer un serviteur de Carpophore aux magistrats de l'Empire.

La perte d'Ulpien est irréparable...

Mais qu'est-ce que nous avons à voir avec la vie des autres ? — interrompit Galba avec ennui. — Jamais, je n'hésiterais entre un verre de vin et une discussion philosophique. À quoi cela avance-t-il de savoir si l'Olympe est plein de divinités ou si un fou est mort sur la croix, il y a deux cents ans ?

Ne t'exprime pas ainsi, mon fils ! — lui dit Veturius, contrarié — nous ne pouvons oublier le destin du peuple et de la patrie où nous sommes nés.

Le jeune homme a éclaté de rire, irrévérent, et tout en posant sa main sur l'épaule de Tatien, il a demandé :

Que ferais-tu, mon frère, si la couronne de l'empereur demandait ta tête ?

Le jeune a perçu l'expression de sarcasme de cette interpellation, et a répondu avec fermeté :

À toute tâche administrative qui me serait confiée, non seulement j'exterminerais le christianisme en annihilant ses prosélytes, mais aussi tous les citoyens immoraux et vicieux qui déshonorent nos traditions.

Galba rougit alors et chercha le regard paternel comme pour lui demander de réprouver le fils de Cintia, mais remarquant la fermeté avec laquelle Opilius en silence le censurait, il prononça quelques interjections impertinentes et s'éloigna.

À ce moment-là, Hélène et Anaclette le visage sombre se sont levées pour aller vers le

jardin.

Remarquant que la jeune fille séchait quelques larmes, Tatien a oublié les problèmes sociaux qui lui enflammaient l'esprit et a demandé à son père adoptif les raisons d'une telle transformation chez sa sœur habituellement insouciante. Il fut ainsi informé que le jeune Émilien Secondin dont la jeune femme s'était éprise dans l'espoir d'une liaison affective, avait été assassiné en Nicomédie, d'après les nouvelles qui étaient arrivées par messager quelques heures auparavant.

Tatien s'est senti ému.

Il connaissait le jeune homme et admirait son intelligence.

Voulant profiter de cet instant opportun pour évoquer une question difficile, avec une visible émotion, Veturius s'est approché de son beau-fils et lui a parlé en ces termes à voix basse :

Mon fils, les années nous enseignent peu à peu le besoin de réflexion. J'aimerais trouver en Galba un solide continuateur à mon travail, néanmoins, tu sais que jusqu'à présent ton frère n'assume aucune responsabilité. Malgré sa tendre jeunesse, c'est un joueur et un bagarreur invétéré. J'ai étudié avec ta mère les problèmes de notre famille et j'admets que nous avons besoin de ta coopération en Gaules où nos propriétés sont importantes et nombreuses. Nous avions à Vienne, un ami de valeur en la personne de Lampridius Trebonianus, mais Lampridius est mort depuis un certain temps déjà. Alésius et Pontimiane, nos fidèles serviteurs à Lyon, sont vieux et fatigués... Ils demandent sans cesse après toi et requièrent ta présence afin que tu sois là-bas mon représentant légal.

Opilius a observé un léger temps d'arrêt comme pour vérifier l'effet de ses paroles et lui a demandé :

Accepterais-tu d'aller à la rencontre de la conservation de notre patrimoine provincial ? Notre résidence lyonnaise, à mon avis, est plus confortable que notre domicile à Rome et la ville jouit de l'estime des familles les plus représentatives de notre noblesse. Je suis convaincu que tu te feras de précieuses relations et que tu y trouveras une grande stimulation au travail. Nos terres produisent régulièrement, mais nous ne devons pas les reléguer à l'abandon.

Le jeune homme s'est montré satisfait et fit observer :

À plusieurs reprises ma mère m'a parlé de ce transfert. Je suis prêt à obéir. Vous êtes mon père.

Veturius a souri, réconforté, et a allégué :

Mais, ce n'est pas tout.

Et le fixant dans les yeux avec insistance, il l'a interrogé :

As-tu déjà pensé à te marier, mon fils ?

Le jeune homme a ri, gêné, et a expliqué :

De ce fait, les livres ne m'ont pas encore permis d'excursion mentale sur le sujet. Il est difficile de sortir de l'intimité de Minerve pour écouter les conversations d'Aphrodite...

Son tuteur a apprécié cette remarque et a continué :

Pour nous tous, cependant, il arrive invariablement un moment de maturité qui nous pousse à l'abri du foyer.

Après une longue pause, laissant comprendre combien la question était délicate, il a continué :

Face à la nouvelle du décès prématuré d'Émilien,

Cintia est naturellement angoissée par la peine d'Hélène, et en mère dévouée qu'elle est, après l'avoir écoutée, elle m'a demandé de lui permettre de faire un voyage jusqu'à Salamine où Anaclette a plusieurs parents. Apollodore, son oncle, part en Chypre la semaine prochaine, et j'ai l'intention de lui confier les filles pour une excursion qui, à notre avis, lui sera extrêmement salutaire. Hélène se reposera pendant quelques mois de l'agitation de Rome, afin de se remettre et d'être en mesure d'assumer de plus sérieux devoirs. En père intéressé que je suis par la sécurité de l'avenir, j'ai pensé... pensé...

Face au silence de Tatien, Opilius a finalement révélé les intentions qui le tourmentaient :

En réalité, je confesse que je nourris l'espoir d'un mariage entre vous deux, plus tard peut-être... Je n'ai pas l'intention de vous imposer mes désirs. Je sais qu'une promesse de mariage doit obéir à des affinités de sentiment avant tout, et je reconnais que l'argent n'apporte pas le bonheur de l'amour ; néanmoins, notre tranquillité serait parfaite si nous pouvions conserver nos possibilités financières et territoriales aussi solides à l'avenir qu'elles le sont aujourd'hui. Je ne peux espérer que notre Galba comprenne les préoccupations des temps à venir. Dépensier et indiscipliné, tout nous dit que ce sera pour nous un compagnon difficile à porter...