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Les considérations de Veturius étaient dites sur un ton si tendre que le jeune homme a ressenti une incontrôlable émotion lui étouffer la poitrine. Il a serré les mains de son beau- père avec tendresse et a répondu :

Mon père, disposez de moi comme vous l'entendez. Je partirai pour Lyon, quand cela vous plaira ; quant à l'avenir, les dieux décideront.

Leur entretien affectueux et intime s'est prolongé prouvant la tranquillité d'esprit du fils de Varrus Quint. Mais dans un gracieux pavillon du patio fleuri, l'opinion de la fille d'Héliodore était bien différente.

Étreignant sa gouvernante, Hélène pleurait prise d'une forte irritation et clamait son désespoir :

Anaclette, serait-il un malheur plus grand que le mien ? Le désastre annihile ma vie. Émilien avait promis de parler à mon père dès qu'il reviendrait de Bithynie... Et maintenant ? Qu'adviendra-t-il de moi ?! Nous étions engagés depuis plus de trois mois... Tu sais que notre relation secrète devait être couronnée par l'union du mariage... Oh, Dieux immortels, ayez pitié de mon destin amer !...

La jeune chypriote caressait ses beaux cheveux qu'un fils doré décorait et lui dit sur un ton maternel :

Calme-toi ! La valeur est une qualité pour les grands moments. Tout n'est pas perdu. Nous nous sommes déjà entendues avec ta mère concernant ton besoin de médication et de repos... L'oncle Apollodore part en voyage pour l'île. Nous aurons l'autorisation de ton père et nous irons avec lui. Là bas, tout sera plus facile. Nous y attendrons ce que les dieux nous réservent en nous reposant. J'ai de bons amis sur ma terre natale. Des esclaves fidèles nous aideront en secret... N'aie pas peur.

La jeune fille, cependant, volontaire et rebelle, objectait, inquiète :

Comment supporter l'attente de si longs mois ? Je suis d'accord avec le voyage comme ultime recours... Émilien ne pouvait pas mourir...

Que suggères-tu alors ? — a demandé Anaclette affligée.

Nous irons voir Orosius... Il doit connaître quelque remède pour me libéra:..

Le sorcier ?

Oui, lui-même. Je ne peux vivre ma maternité provoquant le scandale public. Mon père ne me pardonnerait jamais...

La gouvernante, qui connaissait sa lutte intérieure, essaya de calmer son âme oppressée.

La jeune fille, pourtant, se récriminait en sanglots et ce n'est que très tard qu'elle est allée se coucher dans ses appartements ne trouvant pas pour autant la bénédiction du sommeil.

Affligée, elle a passé la nuit entière à soupirer et à pleurer.

Bien que réfractaire, Anaclette l'accompagna dans la matinée à la résidence d'Orosius, un vieil homme à l'apparence affreuse qui se cachait dans un taudis misérable du Vélabre.

Ridé, entre des piles de racines et de vases divers où débordaient des tisanes à l'odeur désagréable, il reçut les visiteuses cherchant à sourire.

Hélène, qui se cachait derrière un faux nom, se mit à expliquer la raison qui les amenait.

Ce n'était pas la première fois qu'elle venait le voir, a-t-elle expliqué aimablement. Dans le passé, elle avait déjà sollicité son aide, avec succès, pour une certaine amie abandonnée. Maintenant, elle venait le voir pour elle-même. Elle était malade, désespérée, angoissée. Elle désirait consulter les pouvoirs surnaturels.

Le mage a rassemblé soigneusement les pièces de monnaies que la jeune femme lui offrait en guise de paiement anticipé, et s'est assis devant un vase à trois pieds sur lequel une coquille symbolique laissait échapper des spirales d'encens embaumé.

Orosius a répété quelques formules dans une langue inconnue d'elles, il a étendu ses mains décharnées sur le vase et les membres tendus, il a fermé les yeux s'exclamant :

Oui !... Je vois un homme qui se lève de l'abîme !... Oh, il a été assassiné !... Il porte une grande blessure sur la poitrine !... Il demande pardon pour le mal qu'il t'a fait, mais se déclare lié depuis de nombreuses années à ton destin de femme... Il pleure ! Comme est amère la douleur qui explose de ses sanglots !... Que de lourdes larmes retiennent cette âme à la boue de la terre !... Il parle de quelqu'un qui naîtra... Il tend les bras et supplie de l'aide pour un enfant...

Après une courte pause, le vieil homme en transe a demandé :

Oh ! Oui, si jeune et elle sera mère ? Par toutes les bénédictions qui descendent des divinités, il demande à genoux que vous lui épargniez cette douleur de plus ... Ne vous défaites pas du petit ange qui prendra un nouvel habit dans la chair !...

À cet instant de l'étrange révélation, Orosius s'est couvert d'une grande pâleur.

Une sueur abondante lui coulait du visage.

Il semblait écouter attentivement le fantôme dont la présence semblait terrifier Hélène et Anaclette.

Après quelques minutes d'une attente torturante, le mage a repris la parole et a prédit :

Madame, vous ne refuseriez pas la maternité !... Personne ne peut fuir impunément les desseins du ciel !... L'enfant vous sera une protection et une consolation, un réajustement et une aide... Mais si vous persistez dans votre intention de vous séparer de lui..

La voix d'Orosius s'est faite dure et caverneuse comme s'il était plus directement influencé par l'entité qui l'assistait.

Il s'est levé animé d'une mystérieuse impulsion et se dirigeant à la fille de Veturius, il a affirmé :

—... Alors, vous mourrez baignée de sang, vaincue par le pouvoir des ténèbres !...

Pleurant bouleversée, Hélène s'est jetée dans les bras d'Anaclette.

Elle a compris que l'Esprit d'Émilien intervenait à cette heure pour éveiller sa conscience à la responsabilité maternelle et se sentant incapable de continuer en contact avec la manifestation inattendue, elle a crié à sa compagne :

— Je n'en peux plus ! Emporte-moi ! Je veux voyager, oublier...

Orosius est à nouveau tombé dans la torpeur, laissant percevoir un intérêt évident pour cet entretien avec l'invisible, mais les deux jeunes femmes terrifiées se soutenant l'une à l'autre se sont éloignées rapidement retournant au véhicule qui les attendait à distance.

Au lieu de trouver un remède qui la libérerait de l'engagement assumé, Hélène avait récolté une plus grande affliction.

La mélancolie dont elle était frappée était si grande que chez elle, son père inquiet s'est décidé à organiser son voyage en mer.

Apollodore, l'ami chypriote, fut appelé pour s'entendre avec la famille.

Après lui avoir donné une somme conséquente, Veturius et Cintia lui ont confié les jeunes filles pour ce long voyage.

Bien que garanties par de larges économies personnelles, les jeunes femmes ont entrepris ce voyage sans joie. Une profonde tristesse leur voilait le visage.

Absorbées dans la contemplation des eaux calmes de la Méditerranée, elles parlaient beaucoup de l'avenir...

À de nombreuses reprises, Hélène divaguait en silence se demandant : — Serait-il cohérent de croire en ces paroles qu'elle avait entendues ? Orosius était un sorcier. Le miraculeux pouvoir dont il s'affublait afin de l'impressionner venait certainement de l'influence d'êtres infernaux, ou de qui donc alors ? Peut-être que la vision d'Émilien n'était qu'une simple démence. Elle était jeune, au début de la vie. Elle avait le droit de choisir son propre chemin... Ne vaudrait-il pas mieux se défaire de cette obligation qui était pour elle un sombre fardeau ? De quel droit l'âme de son amant revenait-elle de la tombe pour lui imposer un aussi lourd devoir ?

Prise de constantes hésitations, elle est arrivée à l'île, affectueusement assistée par Anaclette et par son vieil oncle.

Salamine, l'ancienne capitale belle et prospère dans le passé, fut détruite par une énorme révolution judaïque sous l'empire de Trajan.