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Il s'est éloigné de quelques pas afin d'apprécier la magnifique statue de Thémis qui se tenait dans l'enceinte, quand quelqu'un a accouru à la rencontre du condamné qui retournait en prison, résigné.

Cette personne c'était le vieux Flave Subrius qui s'est approché du religieux et lui a dit à voix basse :

Je te reconnais ! Maintenant, je n'ai plus de doute. Vingt ans ne suffiraient pas pour que je t'oublie !...

Varrus Quint lui a lancé un regard de douleur, sans rien répondre.

Le vieux soldat, néanmoins, considéra ce silence comme étant la confirmation qu'il attendait et, retenant difficilement les sanglots qui lui montaient aux yeux, il lui a pris ses mains attachées à de lourdes chaînes et a ajouté :

Mon ami, ta mort n'aurait-elle pas été plus douce en mer ? Comme il me pèse d'avoir coopéré à ton sacrifice ! Comme je déplore ton malheur en pensant au fardeau d'angoisses que tu portes sur les épaules !...

L'interpellé, néanmoins, lui a souri tristement et a répliqué :

Subrius, l'esclavage pour Jésus est la vraie liberté, tout comme la mort en compagnie de notre Divin Maître est la résurrection à la vie impérissable ! Nous ne devons craindre qu'un seul fardeau — celui de la conscience coupable !...

Et remarquant avec surprise que des larmes d'une profonde peine n'arrivaient pas à couler, il a ajouté :

Si tu cherches maintenant un chemin d'accès à la vérité, ne repousse pas au lendemain ta rencontre avec le Christ. Fais quelque chose pour ton salut et le Seigneur fera le reste...

À cet instant, cependant, le chef de surveillance, croyant que Subrius insultait le prisonnier, s'est approché d'eux et a vociféré, sarcastique :

Noble romain, laisse-moi m'occuper de ce sorcier ! Je vais le préparer à coups de bastonnades au spectacle de demain...

Et avant que Subrius stupéfait n'ait pu réagir, Varrus fut à nouveau traîné en prison.

Dès lors, le vieux guerrier retraité sembla pris d'une incompréhensible perturbation.

Il s'est éloigné de ses amis intimes, il s'est dirigé précipitamment à l'exploitation agricole, a enlevé d'un vieux coffre-fort toutes les pièces d'or qu'il possédait et il est retourné au centre-ville, cherchant les compagnons du frère Corvinus.

Suivant les informations de quelques femmes miséricordieuses, il a rencontré Ennio Pudens près de l'église sous un toit abandonné.

Il s'est fait connaître de l'ecclésiastique respectable et a remis à l'église Saint-Jean tout l'argent qu'il avait pu amasser pendant des années, l'implorant de bénir ses nouvelles résolutions. Ennio, ému, a prié en sa compagnie suppliant l'assistance céleste et le consolant avec des paroles généreuses pleines de bonté, de compréhension et de foi.

Malgré ce secours offert, le vieux soldat semblait différent, distrait, dément...

En vain, Opilius l'a cherché chez lui, en vain Tatien a voulu le retrouver.

Subrius s'était retiré à la campagne pour se consacrer à la prière, reconsidérant les chemins parcourus.

Il est revenu au foyer domestique dès les premières heures du jour, mais il ne réussit pas à se calmer.

Quand Veturius est allé le réveiller pour l'accompagner vers le lieu d'exécution, il était déjà parti, Galba et son père le rejoignirent sur place.

Tatien s'est abstenu. Il a prétexté une brusque indisposition organique afin de ne pas se soumettre au spectacle. Il ne désirait pas affronter la présence de Corvinus dont la sérénité le dérangeait.

Malgré l'heure matinale, une vaste foule s'était agglutinée sur la place, rares furent les personnalités éminentes qui ne furent pas présentes, Novatien lui-même était fortement impressionné par la résistance morale du prisonnier.

Une fois les formalités en vigueur accomplies, le représentant de Maximin a ordonné au bourreau d'approcher.

Le frère Corvinus, démontrant une indicible anxiété dans son regard percutant et limpide, observait le groupe d'Opilius à la recherche de celui qui n'apparaissait pas...

De lourds moments ont suivi.

La nature, comme indifférente aux crimes et aux malheurs des hommes, était éblouissante de lumière.

Le soleil couronnait le paysage de rayons d'or alors que le vent chantait, un souffle frais emportait au loin la fragrance des rameaux en fleur.

Attristé, car il n'arrivait pas à trouver Tatien dans l'assemblée populaire qui l'encerclait, Varrus Quint s'est mis à prier en silence.

Spirituellement il s'est éloigné de l'assourdissant brouhaha, il a remarqué que des corps lumineux le caressaient... Le souvenir du vénérable Corvinus lui est fortement revenu en mémoire et il s'est senti consolé à l'idée qu'il allait également mourir en réaffirmant sa foi... Il cherchait à aiguiser ses sens pour pénétrer avec assurance dans le monde invisible quand il a entendu les cris aigus de quelqu'un, près de lui.

C'était Flave Subrius qui hurlait, possédé :

— Moi aussi, je suis chrétien ! À bas les dieux en pierre ! Vive Jésus ! Vive Jésus ! Arrêtez-moi ! Arrêtez-moi à juste titre ! Je suis un assassin qui se transforme ! J'ai déjà beaucoup tué ! Tuez-moi aussi maintenant !... Malheureux romains, pourquoi avez- vous converti l'honneur des ancêtres en un fleuve de sang ! Nous sommes tous des scélérats sans rémission possible ! Pour cela, je veux la nouvelle loi !...

Face à la perplexité générale, Veturius s'est approché du noble visiteur et l'a informé :

Illustre Novatien, accélérez l'exécution. Flave Subrius est attaché à ma maison depuis de nombreuses années et peut-être en raison de son âge avancé, il est devenu fou. Je me chargerai de l'éloigner sans problème.

L'ordre a été exécuté.

Le condamné s'est agenouillé.

Artemius Cimbrus, que personne n'osait déranger en vertu de ses prérogatives, s'est approché de lui courageusement et lui a couvert le visage avec une petite serviette en lin très fin afin que la scène brutale ne lui blesse pas la vue.

Glabrus Hercules, un ancien gladiateur de l'amphithéâtre, maintenant converti en bourreau, a levé son glaive, les mains tremblantes laissant tomber l'instrument sur le cou de la victime. Cependant, des pouvoirs invisibles agissaient pour que le tranchant de l'épée n'atteigne pas l'endroit visé. Ayant assené un troisième coup, le martyr bénéficia du pardon de César faisant cesser la sentence.

Il existait une loi interdisant un quatrième coup à toute décapitation.

Varrus Quint, baigné de sang, fut donc transféré dans son cachot où maintenant, il avait le droit de mourir lentement.

Veturius a accompagné les moindres détails du terrible tableau, sans s'altérer, et quand il est allé voir Flave Subrius qui s'était éloigné pour ne pas assister à l'horrible scène, il ne l'a plus trouvé.

Le client d'Opilius avait pris une voiture et était rapidement retourné chez lui.

Profondément bouleversé, presque méconnaissable, il a demandé à Tatien un entretien privé et s'est mis à lui parler du passé, synthétisant le plus possible.

Le jeune patricien, bouche bée et atterré écoutait ses réminiscences quand Veturius est arrivé en sueur et angoissé, devinant ce qui se passait, il a essayé de l'interrompre.

Flave Subrius, tu es devenu fou ! — a-t-il hurlé courroucé.

Non, Tatien, non ! — a-t-il protesté d'une voix ferme — mon jugement n'est pas déséquilibré ! Ma santé n'a jamais été aussi robuste que maintenant ! Ma conscience se réveille à peine pour se faire justice. J'ai commis des crimes et des crimes ! Je ne perpétrerai plus celui de t'occulter la réalité. Cours sur les lieux de l'exécution et si ton père est encore vivant, ne le prive pas de ton affection à la dernière heure ! J'irai avec toi, j'irai avec toi !...

Opilius, désespéré, révélant un déséquilibre compromettant qui, d'aucune manière, correspondait à son tempérament calculateur et courtois, est intervenu en criant :