Compagnon,
Compagnon !
Sur le sentier qui te conduit,
Que le ciel t'accorde dans la vie
Les bénédictions de l'Éternelle Lumière!..
Compagnon,
Compagnon !
Reçois en guise de salut
Nos fleurs de joie
Dans le vase de ton cœur.
Quand le chœur infantile se tut, Varrus s'est levé, admiratif.
Il a regardé son corps immobile, abattu et exsangue. Sa gratitude pour l'enveloppe amie qui lui avait permis tant de leçons, baignait maintenant son âme en prière. En quelques minutes, il a revu toutes les luttes et douleurs du passé avec une indéfinissable sensation de paix et de joie.
Corvinus l'étreignait avec toute l'affection d'un père pour un enfant qui lui serait cher, alors que plusieurs amis, au loin, lui adressaient des pensées d'amour.
Le prêtre désincarné se sentait au fond soulagé presque heureux, mais brusquement comme s'il se réveillait par un beau matin clair lui revinrent en mémoire quelques pénibles inquiétudes de la veille, il s'est senti dominé par une blessure invisible qui lui rongeait le cœur. Soudainement, il a fixé Tatien qui pleurait en silence et a reconnu en lui son unique douleur.
Il s'est penché, impulsivement, sur le jeune homme et l'a embrassé. Ah, la chaleur de ce corps semblait lui communiquer une nouvelle existence, les rayons des sentiments émis par ce cœur filial le pacifiaient intérieurement, apaisant son esprit tourmenté !... n l'a étreint contre sa poitrine avec une infinie tendresse ressentant une joie indicible mêlée d'amertume, mais le vieux Corvinus l'a enlacé doucement et lui a dit :
— Varrus, il est mille manières bien plus sages de l'aider au-delà des sentiments infructueux de tristesse ou d'affliction. Relève-toi ! Tatien est le fils de Dieu. Quantité de compagnons s'incarcèrent, après la mort, dans les toiles obscures de l'affectivité moins constructive tels des insectes prisonniers à la douceur du miel et se transforment en des bourreaux affectueux et inconscients de leurs propres parents... Relève la teneur de tes sentiments et marche. Tu reverras certainement ton fils et tu lui ouvriras tes bras robustes et généreux, mais pour l'instant, Jésus et l'humanité doivent être nos préoccupations essentielles de serviteurs de l'Évangile.
L'interpellé s'est repris et a élevé sa pensée au Seigneur en implorant la paix...
Se sentant maintenant maître de facultés plus subtiles, il a remarqué des voix argentines au loin en un cantique glorifiant Dieu.
Varrus s'est alors souvenu des liens de travail et d'idéal qui le retenaient à la communauté chrétienne et a trouvé la force de se défaire de son fils.
Obéissant à la tendre impulsion de Corvinus, il s'est éloigné. Dehors, dans la nature, des centaines de compagnons l'attendaient se réjouissant. De nombreux martyrs des Gaules, exhibaient des palmes de lumière qui brillaient conformément à l'élévation spirituelle de chacun, ils chantaient joyeux rendant hommage au nouveau héros.
Pleurant de joie, Varrus Quint s'est souvenu de vieux amis et s'est rappelé de Claude, son ancien bienfaiteur, qui avait été informé qu'il reverrait l'apôtre ce jour-là, dans la nuit, à Rome, au cimetière de Calliste.
Tard dans la nuit, la lumineuse assemblée s'est mise en route tel un défilé d'archanges en direction de la ville impériale.
Peu de temps après, parsemant des bénédictions d'harmonie dans le firmament, ils ont atteint la grande métropole.
D'innombrables missionnaires de la spiritualité se sont joints aux frères gaulois, de telle sorte que lorsque les voyageurs sont arrivés au cimetière, une immense foule s'était constituée.
Unis par des pensées d'amour, soutenus par une mystérieuse communion, une fabuleuse ambiance s'était formée sous le manteau de la nuit brodée de paillettes à étinceler, sublimes, dans toutes les directions.
Corvinus a prononcé une émouvante prière de reconnaissance à Jésus et quand il eut fini son impressionnant hymne d'hosanna, un astre solitaire est apparu dans l'espace descendant en direction de l'éblouissante assemblée.
Se posant à une courte distance, il s'est transformé rapidement en un ancien auréolé de lumière.
C'était Claude qui, s'approchant, a salué tout en souriant ses compagnons de foi.
Il a accueilli Varrus Quint d'une longue et affectueuse accolade et ensuite montant à la tribune, il a fait un discours d'une indescriptible beauté concernant les tâches sacrificielles de l'Évangile pour la rédemption du monde...
Tous les auditeurs écoutaient ses paroles, pris d'une joie émerveillée.
L'élévation générale de la pensée collective renvoyait des irradiations féeriques alentours qui retombaient en larmes versées par d'innombrables pionniers de la Bonne Nouvelle, en extase et émus...
Pour terminer, le lucide orateur a fait observer avec émotion :
— Nous célébrons aujourd'hui le retour de Varrus, notre dévoué frère d'idéal et de lutte. Défenseur de notre cause, il a honoré toutes les occasions qui se sont présentées. Valeureux soldat du Christ, quand il fut blessé, il n'a pas blessé en retour, quand il fut humilié, il n'a jamais humilié... Dans les heures les plus sombres, il a allumé la clarté de son âme et quand le monde pensait le mettre en échec, soutenu par la foi et par l'amour, il a donné au Maître les plus hauts témoignages de confiance... Il a compris l'enseignement évangélique du sacrifice personnel pour le bonheur des autres, et, en offrant la vie de son propre corps terrestre, il s'est retrouvé dans la glorieuse immortalité ! Parmi nous dans le passé en des siècles reculés, il combattait du côté du pouvoir humain mensonger, acquérant de douloureuses désillusions... À la tête de l'idéal de la domination politique, il n'hésitait pas à soumettre ses semblables par la force afin d'atteindre des objectifs de vanité et d'orgueil personnel, mais maintenant, après de légitimes combats avec lui-même, il réussit à purger ses sentiments et ses principes se rachetant et se sanctifiant en une longue et persistante ascension... En tant que fils, il a accompli tous les devoirs qui lui revenaient au foyer ; en tant que mari, il a exalté la femme qui a partagé son destin en respectant des idées différentes des siennes ; comme père, il a su souffrir jusqu'au suprême renoncement afin de garantir le bonheur de cet enfant qui avait toute son affection, et, en tant qu'homme, il s'est consacré à l'élévation morale de toutes les créatures..
Champion du service et de la fraternité, il a combattu la haine par l'exemple de l'amour, et il a exalté les dons inaltérables de l'esprit par l'humilité avec laquelle il s'est dévoué à l'expansion de la Bonne Nouvelle !
Maintenant que son âme, créancière de notre plus grande reconnaissance, par de remarquables triomphes est allée à la rencontre des sphères les plus élevées de l'Amour divin, saluons notre valeureux compagnon en transit vers les cimes resplendissantes de la vie !...
S'il le veut, il pourra à présent, à l'apogée du savoir et de la vertu, collaborer avec le Maître en d'audacieuses entreprises à la sanctification du monde !
Que le Seigneur le bénisse dans la trajectoire sublime qui lui appartient pour la glorieuse conquête en direction des temps à venir !...
Pour finir, Claude souriant lui a donné l'accolade alors qu'une émouvante mélodie d'hosanna vibrait sous le ciel plein de scintillantes étoiles...
Pleurant de joie, le défunt s'est approché du sublime messager et lui dit humblement :
Ami dévoué, tes paroles ont touché le fond de mon âme. Je les reçois comme une incitation charitable à ma pauvre bonne volonté puisque que je ne les mérite vraiment pas... Je sais que ta générosité m'ouvre à de nouveaux horizons, que ta bonté peut me conduire aux sommets, néanmoins, si cela est possible laisse-moi sur terre... Je me considère, pour l'instant, incapable d'aller de l'avant justement parce que ma tâche n'est pas terminée. Quelqu'un...