Выбрать главу

Ne me laisse pas partir, papa ! Je veux rester ! J'ai peur ! Emporte-moi dans la vigne ! — sanglotait la petite de désespoir.

Son père l'a embrassée avec tendresse et lui a recommandé :

Calme-toi ! Fais selon les désirs de ta maman, grand-père t'attend, plein de bonté ! Tu seras heureuse de faire ce voyage, ma fille !

Il n'en est rien — s'est écriée l'enfant les yeux gonflés de larmes —, qui priera avec vous le matin ?

Que ce soit en raison de la torture morale qu'il supportait depuis la veille ou pour l'angoisse de cet au revoir qui lui fendait le cœur, le patricien éprouvait à cet instant une grande émotion qui étouffait sa poitrine oppressée. Il a déposé Blandine dans les bras d'Anaclette qui l'attendait, impatiente, et d'un geste brusque il est rentré se jetant dans la solitude pour laisser couler ses larmes. Il aurait voulu se défaire de cette amertume qui dominait ses pensées, néanmoins, quand les voitures se sont éloignées au bruit des adieux des esclaves, il est presque devenu fou en entendant la voix de sa fille qui criait :

Papa!... Mon petit papa !...

Une fois l'excursion commencée, Hélène s'est inquiétée.

Blandine, malgré tous les reproches, refusait de se nourrir. La beauté du paysage rhodanien ne l'intéressait pas.

Leur arrivée dans Vienne, après beaucoup de soucis, s'est faite sous de lourds nuages.

La petite accusait une forte fièvre et son cœur semblait comme un oiseau effrayé en cage dans sa petite poitrine.

Les yeux hagards, elle semblait complètement étrangère à la réalité. Elle prononçait le nom de son père à travers des cris étranges et disait voir Pluton dans une voiture en feu, cherchant à l'enlever.

Inquiet, Teodul a appelé un médecin qui a diagnostiqué que la fillette était dans un état grave et leur déconseillait de poursuivre leur voyage.

Pour cela, son père fut immédiatement averti pour les aider.

Tatien, très inquiet est rapidement arrivé et le groupe d'Hélène a rendu l'enfant aux bras paternels, puis a continué sans elle, qui, satisfaite, est retournée à la maison.

C'est ainsi qu'a commencé pour le patricien et son enfant une douce période de recouvrement.

Ils s'aimaient si profondément avec cette tendre affection parfaite de ceux qui donneraient tout sans Jamais rien recevoir, qu'ils se suffisaient vraiment l'un à l'autre.

Totalement livrés à la nature qui les entourait, ils faisaient des promenades charmantes dans les vignes et dans les bois, dans les pâturages et dans les landes.

Car maintenant, ils ne s'en tenaient plus à de simples randonnées dans la campagne. Tatien avait acquis un petit bateau et ils faisaient de longues excursions sur le Rhône.

Il lui disait qu'il pensait engager les services d'un bon enseignant. Il n'y avait dans l'exploitation agricole aucun esclave à la hauteur d'une telle tâche.

Mais pourquoi, Papa, n'êtes-vous pas vous-même mon professeur ? — lui demanda-t-elle un jour alors qu'ils naviguaient au-delà des enceintes de la ville, enchantés par la magnificence du fleuve gonflé des dernières pluies du printemps.

Moi, je ne peux pas — a expliqué Tatien gentiment —, nous ne saurions pas garantir un programme disciplinaire comme cela est nécessaire.

Blandine a fixé du regard le magnifique paysage alentour...

Le crépuscule descendait lentement, plongeant la terre dans la pénombre et les étoiles là-haut dans le ciel commençaient à briller...

Aidé par les brises vespérales, remontant le courant depuis le point de confluent avec la Saône sur le chemin du retour vers le centre-ville, Tatien ramait aisément.

Ils semblaient absorbés par le grand silence à peine troublé de temps à autre par le vol rapide de quelques oiseaux retardataires, lorsqu'ils entendirent la voix veloutée d'une femme chantant au bord du fleuve...

Étoilesnids de la vie, Dans les espaces profonds,

Nouveaux foyers, nouveaux mondes,

Couverts d'un voile léger.. .

Délicates roses de Cérès,

Nées au soleil d'Eleusis,

Vous êtes la demeure des dieux,

Qui vous sculptent dans les cieux !. . .

Vous nous dites que tout est beau, Vous nous dites que tout est saint,

Même quand il y a des larmes

Dans le rêve qui nous conduit.

Vous proclamez à la terre curieuse,

Dominée de tristesse,

Qu'en tout règne la beauté

Vêtue d'amour et de lumière.

Et quand la nuit est plus froide

Une sinistre douleur nous surprend,

Et rompt le lien obscur

Qui nous retient à notre cœur,

Illuminant l'aube

Du paysage d'un nouveau jour,

Où le bonheur rayonne

En une éternelle résurrection. Donnez la consolation au pèlerin,

Qui avance au hasard,

Sans toit, sans paix, sans boussole,

Torturé, souffrant..

Temples d'un bleu infini,

Apportez à l'humanité

La gloire de la divinité

Dans la gloire de votre amour

Etoiles — nids de fa vie,

Dans les espaces profonds,

Nouveaux foyers, nouveaux mondes,

Couverts d'un voile léger...

Délicates rosés de Cérès,

Nées au soleil d'Eleusis,

Vous êtes la demeure des dieux,

Qui vous sculptent dans le ciel !...

Qui peut bien chanter ainsi ?

a demandé Blandine admirative.

Tatien, impressionné, a ramé presque qu'instinctivement en direction d'une accueillante plage toute proche et devant la jeune fille qui chantait, lui et sa fille n'ont pu contenir la sympathie qui était brusquement née dans leur cœur.

Il a amarré son bateau sur la marge et ils sont descendus.

La jeune femme, surprise, est venue à la rencontre de la petite, s'exclamant :

Belle enfant que les dieux te protègent !...

Et qu'ils protègent aussi notre belle inconnue — a murmuré Tatien de bonne humeur.

Et, dans l'intention de dissiper toute timidité, il a ajouté :

Par Sérapis ! Je n'ai jamais entendu de si bel hymne aux étoiles. Qui a écrit un aussi joli poème ?

C'est mon père, Monsieur.

L'excursionniste a ressenti un étrange pincement au coeur. Cette voix pénétrait ses fibres les plus intimes. Elle attendrit inexplicablement son âme. Qu'est-ce que pouvait bien faire cette femme toute seule sur cette plage maintenant peuplée d'ombres ? Remarquant qu'elle et Blandine dans un mouvement d'affection naturel s'étreignaient, il oublia l'idée de retourner sur le champ au bateau et lui fit gentiment :

Franchement, je serais très heureux de connaître de près l'auteur de cette délicate composition.

C'est facile — a expliqué la jeune femme joyeuse — , nous vivons ici même.

Offrant sa main à la petite, elle est passée devant.

Après quelques pas, le trio a pénétré dans une simple maison dont la pièce la plus grande était une salle étroite et peu confortable. Là à la clarté de deux torches, un vieux fixait un précieux luth.

Divers instruments musicaux y étaient entassés révélant la profession du propriétaire de la maison.

Un peu gênée, la jeune fille a présenté les arrivants, en expliquant :

Papa, ce sont deux voyageurs du fleuve. Ils ont écouté la chanson aux étoiles et se sont intéressés à son auteur.

Oh ! Comme c'est généreux ! — et tout en montrant un large sourire le vieil homme a ajouté : — qu'ils entrent ! La maison est minuscule mais c'est la vôtre.

Un entretien amical s'est engagé.

L'ancien, qui approchait des soixante-dix ans, portait dans ses yeux une rayonnante vigueur juvénile qui se manifestait dans les paroles qu'il prononçait.

Sans affectation, il s'est présenté.

Il s'appelait Basil, né à Rome, il était fils d'esclaves grecs. Bien qu'endetté vis-à-vis de son ancien maître, Jubellius Carpus qui l'avait émancipé, il continuait libre et agissait pour son propre compte.