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Quelques-uns portaient sur leur visage les expressions de la nostalgie et de la douleur, comme s'ils étaient liés à la bataille sur terre par des blessures d'affliction qui ne pouvaient être soignées qu'en retournant aux angoisses du passé.

Mais, l'attente n'a pas duré longtemps.

Dominant le son des clarinettes qui résonnaient dans la nuit, la voix du prédicateur a ressurgi :

Nombreux sont ceux parmi vous, frères aimés, qui avez laissé derrière vous de vieilles promesses d'amour et désirez retourner à la rude voie de la chair comme pour affronter les flammes d'un incendie et sauver des affections inoubliables. Néanmoins, dévoués maintenant à la vérité divine, vous avez appris à placer les desseins du Seigneur au-dessus de vos propres désirs. Fatigués d'illusion, vous analysez la réalité tout en cherchant à la grandir, et la réalité accepte votre concours décisif pour s'imposer au monde.

N'oubliez pas néanmoins que vous ne collaborerez à l'œuvre du Christ qu'en aidant sans exiger et en travaillant sans vous attacher aux résultats. Tout comme la mèche de la bougie doit se soumettre et se consumer pour vaincre les ténèbres, vous serez contraints à la souffrance et à l'humiliation pour que de nouveaux horizons s'ouvrent à la compréhension des créatures.

Pendant longtemps, encore, le programme des Chrétiens ne s'éloignera pas des paroles de l'apôtre Paul (1) : Nous sommes pressés de toutes parts, mais non réduits à l'extrême ; dans la détresse, mais non dans le désespoir ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non perdus ; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps. Car nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle.

(1) II Corinthiens, 4:8-11 (Note de l'auteur spirituel)

Pendant plusieurs minutes encore, le mentor poursuivit ses explications sur les devoirs qui attendaient les légionnaires de l'Évangile face aux difficultés du monde, puis il descendit finalement de la tribune dorée pour échanger des propos fraternels.

Nombre d'entre eux lui baisèrent les mains commentant avec enthousiasme les tâches

à venir.

Les observations et les prières de protection cessèrent lorsque le prédicateur fut approché par une personne qui se manifesta avec une affectueuse intimité.

Varrus ! — s'exclama-t-il, en étreignant le nouvel arrivant tout en contenant son émotion.

II s'agissait d'un vieux romain au regard pénétrant et triste dont la tunique très blanche se confondant avec l'habit lumineux de son compagnon, ressemblait à une nappe de brouillard éteint rencontrant la soudaine clarté de l'aube.

À l'expression de tendresse qu'ils échangèrent, on pouvait voir qu'il s'agissait de deux amis qui, le temps d'un instant, firent abstraction de l'autorité et de l'affliction dont ils étaient porteurs pour s'entrelacer après une longue séparation.

Une fois leurs premières impressions échangées pendant lesquelles des événements du passé furent rappelés, Varrus Quint, dont la physionomie romaine portait les traits de la sympathie et de la peine, expliqua à son ami moralement plus évolué qu'il prétendait retourner au plan physique, très prochainement.

Le représentant de la Sphère supérieure l'écouta avec attention et lui dit avec mesure, l'air surpris :

Mais, pourquoi ? Je connais la richesse de tes services voués non seulement à la cause de l'ordre mais aussi à la cause de l'amour. Dans le monde patricien, tes dernières expériences furent celles d'un homme correct qui alla jusqu'au sacrifice extrême et tes premiers essais dans la construction chrétienne ont été des plus dignes. Ne vaudrait-il pas mieux continuer dans ta démarche au-dessus des paysages inquiétants de la chair ?

L'interlocuteur fit un geste calme de supplique et allégua :

Claude, mon ami béni ! Je te le demande !... Je sais que tu as le pouvoir d'autoriser mon retour. Oui, sans aucun doute, les appels de l'au-delà émeuvent mon âme !... Je désire ardemment m'unir définitivement aux nôtres de l'avant-garde... Néanmoins — et sa voix a presque disparu tant son émotion était forte — parmi ceux qui sont restés en arrière, j'y ai un fils cher à mon cœur perdu dans les ténèbres et que je désirerais aider...

Tatien ? — demanda le mentor intrigué.

Lui-même...

Et Varrus continua avec une charmante humilité :

Je rêve de le conduire au Christ de mes propres bras. J'ai imploré le Seigneur une telle grâce avec toute la ferveur de mon affection paternelle. Tatien est pour moi ce que la rosé représente pour l'arbuste épineux où elle est née. Dans ma pauvreté, c'est mon trésor et, dans ma laideur, c'est la beauté dont je désire m'enorgueillir. Je donnerais tout pour me consacrer à lui, à nouveau... Le caresser près de mon cœur pour le guider dans ses étapes en direction de Jésus, c'est le ciel auquel j'aspire..

Et, comme s'il voulait sonder l'impression qu'il avait causée à son ami, il ajouta :

Par hasard, aurais-je tord dans mes aspirations ?

Le vieux guide le caressa avec une évidente expression de piété, il passa sa main droite sur son front baigné de lumière et lui dit :

Je ne discute pas tes sentiments que je suis contraint de respecter, mais... une telle renonciation est-elle vraiment nécessaire?

Comme s'il organisait ses propres réminiscences afin de s'exprimer avec assurance, il fit une longue pause qu'il interrompit lui-même en faisant remarquer :

Je ne crois pas que Tatien soit prêt. Je l'ai vu, il y a quelques jours au temple de Vesta, commandant une importante légion d'ennemis de la lumière. Il ne m'a pas semblé incliné à quelque service que ce soit en faveur de l'Évangile. Il erre dans les sanctuaires des divinités olympiennes incitant aux émeutes contre le christianisme naissant et se complaît toujours aux festivités des cirques trouvant de l'intérêt et de la joie aux effusions de sang.

J'ai suivi mon fils dans ce lamentable état — acquiesça Varrus Quint mélancolique —, néanmoins, ces derniers jours, je le sens amer et angoissé. Qui sait si Tatien n'est pas à la croisée d'une grande rénovation ? Je sais qu'il a été récalcitrant dans le mal en se consacrant indéfiniment aux sensations inférieures qui l'empêchent de percevoir les horizons plus élevés de la vie. Mais je finis par me dire à moi-même que quelque chose doit être fait quand nous ressentons le besoin de réajustement pour ceux que nous aimons...

Et peut-être parce que Claude se taisait, songeur, l'affectueux Esprit reprit la parole :

Mon ami dévoué, permets-moi de retourna:..

Tu seras, cependant, conscient des risques de cette entreprise ? Personne ne sauvera un naufragé sans s'exposer aux lames des vagues. Pour aider Tatien, tu te plongeras dans les dangers où il se trouve.

Je sais cela — interrompit Varrus, déterminé, poursuivant sa supplique — ; au nom de notre amitié, tu m'assisteras dans mes intentions. Je chercherai à servir l'Évangile de toutes mes forces, j'accepterai tous les sacrifices, je mangerai le pain de la haine abreuvé de sueur et de sanglots ; et par-dessus tout, je supplie l'autorisation d'inciter mon fils au travail du Christ par tous les moyens qui seront à ma portée... Je sais que le chemin sera fait d'obstacles, néanmoins, avec l'aide du Seigneur et l'appui de mes amis, je pense être victorieux.