Выбрать главу

Une terrible épidémie s'était répandue dans toutes les provinces.

La peste était apparue lors d'une fête à Neocesaria et de oute part on clamait que la terrible maladie était le fruit de la sorcellerie chrétienne.

Profitant de cette occasion, des prêtres des divinités de l'Olympe cherchaient à renforcer la superstition, semant la nouvelle que les dieux flagellaient le peuple en combattant la mystification nazaréenne qui se répandait fatalement.

En raison de cela, des prières collectives étaient faites dans les sanctuaires, jour et nuit. De nombreux temples ouvraient leur porte manifestant leur charité en accueillant les malades et les agonisants.

Des prêtres de Jupiter, de Cybèle et d'Apollon se réunissaient en prières implorant l'assistance et l'aide d'Esculape dont les sacrifices de coqs et de serpents se multipliaient sur les autels recevant les vœux.

Mais avec l'unification des cultes et des croyants autour du dieu de la médecine, la haine du christianisme s'était aggravée.

À nouveau des lapidations et des incendies touchèrent les abris miséricordieux. Les partisans de Jésus, avec plus de rigueur, étaient lapidés, emprisonnés, bannis ou exterminés sans compassion.

Bien que silencieux quant à l'Évangile en hommage à la mémoire de son père, Tatien, qui n'avait jamais changé spirituellement, considérait au fond que le nouveau mouvement de répression était juste.

Ignorant délibérément ce qui se passait en dehors des murs de son foyer, il se partageait entre la petite et ses deux amis, se considérant le plus heureux des mortels, alors que le philosophe et sa fille cachaient leur cœur saignant de douleur.

Se sentant revivre, il semblait trouver en l'amour pleinement vécu en esprit, une source bénie d'énergie et de vigueur.

Il réfléchissait au caractère opportun du long séjour de sa femme à Rome garantissant leur bonheur à tous deux lorsque Teodul est arrivé de la ville impériale avec une visible expression d'anxiété, lui apportant le message où sa compagne suppliait sa présence immédiate.

Hélène semblait vider son cœur dans cette longue lettre.

Elle lui indiquait que bien que désireuse de retourner chez elle, elle luttait contre l'ingrate maladie de leur aînée que les médecins croyaient proche de la tombe. Lucile empirait, quotidiennement. Elle l'implorait, donc, de venir à leur rencontre et d'amener Blandine. Elle décrivait avec émotion le caractère critique de sa préoccupation maternelle, dévouée et seule. Galba, l'oncle et le fiancé, devait rester à Campanie pour traiter d'intérêts particuliers et Anaclette souffrait d'un inévitable épuisement. Veturius lui-même, éreinté et abattu, le suppliait d'oublier les déboires du passé, une fois pour toutes et l'attendait, non pas comme un beau-père mais comme un père, les bras ouverts.

Tatien se sentait bien trop distant d'Hélène et de Veturius pour les plaindre, mais le risque de perdre sa fille malade lui faisait mal au cœur.

Des larmes lui sont montées aux yeux alors qu'il pensait à la première fleur de ses idéaux de paternité.

Qu'avait-il fait, lui son père responsable pour la jeune fille sur le point de mourir ? Lucile avait grandi, absorbée par les caprices maternels. Effectivement, il n'avait jamais été vraiment enclin à lui vouer une plus grande attention.

Ne serait-il pas raisonnable de compenser ce manque, maintenant, en lui manifestant son affection ?

Mais la perspective d'une rencontre avec son beau-père le répugnait et le retour d'Hélène ne lui inspirait pas le moindre plaisir.

En vain, Teodul a attendu qu'il se prononce.

Après un long moment, il lui fit observer, désappointé :

J'apporte des nouvelles bien peu réjouissantes de la jeune Lucile et...

Je sais, je sais — l'a interrompu Tatien, sèchement.

Le préposé d'Opilius a tourné les talons et s'est éloigné alors que son interlocuteur se rendait dans son cabinet particulier pour réfléchir longuement sans trouver de solution à l'énigme qui le tourmentait.

Au crépuscule, en compagnie de sa fille, il est allé chez l'accordeur pour réfléchir davantage à la question.

La lettre a été lue avec affection.

Livia est devenue pale, mais elle voulut se dominer luttant contre toute émotivité moins louable.

Le message de Rome la perturbait.

Les paroles de l'épouse lointaine lui laissaient la pénible conviction que l'amour de Tatien ne pourrait pas lui appartenir. En son for intérieur, une amertume inopinée l'a assaillie, comme si elle était informée d'un malheur proche. Elle ressentit l'envie de pleurer convulsivement mais la sérénité paternelle et la courtoisie manifeste de l'homme aimé lui imposaient de garder son équilibre.

Tatien commentait à voix haute, les difficultés qu'il avait à se rapprocher de son beau-

père.

En outre, depuis sa jeunesse, il n'avait pas revu la métropole et n'avait pas envie d'y retourner.

Ne serait-il pas mieux de négliger l'appel ?

À quoi bon sa présence auprès de sa fille malade, si Opilius, plein d'argent pouvait l'entourer de médecins, d'infirmiers et de serviteurs ?

Tout en étreignant son enseignante attristée, Blandine écoutait l'exposition faite avec une évidente contrariété.

Toutefois, le vieil homme lui adressa la parole avec une tendresse toute paternelle.

Percevant son incertitude bien que sollicité à se prononcer, il lui conseilla calmement :

— Mon enfant, il est des obligations majeures dans le domaine des devoirs communs de notre vie. Celles qui se rapportent à la paternité ont un aspect essentiel que l'on ne peut ajourner. N'hésite pas. Si ton vieux beau-père t'a offensé dans ta fierté d'homme, pardonne et oublie. Aux plus jeunes, il revient de comprendre les plus vieux et de les soutenir. Je désire ardemment que le ciel nous accorde la guérison de ton enfant, mais si la mort l'emporte sans le réconfort de ton affection personnelle et directe, ne pense pas que tu seras exempté de l'ombre du remords qui t'accompagnera comme un bourreau subtil.

Plongé dans les réflexions qui envahissaient son âme indécise, le patricien n'a pas répondu.

Livia, néanmoins, a voulu l'inciter à désister du voyage en disant :

Mais, papa, imaginons que Tatien soit inspiré par des forces d'ordre supérieur, supposons qu'effectivement, il ne doive pas y aller... Ne serait-il pas plus juste de se fier à sa propre intuition ? S'il était surpris par quelque désastre pendant le voyage ? S'il attrapait la peste inutilement ?

Le vieillard a secoué la tête et a réfléchi :

Ma fille, en matière de bien-faire, je pense que nous devons aller jusqu'au bout. Même si le mal nous dilacère, même si l'ignorance nous trahit, je considère que le devoir réclame notre effort personnel dans les plus petites phases de notre vie. Tatien a une fille malade dont sa mère elle-même nous affirme être près de la mort. Toutes deux supplient son aide. De quel droit peut-il s'esquiver ?

Se fiant à l'expérience que les années avaient conférée à son cœur, Basil a avancé, après une courte pause :

Si tu étais l'épouse tourmentée par l'affliction, excuserais-tu son absence ?

La jeune femme a abandonné tout argument, mais Blandine qui voulut apporter un peu de bonne humeur à la scène intime, est intervenue, en demandant :

Papa, pourquoi ne pas emmener grand-père Basil et Livia avec nous ? Nous pourrions voyager tous les quatre ensemble ?

Le vieil homme a caressé ses doux cheveux bruns et lui fit observer sur un ton joyeux :

Non, Blandine ! Un voyage aussi long ne peut être réalisé par nous tous. Nous resterons à attendre. Quand tu reviendras, nous aurons créé de nouvelles musiques. Il est possible que tu reviennes avec une belle harpe. Bien évidemment, ta maman verra les progrès artistiques que tu as faits et elle voudra récompenser tes efforts avec un instrument plus moderne.. Qui sait ?