Выбрать главу

Le respectable mentor franchement compatissant ne voulant pas s'attarder sur la question de l'ordre à donner, demanda :

De combien de temps penses-tu avoir besoin pour cette entreprise ?

J'ose soumettre la réponse à tes propres critères.

D'accord — conclut le compagnon généreux —, j'appuie ta décision avec confiance. Je t'accorde cent ans pour cette tâche à réaliser. Je pense qu'un siècle suffira. Nous déciderons des mesures à prendre pour que tu sois soutenu dans ton nouvel habit de chair. Tes services à la cause de l'Évangile seront crédités au niveau de la Sphère Supérieure, quant au mérite ou au démérite de Tatien face à ton renoncement, j'admets qu'il restera d'ordre privé relevant de ta propre responsabilité.

Incité par des amis à résoudre d'autres problèmes, Claude lui lança un regard compatissant et conclut :

— N'oublie pas que nous serons unis par la prière. Et cela même sous le lourd voile de l'oubli dans la lutte physique, nous entendrons tes appels et te soutiendrons de toute notre assistance. Va en paix quand tu le voudras et que Jésus te bénisse.

Varrus lui a alors adressé des paroles émouvantes de reconnaissance et réaffirma les promesses qu'il avait formulées puis se retira, pensif, sans vraiment savoir quelles étranges émotions envahissaient son âme, plongé qu'il était encore entre les élans de joie et le dard de l'amertume.

À la splendeur du crépuscule alors que le soleil, véritable brasier, se couchait du côté d'Ostie, l'Esprit de Varrus Quint, solitaire et songeur, arriva au pont Cestio après s'être attardé à la contemplation des eaux du Tibre, comme retenu par des souvenirs obsessifs.

De douces brises soufflaient en chantant comme s'il s'agissait de l'écho lointain de mélodies occultes dans le ciel limpide.

Rome était décorée pour célébrer les victoires de Septime Sévère sur ses terribles concurrents où après une triple défaite, Pescennius Niger avait été battu par les forces impériales et décapité sur les marges de l'Euphrate, alors qu'Albin favori des légions bretonnes2 avait été vaincu en Gaules se suicidant de désespoir.

(2) N.T. : Bretagne soit l'actuelle Angleterre

Plusieurs jours de fête commémorèrent la brillante gloire de l'empereur africain mais à la demande des augustes, la fin des solennités était prévue pour la nuit suivante dans le grand amphithéâtre avec toutes les pompes du triomphe.

Affichant une expression d'expectative et de tristesse, Varrus a traversé le petit territoire de l'île du Tibre et rejoint le temple de la Fortune observant la foule de groupes épars se rassembler sur la place en direction du magnifique édifice.

Les litières de hauts dignitaires de la cour entourées d'esclaves dispersaient des petits groupes de chanteurs et de danseurs. Des biges fastueux et des voitures décorées balayaient la foule, conduisant de jeunes tribuns et des dames patriciennes de familles traditionnelles. Des marins et des soldats se querellaient avec des vendeurs de boissons et de fruits alors que la vague populaire grandissait chaque fois davantage.

Des gladiateurs au corps démesuré arrivaient souriants courtisés par les joueurs invétérés de l'arène.

Et alors que le son des luths et des timbales se mêlait au rugissement distant des fauves en cage, réservés au magnifique spectacle, la gloire de Sévère et le supplice des chrétiens étaient les sujets favoris de toutes les conversations.

Le passant spirituel regardait non seulement la multitude avide de plaisirs mais aussi les phalanges bruyantes d'entités ignorantes ou perverses qui dominaient les sinistres commémorations.

Varrus voulut s'avancer comme pour chercher quelqu'un mais la lourde atmosphère régnante l'obligea à battre en retrait. Il contourna alors le célèbre amphithéâtre, parcourut les ruelles étroites entre le Celio et le Palatin, traversa la porte Capène et atteint la campagne se dirigeant vers les tombes de la voie Appienne.

La nuit claire s'était posée sur les maisons romaines.

Des milliers de voix entonnaient des cantiques de joie à la clarté argentée du clair de lune. Les chrétiens désincarnés se préparaient à recevoir leurs compagnons de sacrifice. Les martyrs prétendument morts venaient saluer les martyrs qui, cette nuit, allaient mourir.

Varrus Quint s'est joint au large groupe et a prié avec ferveur demandant au Seigneur les forces nécessaires à la difficile mission à laquelle il prétendait se consacrer.

Des prières et des commentaires sanctifiés furent prononcés.

Quelques heures plus tard, l'énorme assemblée spirituelle s'est dirigée vers l'amphithéâtre.

Des hymnes de joie se sont élevés sur les hauteurs.

Non seulement les messagers de la voie appienne atteignaient l'amphithéâtre en d'harmonieuses prières, mais des envoyés du Mont Vatican et des travailleurs spirituels de groupes de prière évangélique de l'Esquilin, de la voie Nomentana et de la voie Salaria, comprenant aussi des représentants d'autres régions romaines, pénétraient l'enceinte agitée telles des armées de lumière.

Introduits dans l'arène pour les derniers sacrifices, les adeptes de Jésus chantaient également.

Ici et là, des viscères de fauves morts se mélangeant aux corps horriblement mutilés des gladiateurs et des bêtes vaincues étaient rapidement retirés par des gardes en service.

Quelques disciples de l'Évangile, surtout les plus âgés, attachés à des poteaux de martyre recevaient des flèches empoisonnées, puis les corps étaient incendiés servant de torches à l'occasion de ces exhibitions festives, alors que d'autres les mains jointes se livraient, sans défense, à l'assaut des panthères et des lions de Numidie.

Presque tous les suppliciés se détachaient de la chair en une sublime extase de foi, recueillis affectueusement par les frères qui les attendaient entonnant des cantiques de victoire.

Varrus Quint, néanmoins, face à la clarté intense avec laquelle les légions spirituelles avaient désintégré les ténèbres, n'était pas intéressé par l'exaltation des héros.

Il scrutait du regard les tribunes pleines jusqu'à ce que, finalement, il fut pris de signes d'angoisse évidents par un groupe d'Esprits turbulents enthousiastes manifestant une audacieuse débauche.

Soucieux, Varrus s'est approché de l'un des jeunes qui poussait des éclats de rire intrépides et, l'étreignant avec une profonde tendresse, il lui murmura :

— Tatien ! Mon fils ! Mon ffls !.

Le jeune homme qui était plongé dans un très profond courant de sensations inférieures ne put voir le bienfaiteur qui lui étreignait la poitrine, mais pris d'une soudaine inquiétude, il s'est immédiatement tu, abandonnant l'enceinte, dominé par une invincible anxiété.

Il n'identifiait pas la présence du vénérable ami à ses côtés, néanmoins, étreint par celui-ci, il ressentit une immense aversion pour l'odieuse solennité.

Se tenant à l'écart de ses compagnons, ayant besoin de solitude, il s'est éloigné rapidement arpentant les rues et les places.

Il désirait penser et reconsidérer seul le chemin qu'il avait parcouru.

Après un long cheminement, il atteint la porte Pinciana en quête de solitude. Dans les jardins où l'on vénérait la mémoire d'Esculape, il y avait une magnifique statue d'Apollon près de laquelle il aimait parfois méditer.

Le corps en marbre de la divinité olympienne se tenait magnifiquement érigé exhibant dans une main une urne parfaite aux bords tournés vers le sol comme si elle cherchait à féconder la terre-mère.