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Que pouvait-elle faire si ce n'est se résigner face à la volonté de Dieu ? Ne devait-elle pas se réjouir de pouvoir consoler son dévoué père qui l'avait reçue amoureusement dans cette vie ? Ne devait-elle pas se sentir infiniment heureuse de se voir parmi les fidèles partisans du Christ, honorée de l'occasion de prouver sa foi ?

Alors elle a fixé avec attention le visage calme de Basil dont les yeux étincelaient de joie et d'espoir...

Jamais son père adoptif ne lui avait semblé aussi beau. Ses cheveux blancs paraissaient renvoyer des rayons de clarté azurée.

Pour la première fois, elle réfléchissait aux afflictions et aux luttes que le vieux philosophe avait traversées... elle pouvait imaginer les nostalgies qui l'accompagnaient certainement, depuis sa jeunesse lointaine, médita sur l'amour qu'il lui avait dévoué, à elle qui avait été abandonnée dans une lande au lever du jour et ressentit pour cet homme courbé par la vieillesse, une affection filiale plus forte et plus pure, renouvelée et différente..

Quelque chose en elle fut sublimée.

Instinctivement, elle a retiré sa dextre des mains ridées qui la retenaient et l'a étreint avec une tendresse qui, jusqu'à présent, lui était inconnue.

Elle a senti battre son cœur dans sa poitrine fatiguée et en lui embrassant la face, avec une extrême émotion, elle lui dit tout bas :

Mon père'...

Touché d'une joie mystérieuse, Basil a laissé couler quelques larmes et a balbutié :

Tu es heureuse, ma fille ?

Très heureuse..

Il a embrassé ses cheveux bruns ondulés qu'un fil doré retenait et a affirmé en murmurant :

Que votre cœur ne se trouble !... ceux qui s'aiment en le Christ, vivent au-delà de la séparation et de la mort...

À cet instant, Vestinus serein a levé sa tête inondée par l'expression d'un bonheur ignoré sur terre et poursuivit :

Notre enceinte est glorieusement visitée par les martyrs qui nous ont précédés...

Et, la voix presque saisie de sanglots nés de la joie que son cœur ressentait, il a continué :

Ils éblouissent mes yeux de la lumière bénie dont ils sont vêtus ! Devant eux, est entré Irénée, notre berger inoubliable, portant dans ses mains un rouleau éclatant...

Après lui, d'autres amis spirituels, glorifiés au Royaume de Dieu, ont passé notre porte avec des sourires d'amour !... Je les vois tous... Je les connais de ma première jeunesse ! Ce sont de vieux compagnons assassinés du temps des empereurs Septime Sévère et Caracalla !... 15 Ici, il y a Ferréol et Fermée avec de rayonnantes auréoles qui partent de leur bouche, rappelant le supplice de la langue qu'on leur a violemment arrachée !... Andéol, le valeureux sous-diacre, porte sur son front un diadème formé de quatre étoiles, rappelant la flagellation de sa tête brisée en quatre par les soldats... Félix, dont ils ont arraché son cœur encore vivant de sa poitrine, porte au thorax un astre rayonnant ! Valentinienne et Dinocrate, les vierges qui ont supporté d'épouvantables insultes de la part des légionnaires, sont vêtues de tuniques d'une blancheur immaculée !... Laurent, Aurèle et Sophrone, trois jeunes avec lesquels je jouais dans mon enfance et qui ont été balayés par des épées en bois, sont porteurs de palmes de lys blancs !... D'autres arrivent et ils nous saluent, vainqueurs... Irênée s'approche de moi et détache un des fragments du rouleau lumineux... Il me recommande de le lire à voix haute !... Vestinus fit une brève pause et s'exclama admiratif : — Ah ! C'est la seconde épître de l'apôtre Paul aux Corinthiens !

R (15) Référence faite par Vestinus à plusieurs martyrs chrétiens de France dont certains sont inscrits dans l'histoire des saints. - (Note de l'auteur spirituel)

D'une voix entrecoupée par l'émotion, il s'est mis à lire : « 16Nous sommes pressés de toute part, mais non réduits à l'extrême ; dans la détresse, mais non dans le désespoir ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non perdus ; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps... »

(16) 2eme Epître aux Corinthiens, chapitre 4, versets 8 à 10. - (Note de l'auteur spirituel)

Après un court intervalle, il a annoncé : — Le cher guide nous informe que l'heure de notre témoignage est proche. Il nous demande de garder notre calme, notre courage, notre fidélité et notre amour... Personne ne sera laissé à. l'abandon... Quelques-uns verront leur mort reportée mais tous connaîtront le calice du sacrifice...

Après une petite pause, il a noté que les visiteurs chantaient un hymne de grâce louant le Maître bien-aimé.

Le prédicateur est resté un long moment en silence comme s'il écoutait une mélodie inaccessible à la perception de ses compagnons.

Des torrents de larmes coulaient sur son visage vieilli.

Avant de clôturer la mémorable réunion, Lucain a invité tout le monde :

— Mes frères, nous sommes un petit troupeau qui s'en remet au ciel !... Bon nombre de nos confrères que la fortune protège ont quitté la ville moyennant le paiement de précieuses contributions à l'envoyé de César. Rares sont ceux qui, manquant de rien, seront victorieux de la tempête qui approche... Dans les quartiers pauvres, nous sommes partagés en groupes de foi dans l'attente de la Bonté Divine... Nous n'avons pas de biens qui puissent susciter en nous des inquiétudes. Le Seigneur nous a délivrés des troublantes angoisses à posséder de l'or sur terre... Pourquoi ne nous réunissons-nous pas tous les soirs, pendant quelque temps, dans notre sanctuaire de confiance ? Ce refuge peut être notre havre de prière et la prière est la seule arme que nous puissions manier face à nos persécuteurs...

Une joie générale a applaudi cette idée et la prière émouvante a marqué la fin de la réunion.

Une compréhension fraternelle s'installait.

Entre amis, ils se mirent d'accord.

Ils reviendraient chaque soir pour le service de la foi.

Alors que quelques fruits étaient servis avec un verre de vin léger, chacun parlait de son expérience personnelle.

Lorsque le tour de Basil fut arrivé, le vieillard a commenté le problème qui l'assaillait. Il avait été libéré moyennant de lourds engagements et devait rembourser, sans délai, la dette qui l'affligeait.

Peines, les frères se sont regardés...

Personne n'avait suffisamment d'argent pour l'aider.

Questionné, Lucain leur a dit que la boîte de secours était vide.

Tout ce qui restait était parti la veille pour apporter un soutien à trois veuves en quête d'assistance.

Mais Vestinus invita le philosophe et sa fille à rester avec lui le temps nécessaire.

Sa maisonnette toute simple pouvait contenir beaucoup de monde.

Avec le consentement de la jeune femme, le vieil homme a acquiescé.

Il n'avait pas confiance en Teodul et craignait quelque attaque à la dignité de son foyer. Auprès de ses amis, même s'ils souffraient, ils auraient l'avantage de partager leur douleur. Livia ne serait pas seule. Les compagnes du groupe la soutiendraient.

Ils promirent de revenir le lendemain et réconfortés, ils ont passé la nuit éclairés dans leur foi.

Le matin suivant, Basil est allé voir Teodul afin de donner son propre domicile en

gage.

Il a longuement réfléchi et en a conclu que ce serait la mesure la plus sûre. S'ils restaient dans la maison, ils seraient probablement victimes de violence puisqu'ils n'avaient pas les moyens de payer, alors qu'en confiant leur habitation à l'administrateur, peut-être arriverait-il ainsi à calmer ses exigences. Considérant aussi la possibilité d'être emprisonné en raison du culte auquel ils se vouaient, il se dit que rien ne serait perdu dans leur humble foyer et qu'en revenant de la capitale de l'Empire, Tatien prendrait connaissance de la situation et conserverait certainement ses manuscrits qui étaient d'ailleurs son unique richesse.