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La jeune femme l'a tendrement embrassé cachant son visage pâle sans prononcer un seul mot. Une insurmontable émotion lui comprimait la poitrine.

Libérât s'est écrié qu'ils prenaient du retard alors que deux légionnaires insistaient auprès des jeunes filles qui finalement se sont laissées emporter sans résistance.

En partant, elles marchaient toutes trois, angoissées et hésitantes, mais Césidia, veuve et mère, s'est exclamée vers elles sur un ton émouvant :

Filles de mon cœur ! Ne nous rendons pas au mal... Cherchons vaillamment la volonté du Christ ! Dieu nous assiste et la vérité nous guide... Mieux vaut la mort avec la liberté que la vie avec l'esclavage ! Avançons résolument ! Les fauves de l'amphithéâtre sont nos bienfaiteurs !... Adieu ! Adieu !...

Leur visage en pleurs sans désespoir, Prisca et Lucine se sont dirigées vers le sentier immonde qui leur était indiqué, lançant des baisers à leurs amis qui restaient en arrière.

Les prisonniers ont repris leur marche.

Un peu plus loin, les matrones furent également jetées dans des cellules différentes alors que les quatorze hommes angoissés mais fermes dans leur foi furent conduits dans une grande salle obscure et humide.

Quelques torches ont commencé à briller.

Un légionnaire à l'aspect répulsif s'est approché du chef et a demandé à voix baisse dans quelle cellule les trois jeunes filles se trouvaient enfermées.

Numicius ricana ironiquement et lui fit remarquer irrévérencieux :

N'y pense pas ! Nous sommes sûrs qu'elles sont toutes vierges et le légat a droit au premier choix. Valérien les verra demain. Après lui, alors...

Puis insouciant et sans le moindre respect, il a ajouté : — Nous les jouerons au jeu.

Des rires étouffés se sont éparpillés parmi les serviteurs de la justice impériale.

Après quelques moments, Egnas Valérien a pénétré solennellement dans l'enceinte.

Le messager de Gallus voulait donner la plus grande importance au travail initié. De toute part, la rumeur parlait d'une probable rébellion des classes inférieures et l'on craignait une rapide adhésion des groupes insurgés.

Il vivait donc entouré d'insidieuses réclamations.

Les familles aisées lui demandaient de prendre des mesures drastiques préventives et les dénonciations de Teodul étaient les premiers emprisonnements du grand mouvement de coercition qu'il prétendait décupler.

Suivi par plusieurs assesseurs, il s'est adressé aux humbles prisonniers d'un ton hautain et arrogant :

— Plébéiens ! — dit-il sèchement —j'ai pratiqué avec largesse dans cette ville la droiture et la tolérance obéissant aux traditions de nos ancêtres, néanmoins, d'honnêtes et respectables patriciens se plaignent de votre attitude ces derniers temps, ce qui constitue une grave menace à la tranquillité des citoyens. Vous êtes accusés, non seulement de cultiver la magie infâme des nazaréens, mais aussi de conspirer contre l'État, avec l'objectif d'usurper la position et le patrimoine des élus d'Auguste qui vous dirigent. Je ne peux donc pas reporter la punition exigée par notre communauté. L'expurgation est indispensable.

Le messager romain s'est interrompu, il a balayé d'un regard fulgurant l'assemblée humiliée et a demandé :

Qui parmi vous coopérera avec nous, nous indiquant les centres d'indiscipline ? Notre magnanimité répondra par la libération de tous ceux qui collaboreront à l'action méritoire dans laquelle nous sommes engagés.

Les chrétiens sont restés muets.

Exaspéré par le silence régnant qu'il prit pour de la déconsidération à son autorité, Valérien s'est dirigé vers Vestinus et Basil, les plus âgés, et s'est exclamé :

À Rome, nous pensons trouver chez les anciens les paroles pleines d'expérience que nous devons entendre en premier lieu.

Il a concentré son attention sur Vestinus et lui a demandé, directement :

Quelles informations peux-tu donner du mouvement subversif en préparation ?

Sans la moindre hésitation Lucain lui a répondu :

Vénérable ambassadeur de César, nous ne sommes pas des délateurs.

Le délégué impérial a esquissé une mine de mécontentement et fixant Basil, il l'a interrogé :

Et vous ? Que dites-vous ?

Le vieux libéré a soutenu son regard pénétrant et a répliqué, serein :

Illustre légat, nous sommes au service du Christ qui nous recommande l'abstention de tout jugement frivole pour que nous ne soyons pas jugés frivolement. L'Évangile n'approuve pas la révolte.

Quelle insolence ! — a crié l'ex-guerrier de Mésie offensé — ces vieux semblent plaisanter !... Sommez de répondre clairement, ils profitent de l'occasion pour se vanter d'être vertueux et faire la propagande de l'agitateur juif ! Ils se trompent, pourtant !...

Et commandant à Libérât l'ouverture de spacieux compartiments annexes, il a ordonné:

Aux chevalets !

Avec la passivité qui leur était caractéristique, les partisans du Crucifié ont pénétré dans la lugubre pièce.

Plusieurs instruments de martyre y étaient alignés.

Obéissant aux ordres reçus, des assistants de Numicius ont attaché les deux vieux à deux grands chevaux de bois liant leurs membres avec de dures cordes en cuir capables de tendre leur corps jusqu'au démembrement.

Affrontant la dureté du milieu, Vestinus a supplié ses compagnons avec humilité :

Frères, ne vous inquiétiez pas pour nous ! L'affliction et le désespoir ne sont pas dans le programme de travail que le Maître nous a tracé. À notre âge, la mort pour Jésus, nous sera une honorable faveur. De plus, il nous a recommandé de ne pas craindre ceux qui tuent le corps car ils ne peuvent tuer l'âme. Aidez-nous en priant ! Les oreilles du Seigneur sont partout vigilantes.

Mais Egnas a ordonné le silence.

Et, alors que les deux vieux étaient liés par les bras, la tête et les pieds sur les grandes pouliches de flagellation, il recommanda que les soldats restent prêts à tourner les roues afin d'intensifier graduellement le supplice, si nécessaire.

Lucain et Basil se sont regardés, inquiets.

Ils se disaient que leur corps exténué ne résisterait pas au terrible supplice.

Sans aucun doute, c'était la fin...

Ils se sont réfugiés dans la prière suppliant l'aide divine quand Valérien s'est écrié ahurissant :

Misérables ! Confessez maintenant ! Où se cachent les chrétiens insoumis ?

Christianisme et insoumission ne peuvent s'entendent ! — a répliqué Vestinus avec calme.

Nous n'avons rien à dire — a ajouté Basil, résigné.

Horde de corbeaux ! — a tonné Egnas possédé. — Par toutes les divinités infernales ! Ils délient leur langue ou payeront très cher leur hardiesse !...

Il fit un signe impératif et les cordes se sont étirées.

Les deux apôtres tourmentés ont senti que leur thorax et leur tête se détachaient, que leurs bras se séparaient de leur tronc.

Gémissants à demi-asphyxies, ils n'ont cependant pas perdu leur détermination.

Confessez ! Confessez ! — répétait le haut dignitaire romain, l'esprit écumant de colère.

Mais comme les révélations se faisaient attendre indéfiniment, il a ordonné de tirer encore plus les cordes.

La poitrine des suppliciés palpitait douloureusement.

Tous deux avaient leur regard cloué au plafond comme s'ils cherchaient, en vain, la contemplation du ciel.

Une sueur pâteuse leur coulait du corps qui se brisait.

À un certain moment, Basil a poussé un cri inoubliable.

Jésus !

Cette supplique s'est échappée du fond de son âme dans un mélange indicible de douleur, d'amertume, d'affliction et de foi.

Les yeux du vieil accordeur n'ont fait qu'un tour dans leur orbite alors que Vestinus présentait les mêmes symptômes d'angoisse.