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Le légat a réfléchi quelques instants et fit observer :

Ton père devait être un bien vieux fou.

Anxieuse de savoir ce qu'il était arrivé à son père, la jeune femme a ajouté avec

intérêt:

Mon père aussi est ici.

Valérien s'est senti gêné par l'expression de confiance avec laquelle ces mots avaient été prononcés et craignant de devoir s'expliquer, il jugea plus prudent de s'en aller pour revenir le lendemain.

Nuit après nuit, Egnas revenait à la chambre que Sinésia, une servante digne de confiance, gardait avec soin.

De pénibles événements endeuillèrent les activités chrétiennes de la ville. Des spectacles de gala étaient marqués par de terribles flagellations. Des interrogatoires cruels finissaient par de révoltantes exécutions stimulées par de longs applaudissements publics.

Isolée de tous, Livia était épargnée.

Les commentaires concernant la femme retenue depuis plus de deux semaines par le messager de l'empereur, finir par atteindre le foyer domestique.

Une nuit, Climène, qui était jalouse, s'est rendue au cabinet de son mari en quête d'impressions et avec l'aide de l'employée, elle s'est mise à écouter derrière les rideaux fermés.

Ne me rejette pas ! — disait Valérien, passionné — je ne veux pas t'obliger à te soumettre. L'amour spontané de la femme que nous adorons est comme un doux nectar récolté au miraculeux pays des rêves ! Aime-moi, Livia ! Soyons heureux ! Considère qu'il est anormal de ne pas céder à l'appel de la vie. Je ne suis pas aussi mauvais que tu l'imagines. Je suis marié, il est vrai, mais ma femme ne partage pas mes affaires. Je suis libre... Je te donnerai le domicile royal que tu désireras. Une villa dans Arelate18 , un palais à Rome, une demeure en Campanie, une maison de repos en Sicile !... Choisis ! Nous vivrons ensemble dans la mesure du possible. Mon assujettissement à l'État est transitoire. J'espère pouvoir jouir prochainement d'un long repos !... Si nous avons des enfants, je garantirai leur avenir. Oublie la dangereuse mystique des juifs, porte l'habit des plus jolies filles des sept collines19, tu auras une existence digne de ta beauté et de tes dons intellectuels... Ne vois-tu pas, par hasard, que je m'humilie à tes pieds ?...

Arles, France. - (Note de l'auteur spirituel)

Allusion à Rome. (Note de l'auteur spirituel)

Les pleurs convulsifs de la jeune femme pouvaient être entendus à une petite distance.

Pourquoi pleures-tu ? Tu ne manques de rien. Dis une parole et tu sortiras d'ici souveraine de mon bonheur. Ne nie pas, plus longtemps, l'appel de mon affection ! Lève-toi et viens ! Que veux-tu pour construire ton bonheur ?

Mon Seigneur — sanglotait la jeune femme découragée —, selon les entretiens de Sinésia avec les serviteurs de cette maison, je sais que mes compagnons de croyance marchent tous les jours au sacrifice... Mon père aura probablement déjà donné son grand témoignage de foi !... Pour que je bénisse sa générosité de mon éternelle reconnaissance, accordez-moi la grâce de mourir auprès des miens...

Jamais ! — a tonné la voix d'Egnas irrité — tu ne partiras pas d'ici sans avoir abjuré la croyance ignominieuse ! Je ne renoncerai pas tant que je n'aurai pas pu plonger mes yeux dans les tiens, tel un assoiffé qui se noie dans une source d'eau pure ! J'aime tes yeux mystérieux qui en moi éveillent quelque chose de secret, d'étrange et de profonds sentiments que je n'arrive pas à expliquer. Tu seras mienne, bien mienne !... Je changerai tes convictions, je ferai plier ton incompréhensible orgueil !...

Les oreilles de Climène ne purent en supporter davantage.

Étouffant en larmes qui se brisaient sur sa poitrine, la matrone s'est éloignée rapidement.

Une fois chez elle, bien qu'ayant remarqué le retour de son mari au lit conjugal, elle ne réussit pas à dormir.

De nombreuses images de révolte et de désespoir traversaient son esprit tourmenté.

Irritée et bouleversée, elle s'est souvenue d'Hélène, pensant trouver en elle l'amie à qui elle pourrait se confier.

C'est ainsi que dès que le jour se fut levé, elle est allée à la villa Veturius où en pleurs, elle a fait des confidences détaillées à sa compagne.

Pleine d'attention, la femme de Tatien l'a entendu et finalement lui fit observer :

Cette femme est une intruse. Je la connais de nom. Elle nous a donné d'énormes inquiétudes, il y a quelques temps. Elle a la manie de choisir les maris les plus appréciables. Je suppose qu'il est de notre devoir de l'éloigner définitivement. Ne pourrions-nous pas l'inclure dans quelque convoi d'esclaves destinés à l'arène ?

Non, cela non ! — a objecté Climène, effrayée. — Valérien ne me le pardonnerait pas. Semblable mesure reviendrait à le perdre pour toujours. Je ne méconnais pas son tempérament vindicatif. J'ai perçu sa passion démesurée pour la détestable plébéienne. Il se déclarait fasciné par ses yeux et prétendait même l'élever à la position d'une vraie reine !

Ah ! Il s'est dévoilé à ses yeux ? — a demandé Hélène avec malice.

Oui, oui, il lui a assuré qu'elle est le seul amour de sa vie, ça ne l'a pas gêné de me réduire à une simple subalterne!...

La fille de Veturius dont les yeux félins brillaient cruellement, a commenté souriante :

Nous avons à Rome une amie sincère Sabinienne Porcia, dévouée à notre famille depuis l'enfance de mon père. Sabinienne s'est mariée à Bélisaire Dorian qui ne s'est jamais résigné à n'avoir qu'une seule femme. Un jour, à la maison, le turbulent mari exalta à sa femme la beauté des dents d'Eulice, une esclave grecque dont il s'était éperdument épris. Notre amie a écouté, avec calme, les références enflammées et au repas du lendemain, est apparu sur la table un plateau argenté avec la belle denture. Si les dents étaient le motif de sa passion, dit Sabinienne avec sagesse, elle pouvait les servir à son compagnon, sans plus ni moins.

Elle fit résonner un bruyant éclat de rire pour conclure son récit.

Devant son amie atterrée, elle a passé sa main dans sa chevelure décorée de fins fils dorés et a déclaré :

Le souvenir de Porcia m'a donné d'excellentes idées.

Elle a réfléchi... réfléchi... et lui dit :

Appelons Teodul pour nous conseiller. C'est la seule personne capable de nous aider le plus efficacement.

Le docile administrateur a comparu.

Il a écouté le drame de Climène à travers le récit émouvant d'Hélène et a annoncé :

Je suis prêt à collaborer. Il est des femmes d'une influence fatale pour les hommes dignes. Cette jeune femme est l'une d'elles. Elle a le don de faire le malheur des autres.

Hélène, qui gardait le contrôle de la conversation, s'est expliquée à voix basse. Elle possédait à la maison une substance caustique capable de provoquer la cécité irrémédiable. Egnas Valérien s'est passionné pour les yeux de la fille de Basil. Il serait judicieux, donc, d'annihiler les organes de la vue. À ces fins, Climène achèterait la complicité de Sinésia qui, à son insu, lui ferait avaler un narcotique puissant qui ferait dormir la jeune femme en quelques minutes. Peu après, la domestique appliquerait une compresse corrosive sur la partie des yeux de Livia. La jeune femme se réveillerait aveugle, angoissée... Sinésia assumerait le rôle de bienfaitrice la consolant avec des remèdes appropriés. Dans la soirée, Climène elle-même se rendrait à la prison apportant des vêtements à elle afin de déguiser la jeune fille. Climène s'attarderait dans le cabinet de son mari pendant que Sinésia aiderait la prisonnière à changer de vêtements et la conduirait discrètement à l'extérieur. Les gardes, naturellement, la prendront pour Climène soutenue par la gouvernante de la prison et Teodul attendrait Livia, à une courte distance, l'enlevant pour l'emporter très loin de Lyon... fl descendrait avec elle à Massilia lui faisant la promesse de retrouver son vieux père et Tatien, l'exilant finalement sur la côte gauloise.