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Nous sommes pauvres, si pauvres...

Nous vivons de dons en dons

Mais nous sommes heureux

De la grâce qui vient du ciel...

Ma maman est malade,

Fatiguée de tant de douleurs,

Dans ma voix d'enfant

Elle demande une aumône d'amour...

Un petit de sept ans, robuste mais pauvrement vêtu, s'est arrêté près d'elle suivi par une tuberculeuse squelettique.

De toute évidence, c'étaient des mendiants.

Le petit artiste qui jouait et chantait en même temps, avait l'habitude du public parce que plusieurs personnes l'appelaient de son prénom tout en s'exclamant :

Celse, chante encore !

Celse, j oue un peu plus !...

Le garçon s'exécutait, satisfait, rassemblant quelques pièces éparses qu'il donnait à la malade.

Livia n'a plus vu la figure paternelle, peut-être diluée par les nouvelles émotions qui pénétraient son esprit, mais elle entendit encore les. paroles de Basil qui lui parlait avec douceur :

Ouvre ton cœur, ma fille !... Regarde ! Un enfant pauvre fait appel à la bonté des gens dans les rues... Aide-les pour qu'ils t'aident, révèle-toi aux autres pour que les autres se révèlent à toi...

La jeune femme a remarqué qu'une force nouvelle pénétrait son âme.

Le bambin avait fini l'une de ses chansons régionales qu'il avait apprise et instinctivement, elle aussi s'est jointe au public, en appelant :

Celse ! Celse, laisse-moi jouer de ton instrument. Le petit a tout de suite acquiescé.

En possession du luth, l'aveugle s'est rendue, en pensée, dans son ancien foyer.

Elle a oublié qu'elle était étrangère sur une terre inconnue et a chanté de toute son âme comme si elle vivait l'une des heures les plus heureuses de sa vie devant son vieux père.

Un grand silence a accompagné ses belles chansons romaines.

Les passants s'entassaient maintenant sur le petit patio du temple consacré à Minerve, et l'enfant, à la fin de chaque morceau, recevait les contributions des dames et des messieurs émus, remplissant la vieille bourse.

Le tableau vivant d'une aveugle à s'exhiber avec une tuberculeuse nauséabonde et un petit en lambeaux, arrachait des larmes à bon nombre.

Après un long répertoire qu'elle prit soin de choisir avec des mélodies qui ne blesseraient pas les susceptibilités du public car l'époque était partagée entre le culte de Jésus et celui des anciennes divinités, Livia s'est tue.

Beaucoup de darnes émues la félicitèrent en lui disant adieux.

L'enceinte s'est vidée peu à peu.

Celse, néanmoins, s'est jeté dans ses bras tendrement.

Comment tu t'appelles ? — demanda-t-il avec simplicité et candeur.

Livia. Et toi, mon brillant chanteur ?

Celse Quint.

Tu es seul ?

Ma mère est avec moi.

Une fois les présentations faites, ils se sont tous embrassés.

Hortense Vipsania, la mère de Celse, a raconté son histoire en quelques phrases.

Elle était veuve de Terce Avelin, un milicien qui était mort sans honneur lui laissant un fils unique tout petit. Son mari était décédé à Syracuse où ils habitaient depuis leur départ de Rome ; mais aussi angoissante qu'était devenue la vie dans la grande ville, affaiblie et exténuée, elle avait décidé d'essayer de rester à Drepanon où il réussissait à se maintenir avec moins de difficultés. Elle avait beaucoup lutté fabriquant des sucreries à vendre, mais elle avait attrapé cette persistante maladie qui la minait petit à petit... Assiégée par la misère, elle avait enseigné à son fils à jouer imparfaitement du luth pour faire appel à la charité publique.

Mais, elle se sentait épuisée. Elle craignait de mourir d'un moment à l'autre. Deux fois, elle avait souffert d'hémoptysies inquiétantes et vivait alarmas..

Livia chercha à la consoler avec des paroles fraternelles, caressant la tête du garçon qui l'étreignait tendrement. Et, quand elle fut interpellée sur sa propre histoire, elle a rapporté la difficile expérience qu'elle traversait. Elle avait perdu son père en Gaule lugdunienne et, aveugle, avait été amenée à Trinacrie21 par un conducteur à la recherche de vieux amis qu'elle n'avait pas réussi à retrouver. Étrangère à tout, elle ne savait ce qu'elle deviendrait et, sans personne, elle ne savait comment se déplacer...

Le petit, qui semblait très intéressé par la conversation, est intervenu en demandant :

Mère, Livia ne pourrait-elle pas être des nôtres ?

Et peut-être parce qu'il était enthousiasmé par les chansons qu'il avait entendues, il ajouta avec spontanéité :

Nous sortirons ensemble et tu te reposeras.

La pauvre mère sourit dans sa désolation et fit observer :

Ancien nom de la Sicile. (Note de l'auteur spirituel)

L'idée de Celse est aussi la mienne. Néanmoins, ma fille, sache que nous vivons dans un endroit minuscule. Si tu es d'accord, viens avec nous

Dans un élan de reconnaissance radieuse, la jeune femme lui a donné sa main droite et la embrassée en larmes.

Elle considérait cette offre comme une bénédiction du ciel.

Elle ne perdait pas l'espoir de revoir Tatien et Blandine et bien qu'étant à leur recherche, elle acceptait ce soutien.

À cet instant même, ils ont fait des plans.

Celse serait son guide sur la voie publique mais elle l'aiderait en lui donnant des rudiments d'éducation et d'art pour la préparation de son avenir.

L'abri d'Hortense était un minuscule toit qui lui avait été cédé par la charité d'une noble famille. Là, la malheureuse veuve cuisinait et dormait dans la même pièce.

Cette nuit-là, cependant, la chaumière était en fête.

De l'argent reçu, la malade en avait retiré une grande partie et avait envoyé son fils acheter des aliments.

Des pains et des gâteaux de viande, en plus d'une bonne réserve de lait de chèvre furent apportés par les petits bras, désireux de servir...

Et tous trois remerciant en silence le ciel de la joie qui vibrait dans leur âme, ils ont partagé le simple repas se sentant plus heureux que les courtisans joyeux de la demeure des rois terrestres.

Hortense, désirant préserver la santé du garçon, l'a isolé dans un coin de la chambre sur un lit de paille et s'est auprès du petit que Livia s'est couchée.

Avant de dormir, avec la sincérité cristalline de l'enfance, Celse tout content s'est adressé à sa mère en lui demandant :

Maman et notre prière ? Nous ne demandons pas aujourd'hui la bénédiction de

Jésus ?

Livia comprit la gêne de sa bienfaitrice qui se taisait peut-être par respect pour les convictions différentes de celles qu'elle avait épousées et s'est immédiatement offerte :

Je ferai la prière de ce soir. Grâce à Dieu, je suis aussi chrétienne.

Et à l'expression de tendresse que la mère et le fils exprimaient, elle a prié émue :

Seigneur Jésus, bénissez la foi avec laquelle nous t'attendons !... Nous te remercions du bonheur de notre rencontre et du trésor d'amitié qui tisse notre union. Nous te louons pour l'aide apportée par nos compagnons et pour les leçons de nos ennemis ! Enseigne-nous à découvrir ta volonté sur le chemin obscur de nos épreuves... Aide- nous à nous résigner face à la douleur et à la certitude que les ténèbres nous conduiront à la vraie lumière ! Seigneur, accorde-nous l'humilité de ton exemple et la résurrection de ta croix ! Ainsi soit-il !...

Hortense et son fils pris d'un indicible espoir par la présence de cette jeune femme qui, seule et aveugle, trouvait la force en elle-même pour les encourager, répétèrent « ainsi soit-il » et se sont endormis paisiblement.

Une nouvelle existence avait surgi pour le groupe le lendemain.

Extrêmement réconfortée dans ce sanctuaire domestique, Livia s'est efforcée de contribuer avec assurance à la tranquillité d'eux trois en se chargeant des petites tâches et égayant l'ambiance de leçons bénies qu'elle tenait de la compagnie de son père. Bien qu'aveugle, elle collaborait pleine de bonne volonté au nettoyage de la maison et dans la soirée laissant Hortense se reposer, elle partait avec le garçon sur la voie publique où grâce à la musique ils collectaient de nouveaux fonds.