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Guidée par Exupéry, LMa a comparu devant le bienfaiteur dont le visage exprimait la beauté morale des grands chrétiens de l'Antiquité. Sur sa figure ridée, des yeux calmes l'ont scrutée alors que ses cheveux blancs dessinaient un contour argenté et après l'avoir écoutée, Agrippa lui a dit sans affectation :

— Ma fille, je pense qu'il est préférable de t'avertir de notre situation. En d'autre temps, nous avions de nombreux esclaves et nous n'étions pas heureux, mais depuis que Domice et moi avons accepté Jésus pour Maître, nos habitudes ont été transformées. Les captifs ont été libérés et nous avons simplifié notre quotidien. La fortune en termes d'argent a fui notre maison mais la tranquillité a commencé à vivre avec nous comme un don céleste. Nous sommes aujourd'hui aussi pauvres que ceux qui nous aident dans notre usine à pain. Si tu acceptes notre vie frugale, nous pourrons te recevoir avec l'enfant. Je sais que tu désires travailler et tu ne seras pas inactive. Au moulin, tu pourras partager avec Ponciane, notre vieille collaboratrice aveugle, les travaux quotidiens. La cécité force à une plus grande attention aux tâches de cette nature, en ce sens notre pierre à moudre s'y prête parfaitement. Je t'affirme, cependant, que nous ne pouvons t'offrir qu'un salaire dérisoire à peine suffisant pour payer l'instruction nécessaire au petit.

Et avec un large sourire, le généreux étranger a conclu :

Mais tu seras avec nous dans l'intimité d'un foyer domestique. Nous avons nos propres prières dans la paix et dans la joie. Néapolis, grâce à Dieu, ne connaît pas la persécution.

Livia ne savait pas comment exprimer son allégresse.

Ah ! Mon Seigneur, cela est tout ce que je désire ! — s'exclama-t-elle radieuse — je servirai volontiers dans votre maison. Là, je jouirai de la tranquillité dont j'ai besoin et Celse recevra la discipline nécessaire pour grandir honorablement.

Le boulanger, un homme simple et serviable, a parlé de musique et s'est réjoui de savoir qu'il amènerait chez lui non seulement une collaboratrice exclusive des tâches manuelles mais aussi une excellente harpiste.

Et après quelques jours, LMa et Celse sont partis en mer en direction de la nouvelle

cité.

À leur arrivée, le garçon ébloui clamait son bonheur.

Le golfe splendide, les pâtés de maison en bord de mer et le spectacle permanent du Vésuve avec son panache de fumée qui se perdait dans le firmament, étaient l'objet de longs et minutieux questionnements pour l'enfant.

Livia, malgré sa cécité physique, ne perdait pas espoir.

Dornice, la femme du bienfaiteur, la reçut les bras ouverts et après une semaine passée à récupérer des forces, elle était en pleine forme pour travailler.

La propriété s'érigeait dans une rue mouvementée et boisée et avait de grands attraits aux yeux du public.

Comme cela arrivait dans presque toutes les villes anciennes, le blé entrait à l'état brut dans l'établissement, là il était dûment transformé en farine pour la fabrication du pain.

Aux côtés de Ponciane, la fille de Basil se chargeait de la meule. Au début, le travail lui avait semblé très dur, mais Livia, rendant grâce à Jésus d'avoir trouvé quelque chose à faire pour occuper son esprit affligé, cherchait à s'adapter en chantant pendant ses nouvelles activités.

La première nuit, elle s'est couchée, fatiguée, dans la petite chambre que Domice leur avait réservée à elle et au petit, et Celse qui se sentait vraiment comme son fils, contrarié de la voir abattue, commenta le nouveau type de lutte en demandant :

Maman, pourquoi tant de travail ? Ne serait-il pas mieux de prendre notre luth et de gagner l'argent des passants dans les rues ?

Non, mon enfant. Le service est le seul moyen qui peut nous permettre d'arriver aux richesses du cœur en grandissant dans la vie. Tu aimes Jésus et tu désires le servir ?

Oui, oui.

Alors, il est indispensable de savoir coopérer avec lui, en aspirant à la satisfaction de faire le plus difficile. Si nous cherchons tous la joie de cueillir qui se chargera du sacrifice de planter ?

Se révélant bien loin des questions philosophiques, Celse continuait en demandant :

Où est Jésus, maman ?

Il nous suit, pas à pas, mon fils. Il sait quand nous nous efforçons de l'imiter et il connaît nos fautes et nos faiblesses. Tout comme le soleil nous envoie du ciel sa lumière en étant présent de manière constante sur notre route, le Seigneur est aussi le divin soleil de nos âmes, à nous illuminer de l'intérieur nous éveillant au bien et nous guidant vers la vie immortelle.

Ma maman Hortense disait qu'il était le plus grand ami des enfants.

Il était et il est, encore et toujours — a ajouté Livia, affectueusement — ; Jésus a confiance en ses enfants et attend qu'ils grandissent pour la gloire de la bonté et de la paix afin que le monde se transforme en Royaume de Dieu.

Celse Quint a étreint sa mère spirituelle avec plus de tendresse, s'est assis et a récité une petite prière de louanges et de reconnaissance au Divin Maître puis tenant la main droite de Livia, s'est endormi avec l'insouciance d'un oiseau heureux.

Avec tâtonnements, la fille de Basil a emmitouflé le garçon et est restée encore éveillée tard dans la nuit.

Par quels desseins insondables était-elle arrivée dans cette maison avec un enfant qui ne lui appartenait pas par les liens consanguins ? Pour quelle intention mystérieuse du Seigneur avait-elle été amenée en Sicile et de Sicile à Neapolis où la vie lui semblait si nouvelle ? Où Tatien et Blandine pouvaient-ils bien être, eux qu'elle pensait ne jamais plus revoir ?

Livia s'est souvenue de chacun des jours difficiles qu'elle avait traversés depuis qu'elle avait été séparée de son vieux père, et rendit grâce à Jésus d'avoir trouvé ce havre de paix et de réconfort.

Caressant le petit qui dormait sereinement, elle a supplié les bénédictions du ciel pour eux deux et se sentit presque heureuse mais elle ignorait que cette relation avec Hortense lui avait transmis les germes d'une nouvelle douleur avec laquelle elle irait doucement vers la mort.

EXPIATION

Le retour de Tatien et de sa fille à Lyon eut lieu en un matin radieux de lumière.

Informé par son beau-père, dont il supporta assez mal la présence, que les médecins avaient recommandé à Hélène de remmener Lucile au climat provincial de toute urgence, il avait décidé de reprendre le chemin du foyer sans attendre.

Mais en raison des vents contraires qui soufflaient en Méditerranée, le retour fut plus long que prévu.

Soucieux de retrouver la paix à la campagne, nos voyageurs étaient attristés par le

retard.

Concernant sa fille malade, le patricien était maintenant rassuré. Si sa femme avait décidé de faire le voyage sur les conseils des médecins, une telle mesure démontrait bien que la patiente n'était pas aussi mal qu'il se supposait.

Lucile se rétablirait certainement à la Villa Veturius au calme. La famille ne souffrirait pas d'émotions plus fortes.

De ce fait, il se laissait porter par un seul désir : revoir le vieux philosophe et sa fille dont leur affection était une stimulation bénie qui lui donnait la force de vivre.

Avec Blandine, il passait de longues heures à parler de musique ou projetait de faire des promenades en campagne en attendant l'instant où ils se reverraient tous et s'embrasseraient longuement remplis de bonheur...

Mais, une pénible déception les attendait. De fait, ils ont trouvé Lucile en forme et bien remise, enthousiaste à l'idée de son prochain mariage avec son oncle, mais c'est atterrés que le père et la fille ont reçu les sinistres nouvelles de la ville.

L'accordeur et sa fille avaient été victimes des persécutions considérées légales.