Et parce que ses cris restaient sans écho dans l'immensité, fatigué et abattu, il s'est allongé par terre, en sanglots...
Des années et des années ont ainsi passé après ces événements.
CŒURS EN LUTTE
Dans sa villa décorée de rosés, sur les collines de l'Aventino du côté du Tibre, Varrus Quint, jeune patricien romain, était plongé dans ses pensées...
Après avoir effectué une longue mission sur la galère de la flotte commerciale d'Opilius Veturius pour qui il assumait les fonctions de commandement, il était rentré chez lui pour se reposer un peu. Une fois qu'il eut affectueusement embrassé sa femme et son fils qui prenait du plaisir à jouer dans le triclinium, il se reposa en lisant quelques écrits d'Aemilius Papinianus dans le pavillon fleuri du jardin.
En l'an 217, Rome passait par une lourde atmosphère de crimes et de tourments alors que les dernières heures de l'empereur Marc Aurèle Antonin Bassianus, surnommé Caracalla (3), avaient sonné.
(3) Bien qu'étant d'une certaine manière tolérant vis-à-vis des chrétiens qui se trouvaient dans une position sociale privilégiée dans la vie publique, le gouvernement de Caracalla permettait la persécution méthodique d'esclaves et de plébéiens voués à l'Évangile, considérés comme étant des ennemis de l'ordre politique et social. (Note de l'auteur spirituel)
Depuis la mort de Papinien cruellement assassiné par ordre de César, l'Empire avait perdu toutes ses illusions quant au nouveau dominateur.
Loin de respecter les traditions paternelles dans la sphère gouvernementale, Bassianus avait lancé une vaste conspiration tyrannique contre le droit établi nourrissant non seulement la persécution des groupes nazaréens les plus humbles, mais aussi tous les citoyens honorables qui osaient désapprouver sa conduite.
Enthousiasmé par les sages idées du célèbre jurisconsulte, Varrus les avait comparées aux enseignements de Jésus qu'il avait en mémoire, réfléchissant aux possibilités de conversion de la culture romaine aux principes du christianisme dès que la bonne volonté pourrait pénétrer l'esprit de ses compatriotes.
Descendant d'une famille notable dont les racines remontaient à la République, malgré la grande pauvreté matérielle où il se débattait, c'était un partisan passionné des idéaux de liberté qui envahissaient le monde.
Dans son âme, il souffrait de voir l'ignorance et la misère dans lesquelles les classes privilégiées maintenaient les foules et se perdait dans de vastes cogitations pour mettre un point final aux millénaires de déséquilibres dans la société de sa patrie.
Il se savait bien incapable d'annoncer un message libérateur et efficace au pouvoir administratif. Sans or et sans soldats, il ne pouvait imposer les opinions qui bouillonnaient dans sa tête, néanmoins, il n'ignorait pas qu'un monde nouveau était en construction sur les ruines de l'ancien.
Sous l'inspiration de l'esprit rénovateur, des milliers d'hommes et de femmes changeaient mentalement. L'autocratie de l'Empire combattait désespérément contre la réforme religieuse mais la pensée du Christ planait sur terre, incitant les âmes à suivre le nouveau chemin du progrès spirituel, même au prix de la sueur et du sang du sacrifice.
Plongé dans de telles réflexions, il fut ramené à la réalité par sa femme, Cintia Julia, qui venait le voir portant dans ses bras leur fils Tatien d'à peine un an, souriant, tendre et aimant comme s'il s'agissait d'un ange ravi au berceau céleste.
Cintia révélait dans son regard obscur la flamme de la vivacité féminine laissant dès le premier instant entrevoir la trame des passions qui débordaient de son âme inquiète. Une large tunique de lin beige faisait ressortir ses formes de madone et d'enfant qui évoquaient le profil espiègle et beau de quelque nymphe qui se serait soudainement transformée en femme, contrastant par là avec la sévère expression de son mari qui semblait infiniment distant de sa compagne dans ses affinités psychiques.