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Désireux d'amoindrir leurs difficultés, le jeune garçon cherchait à le distraire en lui décrivant les beautés du coucher de soleil et tous les aspects intéressants qui surgissaient.

Tatien souriait.

Il avait l'impression de revoir à travers les yeux de sa mémoire le paysage baigné de lumière crépusculaire.

Après un long bout de chemin, ils se sont approchés d'un misérable édifice restauré.

D'après les informations d'Ennio, le jeune garçon fut convaincu qu'ils avaient atteint le domicile d'Éraste.

Mais il avait l'impression qu'il était déjà venu là dans le passé. Les murs humbles, le toit penché vers le sol, la porte rustique, tout lui semblait familier.

C'était la même chaumière que celle de Lysippe d'Alexandrie où Varrus Quint avait rencontré Corvinus pour la première fois. Le vieux Lysippe avait lui aussi connu la palme du martyre et était parti comme tant d'autres à la rencontre du Maître de la Croix, mais la petite construction, bien que passant de chrétien en chrétien, était restée un atelier béni de service à la foi.

Dans le passé, Varrus n'avait pas pu conduire son cher fils aux réunions évangéliques comme il l'aurait souhaité car Cintia exerçait sur lui sa vigilance maternelle... n avait souffert pendant de longues années de la nostalgie et de la flagellation morale, avait traversé le sacrifice et sa propre mort, mais il avait su se résigner et attendre.

Le temps le récompensait de sa constance...

Par la miséricorde du Seigneur, il était revenu à l'existence corporelle, il avait retrouvé le chemin de la chair et l'esprit éternel métamorphosé en Celse Quint, il avait repris la direction de la destinée de Tatien, le poussant vers Jésus, conformément à son ancien idéal...

Presque quarante quatre ans étaient passés depuis que Tatien était venu au monde... et le travail de l'amour continuait, diligent et sublime.

La hutte de Lysippe, tel un point marquant de sa bataille spirituelle, était la même... Simple comme la sérénité inaltérable du Christ et hospitalière comme sa doctrine de lumière...

Extasié, Celse se mit à décrire à l'aveugle la beauté pure de ce nid d'humilité et il le fit avec tant d'émotion que le père adoptif touché supposa avoir trouvé dans cet abri un minuscule palais caché sous les feuillages d'un bois fleuri...

Étrangement heureux, le jeune garçon a frappé à la porte.

Un vieillard au visage calme est venu leur ouvrir.

Le garçon lui fit un signe en silence lui laissant comprendre sa condition d'adepte de l'Évangile et le visage de l'ancien s'est éclairé faisant place à un lumineux sourire.

Il a étreint les arrivants avec des paroles aimables et leur fit un accueil chaleureux.

Et pendant que Celse lui donnait des nouvelles d'Ennio Pudens, Tatien s'est assis sur un vieux banc, se sentant enveloppé d'une tranquillité qu'il n'avait pas ressenù'e depuis bien longtemps.

La brise fraîche, qui pénétrait par les fenêtres, semblait être un message caressant de la

nature.

Deux neveux d'Éraste, Berzelius et Maximin, tous deux sculpteurs, étaient présents dans l'humble pièce et participaient à la conversation.

Le propriétaire de la maison se réjouit à la lecture de la lettre d'Ennio. C'était un compagnon de longue date. Ils se connaissaient depuis l'enfance.

Il se mit à la disposition de Celse et de Tatien en tout ce qui pouvait leur être utile.

Le garçon a alors expliqué que son père et lui avaient besoin d'un abri jusqu'au lendemain quand ils iraient voir une parente qui pourrait peut-être les aider. Ils prétendaient se fixer dans la grande métropole mais ils se sentaient tout naturellement un peu dépaysés.

L'hôte leur a fait servir un léger repas composé de pain, d'huile et de légumes et poursuivit la conversation fraternellement.

Le gendre de Veturius, qui au fond n'avait pas adhéré au christianisme, pour faire plaisir à son fils adoptif écoutait les commentaires en souriant. Il remarqua que Celse manifestait un enthousiaste si inexplicable qu'il n'aurait osé en aucune manière le contrarier. Le vieil homme, les neveux et le garçon se comprenaient avec une telle perfection qu'ils donnaient l'impression d'être de vieilles connaissances se retrouvant en toute intimité.

Maximin et Berzelius, dévoués au culte de la Bonne Nouvelle, faisaient ressortir les difficultés de la vie à Rome. Une nouvelle crise de violence et d'inquiétude était apparue. La défaite de l'empereur Valérien, scandaleusement emprisonné par les Perses, avait provoqué une atmosphère menaçante pour les groupes chrétiens.

Ignace Galien, le fils de l'empereur humilié, était monté au pouvoir. Personnellement, il portait de l'affection pour le christianisme persécuté dont il donna la preuve lors de démonstrations publiques peu après être entré en fonction. Mais face à la sévérité des conflits sociaux, le nouveau régent devait se plier aux désirs des classes dominantes. La force des décrets de 257 et de l'an 258 qui avaient produit des répressions terribles et cruelles au mouvement de l'Évangile, réapparurent avec une grande vigueur. Comme d'habitude, des dirigeants et des autorités attribuaient les désastres politiques de l'Empire à la colère des dieux, révoltés par l'intense prosélytisme chrétien.

La furie des persécuteurs, néanmoins, diminuait à l'égard des familles chrétiennes les plus importantes alors qu'elle s'aggravait vis-à-vis des pauvres et des moins nantis.

Les prisons étaient pleines.

L'amphithéâtre de Vespasien offrait sans cesse des spectacles.

Les anciens et les mentors de l'Église recommandaient surtout aux esclaves et aux plébéiens pauvres d'éviter les rassemblements sur la voie publique.

D'innombrables seigneurs réunis dans l'intention de contrôler l'expansion évangélique, n'hésitaient pas à dénoncer les serviteurs les moins favorisés comme ennemis de l'ordre public, exigeant des représailles et des punitions.

Considérant de probables actions subversives, les tribunaux régurgitaient de magistrats et de démagogues.

D'après l'aristocratie en décadence, les chrétiens qui prêchaient la fraternité étaient considérés responsables de la vague de pensée rénovatrice.

Les fêtes louant Galien dureraient encore pendant un temps indéterminé.

Le gouvernement, à travers ses dignitaires les plus représentatifs, désirant maintenir le peuple impressionné par les victoires de Sapor, promut diverses exhibitions.

En plus des prières publiques devant l'image de Jupiter, des sacrifices d'animaux dans le Capitule, des généreuses distributions d'huile et de blé, des courses électrisantes et des luttes féroces entre gladiateurs renommés, la tuerie de chrétiens les moins nantis au niveau social continuait lors de sinistres spectacles nocturnes.

Les deux voyageurs venant de Gaule ne feraient-ils pas mieux de rester discrets jusqu'à ce que la tempête cesse ?

Face à cette question posée par son hôte et qui planait dans l'air, Tatien a rappelé leur besoin de regagner le centre urbain sans tarder. Il devait se rendre au mont Aventin dans la matinée du lendemain.

Et comme Maximin demandait à Celse Quint son avis, le jeune homme a répondu avec bonne humeur :

— Je ne crains rien. J'ai deux grands amours : Jésus et mon père. Comme je ne prétends pas perdre mon père, j'accepterai volontiers les desseins de Notre Seigneur qui nous a unis. Si nous réalisons nos désirs, nous serons ensemble et, si des souffrances surgissent en chemin, nous ne nous séparerons pas.

Ce commentaire fut accueilli avec le sourire par tout le monde et Tatien, heureux d'avoir trouvé au monde quelqu'un qui l'aime tant, portait sur le visage des signes évidents de réconfort et de satisfaction.

La nuit était tombée et le ciel s'était couvert d'un nombre infini d'étoiles scintillantes.

À la clarté de deux torches, la petite assemblée commenta encore pendant un long moment le laborieux chemin de la Bonne Nouvelle s'arrêtant à des considérations particulières sur les martyrs qui, depuis plus de deux siècles, succombaient au service de l'humanité.