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— Elle dit que s’ils font du mal à son fils, traduisit Cristina, elle ira elle-même tuer Bouterse.

La machette sur la hanche, elle leur fit au revoir, après avoir juré de leur donner des informations. Devant le scepticisme de Malko, Cristina Ganders affirma :

— Les « marnas » savent tout ici. Elles lavent le linge de tout le monde, même des militaires. Mama Harb connaît tous les copains de son fils. Ils n’osent pas protester ouvertement, mais ils lui transmettent des messages. Les Surinamiens ne sont pas méchants.

Ils cahotaient entre les acajous géants. C’était l’heure de la sieste et Paramaribo s’assoupissait dans la moiteur tropicale. Cristina bâilla.

— J’irais bien faire la sieste, mais mon Jules doit venir. Vous pouvez me ramener à ma voiture, je l’ai laissée au Torarica.

De nouveau, ils passèrent devant l’hôpital et Malko vérifia l’emplacement qu’il avait repéré, confortant son premier choix. Cristina avait allumé une cigarette.

— On vous a parlé de moi en Hollande ? demanda-t-elle soudain.

— Un peu, dit prudemment Malko.

Elle se tourna vers lui, les yeux rieurs.

— On vous a dit que je couchais avec tout Paramaribo, n’est-ce pas ? Celui qui vous l’a dit a couché avec moi aussi et il aimait beaucoup cela. C’est vrai, j’ai eu beaucoup d’hommes, mais je ne suis pas une putain. Certains me paient. C’est normal. Sans ça je ne les laisserais jamais se servir de mon corps. Mais je ne fais pas tout pour de l’argent. Dans cette histoire-ci, par exemple, je veux seulement vous aider et surtout aider le Surinam à se débarrasser de ces salauds. Sinon, nous sommes foutus.

— Vous pourriez vivre en Hollande ?

— J’ai essayé déjà. J’ai vécu aussi aux États-Unis, en Floride, à Jacksonville. Puis, je suis revenue ici. C’est le Surinam mon pays. (Elle rit). J’ai du sang noir, moi aussi. Mais cela va tellement mal que je vais être obligée de partir, de m’établir en Hollande.

Ils étaient arrivés au Torarica et Malko stoppa sous l’auvent, en face de l’hôtel. Le rhum semblait servir de sérum de vérité à Cristina Ganders. Elle s’accouda à son siège et le fixa avec un regard ambigu.

— Vous allez travailler avec Herbert Van Mook ?

— Oui, fit Malko. Grâce à vous.

Elle tira nerveusement sur sa cigarette :

— Faites attention. Il tuerait sa mère pour de l’argent. C’est un sale type. Un maquereau, un lâche. S’il peut vous doubler, il le fera. C’est un tueur aussi, sans le moindre scrupule.

Malko demeura de marbre. Si elle avait su l’histoire des deux tonnes d’or, Cristina lui aurait conseillé de traverser le fleuve à la nage.

— Vous veillerez sur moi, dit-il.

Elle secoua lentement la tête.

— Je ne le contrôle pas. Il est capable de tout. Rachel, la fille qui est avec lui, ne vaut pas mieux. Elle est folle et perverse.

Malko était intrigué.

— Comment savez-vous tout cela ?

Cristina écrasa sa cigarette dans le cendrier et eut un sourire en coin.

— On me téléphone toute la journée pour me raconter des potins. En taki-taki, nous appelons ça le molo-koranti, le téléphone nègre. Ce téléphone me dit que votre vie est en danger. Et pas seulement à cause des militaires. À ce soir.

Elle sortit de la Mitsubishi et il regarda s’éloigner la robe orange. Elle était fendue très haut derrière, découvrant à chaque pas les cuisses de la créole.

Chapitre VI

Le Parbo Inn était toujours aussi sombre. Malko avait l’impression de revivre la même scène. Herbert Van Mook était au bar en compagnie de Rachel, qui portait la même jupe en denim, à la limite de l’indécence. Le Hollandais vint l’accueillir et ils s’installèrent à une table surmontée d’une énorme Tour Eiffel en carton. Aussitôt, Ayub, le barman pakistanais, apporta d’office deux bières.

— Je crois que j’ai fait du bon boulot ! annonça Herbert Van Mook. On a déjà une partie de ce qu’il nous faut.

Il résuma pour Malko les hameçons qu’il avait lancés. Ce dernier se sentit un peu rassuré : la façon dont Van Mook abordait le problème prouvait qu’il agissait en professionnel. Mais il était décidé à tout vérifier par lui-même. Une seule faille dans l’exécution du plan et il se retrouvait en prison à Cuba jusqu’à la fin de ses jours. Ou pire.

— Je veux voir le bateau, exigea-t-il.

— Maintenant ?

— Pourquoi pas ? Ce sera fait.

Herbert Van Mook réfléchit rapidement. À cette heure-ci, Tonton Beretta devait se trouver dans ses coins favoris. Après tout, pourquoi ne pas satisfaire son commanditaire ? Plus ce dernier aurait confiance, plus il serait facile à abuser. Tout cela bouillait à petit feu sous son front bas, tandis qu’il essayait de prendre un air détaché. Il ne rêvait plus que des barres d’or massif.

— OK, dit-il, on va essayer de le trouver. Mais attention, je ne lui ai pas parlé de l’or…

— Vous avez eu raison, approuva Malko.

Van Mook alla dire à Rachel de les attendre et ils partirent dans la chaleur moite du crépuscule. Quelques minutes plus tard, ils étaient dans Watermolenstraat. Premier bar, personne ; second, uniquement des Noirs qui leur jetèrent des regards hostiles. Des cris furieux sortaient du troisième. Deux putes noires comme du charbon, les cheveux tressés à la façon des rastas, moulées dans des minijupes et des pulls trois tailles trop petits, étaient en train de se crêper le chignon sous l’œil rigolard d’une Colombienne. Un type chauve, du bar, regardait la scène avec intérêt.

— C’est lui, annonça Van Mook.

Les putes se turent lorsqu’ils entrèrent dans le bar. Van Mook alla droit sur Tonton Beretta.

— Tonton, fit-il, voilà mon copain, celui qui finance l’opération. J’ai voulu que tu le connaisses.

Les gros yeux marron se posèrent sur Malko, le détaillant comme un insecte. Puis l’homme tendit une main, grasse mais ferme.

— Salut, fit-il d’une voix basse. C’est bien. J’aime connaître ceux avec qui je travaille. Vous p… p… prenez une bière ?

Ils burent en silence, puis le Hollandais lança à voix basse :

— Il voudrait voir ton bateau. C’est possible ?

Le Français vida sa bière et coula à la Colombienne un regard plein de regret.

— Ça va me faire faire des éco… éco… économies, mais allons-y.

Ils repartirent à pied jusqu’au Parbo Inn et prirent la voiture de Van Mook, après avoir récupéré Rachel. Tonton Beretta monta à l’avant et, aussitôt, à l’arrière, Rachel se colla sournoisement contre Malko, posant sa main sur la sienne. Dès qu’ils furent sortis de la lumière du centre, elle la fit glisser jusqu’à une poche de sa robe et Malko sentit tout à coup la chaleur moite de son ventre sous ses doigts. Rachel continuait à parler à son amant dont Malko ne voyait que le dos énorme… Il sentit soudain en lui un trouble qui lui asséchait la gorge. Rachel arborait toujours le même sourire un peu lointain et innocent. Malko la sentait remuer doucement sous ses bras, ouvrant légèrement les jambes pour qu’il puisse aller encore plus loin. Puis, elle se tendit, se raidit et il réalisa qu’elle était en train de jouir. Il faillit l’imiter. Heureusement, ils étaient arrivés.

La cabane du Français ne payait pas de mine au milieu d’un terrain qui était une véritable forêt vierge, en bordure du fleuve… Il les amena à un grand hangar abritant plusieurs bateaux et s’arrêta devant le plus gros, un énorme canot automobile, bleu et blanc, profilé comme un squale.

— Voilà la bête ! annonça Tonton Beretta. Deux moteurs de 175 chevaux. Vingt-cinq nœuds sans fatigue. Deux cents litres à l’heure. On peut rouler six heures, plein pot.