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Elle regarda sa montre et se leva vivement.

— Allons-y. Ici, tout commence tôt, à cause du couvre-feu… Vous avez une voiture ?

— Oui, dit Malko.

Ils montèrent dans la Colt de Budget. Cristina parlait sans arrêt, jouant avec les gros bracelets de son bras gauche. Malko lui demanda :

— J’espère que je ne dérange pas votre emploi du temps ? Vous deviez peut-être aller avec quelqu’un…

— Non, dit-elle en souriant, en ce moment, j’ai un ami hindoustani dont la femme est jalouse. Je ne le vois guère que l’après-midi. Heureusement que je sors à une heure et demie. Mais au lieu de me mettre en short et de me reposer, je suis obligée de me maquiller et de faire ses quatre volontés. Il en veut vraiment pour son argent. Enfin…Une bonne nature. Elle le guida dans un dédale d’avenues sombres qui se ressemblaient toutes, bordées de maisons élégantes enfouies dans une végétation exubérante. Celle où ils se rendaient ressemblait aux autres, noyée dans les bananiers géants et les flamboyants.

Des Libanais laids comme des poux accueillirent Cristina comme si c’était la Reine de Saba. Les invités se mirent à arriver et très vite, il fallut hurler pour se parler. Soudain, Malko aperçut une peau de panthère moulant une croupe somptueuse. Quand celle à qui elle appartenait se retourna, il reconnut Greta Koopsie. La jeune Hollandaise lui sourit et il la rejoignit, abandonnant Cristina, aussitôt accaparée par un jeune métis à lunettes. Greta Koopsie lui tendit une main parfumée.

— Bonne surprise ! Vous vous êtes vite intégré au Surinam, dit-elle. Vous avez trouvé la cavalière idéale.

— Pourquoi ?

Greta Koopsie se pencha à son oreille.

— On dit que c’est le meilleur coup de Paramaribo, mais elle est assez chère. Remarquez, vous avez des dollars.

Elle se tut, Cristina arrivait vers eux. La créole adressa un sourire ravageur à Greta Koopsie.

— Alors, toujours seule ?

— Toujours, répondit la jeune Hollandaise. Et très contente.

Cristina s’éloigna à travers la foule des invités. Ceux-ci s’étaient jetés comme des gloutons sur le buffet. Greta pouffa.

— Elle veut absolument me refiler à quelques-uns de ses amants. Me maquerauter, quoi. Surtout que j’en connais certains. Il faut du courage pour entrer dans un lit avec de pareils débris… Je ne l’envie pas.

— Toujours au jogging ? demanda Malko.

— Toujours. Jusqu’à ce que je trouve. Quand cela me travaille trop, je prends une bonne douche…

Malko lui jeta un regard inquisiteur.

— C’est seulement pour vous rafraîchir ? Avec une douche, on peut faire beaucoup de choses.

Elle lui tourna le dos avec une pirouette. Malko suivit des yeux la silhouette en panthère. Il n’était pas le seul. Elle était, avec Cristina, la femme la plus excitante de la soirée. À part peut-être une Chinoise sculpturale, assise à l’écart, hiératique, la robe fendue très haut, révélant sa cuisse fuselée. On buvait sec et on bâfrait encore plus. Plus la nuit avançait, plus la chaleur devenait étouffante. Des gens entraient et sortaient sans arrêt. Cristina revint vers lui, un verre de scotch à la main, et passa familièrement un bras sous le sien.

— Ne me dites pas que vous avez dégelé cette petite dinde !

— Je ne l’ai vue par hasard qu’une fois une demi-heure…

La belle créole lui jeta un regard aigu et trouble.

— Cela suffit parfois, quand on en a vraiment envie…

Elle ruisselait littéralement de sensualité… Une pulpeuse fleur tropicale. Un filet de transpiration coulait entre ses seins et ses yeux étaient de plus en plus brillants. Quelqu’un avait mis sur l’électrophone un disque de meringué lent et sensuel.

— On danse ? proposa Cristina.

Quelques couples évoluaient déjà sous un bananier géant qui ressemblait sous la lune à un gigantesque éventail. Malko ne fut pas surpris en sentant le corps souple de Cristina épouser le sien tandis qu’elle nouait les bras autour de son cou. Elle semblait ne pas avoir d’os. Son bassin se balançait très lentement, ses seins fermes s’écrasaient contre lui et son parfum sui generis se mélangeait harmonieusement à celui dont elle s’était arrosée. Un autre danseur, évoluant près d’eux, lui caressa la hanche en passant et elle lui répondit d’un sourire carnassier, murmurant à l’oreille de Malko :

— Tous les hommes qui sont ici ont couché avec moi ou ont essayé. Ils doivent être très jaloux… S’il y a des mouchards dans cette party, ils ne pourront que m’attribuer un nouvel amant. J’ai la réputation de sauter sur toutes les nouvelles têtes. Vous ne faites donc pas exception.

Elle avait beau plaisanter, l’amour-propre de Malko en fut désagréablement chatouillé. Il n’arrivait pas à savoir si elle jouait vraiment pour la galerie ou si elle se sentait sincèrement attirée par lui.

Il s’en voulut de se poser la question au sujet d’une femme qui comptait ses amants par centaines, mais il ne pouvait se défendre d’une attirance violente pour cette splendide créature, même si elle sortait sans sa bonne depuis longtemps. La musique changea et elle le quitta avec un sourire puis elle enlaça un hindoustani à grosse moustache qui se mit aussitôt à la peloter honteusement. Malko accrocha le regard ironique de Greta Koopsie debout près du buffet. Il se rapprocha d’elle.

— Vous ne dansez pas ?

— J’ai essayé, dit-elle. J’ai cru que mon cavalier allait transpercer ma robe avec son machin. Ce sont des animaux…

— Je vous jure de ne pas vous violer…, assura-t-il.

Elle l’enlaça en souriant et tout de suite se colla à lui, le bassin en avant.

— Vous voyez que je ne suis pas bégueule, dit-elle. Ce n’est pas désagréable la sensation d’un corps d’homme contre le sien. À condition de le choisir.

Ils dansèrent plusieurs meringués, étroitement imbriqués l’un dans l’autre. Il commençait à fantasmer sur ce qu’il y avait sous la peau de panthère lorsque Greta Koopsie se détacha et soupira :

— Bon, je dois rentrer, j’ai mon jogging demain matin à sept heures. À bientôt, peut-être…

Quelle allumeuse ! Malko se retrouva en tête-à-tête avec une coupe de Dom Pérignon. Jusqu’à ce que Cristina surgisse, traînant une jeune Noire bouclée comme un caniche, avec une extraordinaire poitrine pointue.

— Helena veut faire votre connaissance, annonça-t-elle.

Helena se jeta dans les bras de Malko et commença à danser sur place une gigue absolument obscène, enfonçant sa poitrine d’acier dans ses pectoraux, faisant tourner son bassin comme une danseuse orientale.

Hélas, la musique s’interrompit et Helena fut happée par un grand Javanais qui l’entraîna dans le jardin. Cristina rejoignit Malko, pouffant de rire.

— Vous ne savez pas y faire ! Cela fait un quart d’heure qu’elle vous dévorait des yeux. Elle ne peut pas résister à un blond. Mais elle a trop bu ce soir. Le premier qui l’emmènera la sautera. Tant pis pour vous…

Les mœurs semblaient plutôt libres au Surinam. À voir le nombre d’hommes qui entouraient Cristina avec des regards pleins de sous-entendus, elle n’avait pas menti à Malko sur le nombre de ses amants. Celui-ci en avait assez de ce bruyant carnaval tropical. L’air ruisselait d’érotisme et il avait envie de chasser sa tension nerveuse pour quelques heures.

— Si nous rentrions ? proposa-t-il.

À sa grande surprise, Cristina ramassa aussitôt son sac.

— Bonne idée ! Il faut que je m’arrête de boire. Ça fait grossir…

Le temps d’étreindre au passage une douzaine de ses ex-amants, ils réussirent à s’extraire de la cohue. La température avait légèrement baissé, il ne devait plus faire que 30 degrés et le ciel était dégagé. Cristina se laissa tomber sur le siège de la Mitsubishi.