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Il faillit ne pas voir le petit village ! Ce n’était que quelques cases au bord de la piste avec l’éternelle épicerie chinoise et la station d’essence à pompe à main.

Cent mètres plus loin, une voie de chemin de fer coupait la piste, envahie par les herbes. Cela lui donna un point de repère. C’était le chemin de fer de la Sorecom, jamais utilisé, de Brownsweg à Zanderij. Tout de suite après, la piste s’éloignait du lac, contournant un massif montagneux couvert de jungle.

De nouveau, la latérite ! Sa chemise était collée à la peau par la transpiration. Cette fois, il n’y avait plus du tout de circulation. Il roula une heure et demie, dans un décor monotone et vert, débusquant parfois un gros serpent ou un iguane. C’était comme l’océan. Par moments, il apercevait le lac Van Blommestein, puis replongeait dans l’immensité verte. Plusieurs maisons en bois surgirent brutalement à un tournant. Un petit singe était attaché à une longue chaîne, au milieu des cases.

Quelques Noirs le regardèrent avec curiosité. Ils ne devaient pas voir passer beaucoup de touristes. Deux cents mètres plus loin, la piste se termina brusquement au bord d’une rivière de plusieurs centaines de mètres de largeur. D’après la carte, c’était le Gran-Rio qui se jetait un peu plus loin dans le lac Van Blommestein. Il était bien à Pokigron.

L’eau jaunâtre de la rivière coulait rapidement, emportant pas mal de débris. En face, il n’y avait même pas de piste, bien que la carte en indique une. Il était au bout du monde. Et pas trace d’une piste d’atterrissage. Il revint en arrière, retraversa le village, continua, roulant au pas, scrutant la moindre trouée dans la jungle.

Rien.

Nouveau demi-tour. Revenu au centre du village, près de l’épicerie, il descendit et fut aussitôt entouré d’un nuage compact de mouches et de différents insectes, ravis de cette chair fraîche. Il s’offrit un Pepsi à l’épicerie, puis prit le risque d’interpeller un jeune métis accroupi à l’ombre.

— Airfield ?

L’autre le fixa comme s’il lui avait exposé la théorie d’Einstein. Malko insista et, entre l’allemand, l’anglais et les gestes, finit par faire comprendre à son interlocuteur ce qu’il cherchait. Le métis consentit à s’arracher à sa sieste et monta dans la voiture de Malko, emmenant avec lui un millier de mouches. Il le guida ensuite à la sortie du village, et, à côté d’une hutte en ruine, lui fit signe de tourner à droite.

— Over there ! fit-il.

Puis, il descendit et repartit vers le centre du village. Malko regarda le sentier, impossible de s’y engager en voiture. Il ferma la Mitsubishi à clef et partit à pied, écartant les branches, les lianes, les fougères géantes. Il avait l’impression d’être le docteur Livingstone. À part le bruissement des insectes, le silence était total. Il parcourut plus d’un kilomètre dans une chaleur de bête, assailli par des hordes de moustiques de plus en plus nombreuses. Priant pour que la fièvre jaune ne soit pas au rendez-vous.

Enfin, au moment où il allait rebrousser chemin, sûr de s’être fourvoyé, il aperçut sur sa gauche, les débris d’une construction en bois. Il la contourna. Derrière, sur une bande de quatre cents mètres de long et trente de large, la forêt était moins épaisse… Il vit devant lui un poteau qui avait dû soutenir une manche à air. Ce qui avait été le terrain d’aviation de Pokigron était devenu une plantation de fougères géantes ! On n’aurait même pas pu y poser un cerf-volant.

Un arbre énorme, probablement touché par la foudre, coupait la piste en deux et la hauteur de la végétation atteignait plus de trois mètres.

Il aurait fallu un bulldozer, et des dizaines d’hommes pour dégager une piste d’atterrissage.

Découragé, il reprit le sentier. Sa Seiko-quartz indiquait une heure vingt et il mourait de faim. Revenu à sa voiture, il se plongea de nouveau dans la carte. Celle-ci indiquait une piste qui continuait de l’autre côté de la rivière, vers le sud-est, pour atteindre un village, où un aéroport était indiqué : Drietabbetje, situé au bord d’une autre rivière, la Tapanahoni.

Mince, très mince espoir.

Le métis était revenu à la même place.

— On ne peut pas traverser la rivière ? interrogea Malko.

— Si, assura le métis.

— Comment ?

— Il y a un radeau…

Un billet d’un florin l’arracha à son repos. Cette fois, ils abandonnèrent la voiture au bord de la rivière, longeant la rive boueuse.

Cent mètres plus loin, le métis désigna à Malko une plate-forme faite de troncs d’arbres et de pirogues, à demi immergée entre deux eaux, amarrée à un piquet. En face, on ne distinguait toujours rien qui ressemble à une piste. La forêt était compacte comme un rideau de fer peint en vert.

— Il y a une piste de l’autre côté ? demanda Malko.

Le métis tendit le bras vers un coude de la rivière.

— Là-bas. Mais elle n’est pas bonne. Personne n’y va. Sauf des chasseurs et des Indiens.

— Et en voiture ?

Le métis le regarda, totalement ébahi.

— En voiture ? Oh non, je ne crois pas.

— Où va-t-elle ? s’enquit Malko, entêté.

Le métis émit un son bizarre qui devait être la prononciation taki-taki de Drietabbetje. Découragé, Malko n’insista pas. Après avoir rendu son guide à sa sieste, il se relança sur la piste. Même en roulant très vite, il avait tout juste le temps de regagner Paramaribo avant la nuit.

Heureusement que Budget lui avait loué une voiture pratiquement neuve.

* * *

Une vieille Constellation et un DC 6 achevaient de se décomposer en bordure du terrain de Zanderij, l’aéroport de Paramaribo, encerclé par la jungle.

Hébété de fatigue, Malko retrouva avec délices le bitume de la route principale. Mais l’angoisse qui le tenaillait depuis Pokigron ne le lâchait pas.

Tout le plan échafaudé par les Hollandais était en l’air. À quoi bon arracher Julius Harb à sa prison, s’ils ne pouvaient pas quitter le pays ? Il leur restait six jours pour trouver une solution de rechange, hautement improbable. On ne trace pas une piste en pleine jungle avec de bonnes intentions. Même un garçon aussi débrouillard que Herbert Van Mook ne pourrait pas résoudre ce problème-là.

Chapitre VIII

Herbert Van Mook contempla avec stupéfaction Malko transformé en statue de latérite. Quant à la Mitsubishi, on aurait dit une termitière… On ne voyait même plus les glaces.

— Bon sang, d’où venez-vous ? demanda le Hollandais.

— De vérifier certaines choses, dit Malko. Et le résultat n’est pas brillant. Il y a longtemps que vous avez été à Pokigron ?

— Oui, pourquoi ?

— Le terrain est inutilisable, dit Malko. Maintenant, j’aimerais prendre une douche avant de faire le point.

Il avait préféré s’arrêter à la ferme de Van Mook afin de le mettre immédiatement au courant. Le Hollandais le suivit à l’intérieur, l’air soucieux. Rachel apparut en jean et s’illumina en voyant Malko.

— Montre-lui la douche et reviens me préparer un Tom Collins, lui jeta le Hollandais, visiblement d’une humeur de chien.

Rachel précéda Malko dans l’escalier, jusqu’à une salle de bains sommaire. Heureusement, la chambre était climatisée. Elle ouvrit la douche et lui adressa un sourire ravageur.

— Je vais brosser vos vêtements pendant que vous prendrez la douche.

Malko se déshabilla, suivi par le regard des étranges yeux écartés. Dès qu’il fut nu, Rachel s’approcha de lui, et sans un mot, commença à se frotter comme une chatte en chaleur. Une voix la fit sursauter.